Défaite crève-coeur du camp du Oui

Déclaration choc de Parizeau au soir du 30 octobre 1995

Et la vie continue...

Tribune libre

« C’est vrai, c’est vrai qu’on a été battus, au fond par quoi ? Par l’argent puis des votes ethniques, essentiellement », laisse tomber un Jacques Parizeau en colère à la suite de la victoire du « non » par une infime majorité de 50,58%. Une déclaration choc qui s’est propagée a vitesse grand V dans les médias le soir du 30 octobre 1995, et qui encore aujourd’hui, trente ans après qu’elle ait été prononcée, continue à soulever des interrogations sur ses retombées politiques pendant les semaines qui ont suivi.

Jacques Parizeau est-il allé trop loin? Oui. A-t-il été malhabile? Oui. Son cri du coeur émergeait-il de la réalité? La réponse est oui. De ce fait, fallait-il condamner ses propos à outrance dans un contexte où le camp du « oui » était venu si près de l’emporter, et où l’émotion était à son comble chez les centaines de partisans réunis ce soir-là au Palais des congrès à Montréal?

En revanche, aux dires de la traductologue Chantal Gagnon les jours suivant la déclaration de M. Parizeau, plusieurs journalistes francophones et anglophones ont mal cité les paroles de M. Parizeau, écrivant à tort qu’il avait montré du doigt le « vote ethnique » et non les « votes ethniques » pour expliquer la victoire à l’arraché du camp du « Non ». Selon elle, « Quand on dit “le vote ethnique”, c’est comme si c’était très, très homogène et que toutes les communautés culturelles votaient de la même façon, alors que ce n’est pas ce que M. Parizeau a dit, même si, dans tous les cas, c’était un énoncé extrêmement maladroit et déplorable ».

Fortement ébranlé émotivement par le résultat extrêmement serré du vote au soir du 30 octobre 1995, le « croisé » rendossa son costume moyenâgeux en ce soir pathétique, et visa les « votes ethniques » comme les responsables de la défaite crève-coeur du camp du Oui. Fidèle à sa franchise, Jacques Parizeau lança tout haut ce qu’il pensait tout bas… avec maladresse assurément mais aussi avec l’aplomb d’un fier Québécois brandissant en avant-plan son immense amertume au vu et au su de tous les Québécois.

Et la vie continue...

Par une journée de fin d’octobre où Éole semble en furie, une feuille à l’agonie est éjectée de sa branche mère par un vigoureux bourgeon impatient de prendre sa place pour le prochain printemps. Tanguant dans toutes les directions, notre feuille errante atterrit finalement sur le sol auprès de ses compagnes déjà résignées à leur imprévisible destin.

«Pourquoi ne ferions-nous pas appel à celui qui nous a déracinées de notre gîte pour qu’il nous permette un sort plus agréable que le sac à déchets?», demande la nouvelle arrivée à ses congénères. À ce moment, un souffle époustouflant propulse les feuilles inertes au gré du vent. Après une courte envolée, nos amies terminent leur périple, bien alignées le long d’un trottoir.

Puis le calme revient. Octobre et novembre passent, accompagnés d’ondées et de gel qui stigmatisent les feuilles d’automne au pavé. L’hiver s’installe, le froid congèle nos infortunées complices qui sont bientôt ensevelies sous la neige. Avec l’arrivée du printemps, les premiers rayons d’un soleil libérateur dégagent peu à peu les détenues de leur blanche prison. Alors les feuilles revigorées, quoique meurtries par autant d’intempéries, esquissent un large sourire d’apaisement à la vue du spectacle grandiose de l’éclosion des premiers bourgeons printaniers.


Henri Marineau, Québec




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