Loi 78 : un dilemme moral

La loi 78 fait de nous des hors-la-loi. Le jugement étant laissé à la discrétion des policiers. Cela démontre l'absurdité et le fait que cette loi est inapplicable. - Le gouvernement nous a placés devant un dilemme cornélien: choisir le camp des casseroles ou celui du gaz poivre. J'ai choisi le camp des casseroles, par conscience citoyenne.

Conflit étudiant - Désobéissance civile - 22 mai - un tonnerre d’espoir




Karel Mayrand L'auteur est directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki et a écrit Une voix pour la Terre (Boréal, 2012). Il s'exprime à titre personnel.
Le 22 mai, les centaines de milliers de citoyens qui manifestaient contre la loi 78 ont été placés devant un dilemme moral. En tournant à droite au coin des rues Sherbrooke et Jeanne-Mance, ils se conformaient à la loi 78 en suivant un trajet transmis à l'avance. En tournant à gauche, ils faisaient un geste de désobéissance civile.
Rarement aura-t-on fait comme citoyens un geste aussi lourd de sens. Rarement nous sommes-nous retrouvés devant un tel dilemme, à la croisée démocratique des chemins.
On a beaucoup discuté du respect de la règle de droit et de désobéissance civile depuis l'entrée en vigueur de la loi 78. Certains voient dans la désobéissance civile des gestes qui mettent en péril la démocratie, d'autres des gestes nécessaires pour préserver les droits et libertés qui en sont le fondement.
J'ai commis plusieurs gestes de désobéissance civile pacifique depuis l'entrée en vigueur de la loi 78. J'ai pris part le 18 mai à une manifestation déclarée illégale en vertu de la loi. J'ai porté le carré rouge. J'ai dit publiquement que cette loi devait être rendue inapplicable et inopérante. Comme des milliers d'autres, je prends part aux grands tintamarres qui rassemblent chaque soir des milliers de personnes dans les quartiers de Montréal dans un concert de casseroles pour protester contre la loi 78. Hommes et femmes de tous âges et enfants. La loi 78 fait de nous des hors-la-loi. Le jugement étant laissé à la discrétion des policiers. Cela démontre l'absurdité et le fait que cette loi est inapplicable.
Le 22 mai, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défié la loi et se sont rendues coupables de désobéissance civile simplement en tournant à gauche sur un coin de rue. À droite, le respect du pouvoir du Parlement et la paix. À gauche, la protection de nos droits constitutionnels, avec le risque de matraque et de gaz poivre. Quel gouvernement digne de ce nom place ses citoyens devant un tel dilemme de légitimité? Qui se surprendra que des dizaines de milliers de citoyens ait fait depuis vendredi dernier des gestes de désobéissance civile et que ce mouvement soit présentement en croissance dans les quartiers de Montréal?
Mettons-nous la démocratie en péril en ne nous conformant pas à une loi adoptée par un Parlement élu démocratiquement? Si la règle de droit d'applique à tous, ne doit-elle pas s'appliquer aussi au pouvoir législatif? Le Parlement, bien qu'élu démocratiquement, n'a pas les pleins pouvoirs. Ceux-ci sont circonscrits par la constitution et les chartes des droits et libertés. Or il est de plus en plus clair que la loi est anticonstitutionnelle et qu'elle va à l'encontre des chartes.
Voici où le bât blesse: la loi s'applique jusqu'à ce qu'elle ait été invalidée par les tribunaux. Et elle expirera avant d'avoir été déclarée légale ou non, puisque les procédures judiciaires risquent de prendre plusieurs mois, voire des années. Donc, cette loi qui fait de moi un hors-la-loi s'applique et restera en vigueur jusqu'à son expiration, peu importe qu'elle soit constitutionnelle ou non.
Cette loi constitue un dangereux précédent: dorénavant, qui pourra empêcher un gouvernement majoritaire de restreindre temporairement par loi spéciale les libertés de groupes de citoyens qui s'opposent à lui? S'opposer à une telle approche est-il antidémocratique ou au contraire, un geste visant à protéger notre démocratie?
Le gouvernement nous a placés devant un dilemme cornélien: choisir le camp des casseroles ou celui du gaz poivre. J'ai choisi le camp des casseroles, par conscience citoyenne.
Rendez-vous ce soir dans votre quartier.


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