Le ton est monté d’un cran dans la bataille sur le projet de loi travail en France : l’exécutif a menacé, mercredi 15 juin, de ne pas autoriser les manifestations, au lendemain de nouvelles violences en marge du défilé parisien, déclenchant un tollé chez les syndicats et une partie de la gauche.
La manifestation nationale organisée mardi à Paris par sept syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL), première du genre depuis le début de la contestation, a rassemblé entre 75 000 et 80 000 personnes selon la police, un million selon les organisateurs – un chiffre que le premier ministre, Manuel Valls, a qualifié de « ridicule ».
Elle a été marquée par de violents affrontements entre des militants radicaux et la police. De nombreuses personnes ont été blessées, et des dégâts d’une ampleur sans précédent à Paris ont touché l’hôpital Necker-Enfants malades, notamment.
Des décisions pour « ne pas autoriser les manifestations »
Après ces incidents, le président de la République, François Hollande, a annoncé qu’il n’y aurait plus d’autorisation de manifester si la préservation des « biens et des personnes » ne pouvait être « garantie ». « Pour l’instant elles ne le sont pas. A ce moment-là, les décisions seront prises au cas par cas de ne pas autoriser les manifestations », a-t-il dit.
« Je demande à la CGT [Confédération générale du travail] de ne plus organiser ce type de manifestations sur Paris », avait dit Manuel Valls plus tôt. Le premier ministre avait mis en avant la « responsabilité » de la centrale de Montreuil, critiquant une attitude « ambiguë » à l’égard de la frange radicale des manifestants.
Le préfet de police de Paris, Michel Cadot, a été plus précis, en évoquant « une forme de solidarité, au moins passive », entre « une nébuleuse d’environ 1 000 casseurs » et des manifestants de la CGT. Il a aussi affirmé qu’en fin de manifestation, un groupe de 100 à 200 manifestants de ce syndicat, « venus de l’Ouest et du Havre [Seine-Maritime] », avait aussi « participé à des actes de violence ».
La droite a saisi la balle au bond : Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains, a réclamé que la « responsabilité civile » et « financière de la CGT soit engagée ».
« Il faut que le gouvernement entende »
Ces accusations sont « inacceptables » et ces menaces le « signe d’un gouvernement aux abois », a répliqué la CGT. Pour le syndicat, il incombe « aux pouvoirs publics », dont Manuel Valls « a la première responsabilité, d’assurer la sécurité et le maintien de l’ordre ». La centrale a aussi condamné « sans réserve les violences commises » contre l’hôpital Necker et dénoncé des « actes aveugles ».
Mercredi soir, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a annoncé le maintien des journées d’action prévues les 23 et 28 juin et il a demandé la suspension du débat parlementaire sur le texte. « Il faut que le gouvernement entende, écoute », a-t-il souligné au journal télévisé de France 2, alors qu’il doit rencontrer, vendredi matin, la ministre du travail, Myriam El Khomri.
« Il n’y a aucune relation entre ce que font les casseurs et les manifestants », a-t-il aussi répété. La CGT assure avoir pris « les dispositions nécessaires afin de garantir la sécurité des participants à cette manifestation massive ».
« Alors qu’on interdise l’Euro ! »
Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière (FO), a lui aussi réagi, ne comprenant pas « qu’un gouvernement de gauche puisse interdire des manifestations organisées par des syndicats ».
« Alors qu’on interdise l’Euro ! », s’est-il emporté. « Les organisations syndicales font leur travail dans les cortèges. Ce qui se passe en dehors des manifestations, c’est de la responsabilité des pouvoirs publics », a-t-il déclaré.
Eric Beynel, porte-parole de Solidaires, a fustigé une « tentative d’essayer de diviser au lieu de débattre des vraies questions ».
Mercredi soir, l’intersyndicale des opposants à la loi travail (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl, UNL) a demandé « au gouvernement de garantir les bonnes conditions d’exercice du droit de manifester ». Selon eux, Manuel Valls « rejette sa propre responsabilité sur les organisations syndicales en leur imputant le climat social qui se détériore » et il « cherche à détourner l’opinion publique du cœur du sujet posé par le projet de loi ».
Réitérant leur opposition à « l’inversion de la hiérarchie des normes, les accords de développement et de maintien de l’emploi, les conditions de licenciement, le référendum d’entreprise, la médecine du travail », les sept syndicats dénoncent le refus de dialogue du gouvernement.
« Atteinte au droit constitutionnel de manifester »
A gauche, le chef de file des frondeurs socialistes, le député Christian Paul (Parti socialiste, Nièvre) a estimé que « les casseurs ne viennent pas des syndicats mais de l’ultragauche », et que « le gouvernement a une part de responsabilité dans cette tension sociale ». La présidente du groupe communiste, républicain et citoyen au Sénat, Eliane Assassi, a pour sa part accusé l’exécutif de vouloir porter « atteinte au droit constitutionnel de manifester ».
Amnesty International France a par ailleurs demandé que les violences fassent « l’objet d’une enquête indépendante et approfondie » et ne soient pas « imputées sans preuve aux organisateurs ». Elle a rappelé que le droit de manifester est « une liberté fondamentale ».
La rue semble rester le dernier moyen de pression dont disposent les opposants pour infléchir la position du gouvernement. Car les grèves, qui avaient pris ces dernières semaines le relais des manifestations dans des secteurs clés (raffineries, déchets, trains…), s’éteignent peu à peu. Mais les opposants refusent de parler d’essoufflement et comptent sur de nouveaux « temps forts », les 23 juin et 28 juin.
Les actions envisagées pour le 23, pendant l’examen du texte au Sénat, sont des « grèves, interpellations des parlementaires, rassemblements, manifestations, conférences de presse », ont énoncé les syndicats.
Le 28 juin, date prévue du vote du Sénat, ceux-ci appellent à remettre les résultats de la votation citoyenne sur le projet de loi « auprès des préfectures et à la présidence de la République », et à « organiser des grèves et des manifestations ».
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