Alors que s'achevait le premier jour de la visite d'Emmanuel Macron en Guyane, marqué par un grand rassemblement du collectif Pou Lagwiyann dékolé, de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont eu lieu devant la préfecture.
Des affrontements entre forces de l'ordre et manifestants du collectif Pou Lagwiyann dékolé, (Pour que la Guyane décolle), selon l'AFP ont terni, dans la nuit du 26 au 27 octobre le premier jour de la visite d'Emmanuel Macron en Guyane, comme en témoignent de nombreuses images diffusées sur internet.
Au moment où le président de la République arrivait à Cayenne après s'être rendu à Maripasoula, la tension était déjà palpable, devant la préfecture que protégeait un important service d'ordre.
Pendant plusieurs heures, les forces de l'ordre ont dû tirer des gaz lacrymogènes initialement destinés à disperser un rassemblement devant la préfecture de Guyane.
Près de la place des Palmistes, des dizaines de jeunes, souvent cagoulés, ont lancé des cocktails Molotov et des projectiles, notamment aux abords du commissariat. Des poubelles ont également été incendiées.
Le procureur Eric Vaillant a fait savoir que cinq personnes avaient été interpellées. En outre, un gendarme mobile et un policier ont été légèrement blessés, selon un premier bilan.
Un élu local a également été blessé par un tir de flashball, selon plusieurs journalistes présents sur place.
Les manifestants exigent le respect de la promesse de Macron... lequel répond qu'il n'est pas «le Père Noël»
Le chef de l'Etat est arrivé le 26 octobre dans l'après-midi en Guyane, dans un climat particulièrement tendu, à peine six mois après le très vif mouvement social qui avait paralysé la région sud-américaine. Il est notamment accompagné par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Dès son arrivée, le chef de l'Etat s'est rendu à Maripasoula (à la frontière avec le Suriname). La ville, qui est également la plus vaste commune de France, est soumise à une très forte pression migratoire. Il a cependant averti qu'il n'était pas venu en «Père Noël» – ni pour «faire des promesses». «L'Etat a fait trop de promesses qui n'ont pas été tenues. Donc je suis là pour dire les choses en vérité telles que je les vois, prendre des engagements que je saurai tenir durant mon quinquennat, et aussi assurer les éléments d'autorité indispensables sur ce territoire», a-t-il expliqué.
Le ton de cette déclaration n'a semble-t-il pas apaisé la gronde du collectif Pou Lagwiyann Dékolé, qui a décidé de maintenir la marche qu'il avait prévue au même moment. Le rassemblement a réuni un millier de personnes venues réclamer le respect des accords signés avec le gouvernement précédent. D'autant qu'Emmanuel Macron, alors candidat à la présidence, avait promis de mettre ces accords en application s'il était élu, et s'était même engagé à «aller plus loin».
Maintenant on sait à qui on a à faire
Réclamant un rendez-vous avec le chef de l'Etat, les manifestants se sont ensuite rassemblés devant la préfecture où ils ont écarté une première série de barrières pour se rapprocher du bâtiment. L'Elysée leur a proposé un rendez-vous le 27 octobre au matin, mais les manifestants ont refusé, réclamant de voir le président dans la soirée. Les violences ont éclaté peu après.
«Maintenant on sait à qui on a à faire», a déclaré Davy Rimane, membre du collectif Pou Lagwiyann Dékolé. «Il n'a aucun respect pour nous», a-t-il ajouté, soulignant l'urgence d'une intervention rapide de l'Etat pour aider la Guyane. A 7 000 kilomètres de la capitale, ce territoire peuplé par 254 000 habitants cumule les difficultés : immigration clandestine massive, insécurité croissante, communes enclavées, services de santé défaillants, système scolaire inadapté, taux de chômage très élevé (23%)...
De «beaucoup plus loin» à «pas plus, pas moins»
Emmanuel Macron a rencontré, au cours de la même soirée, les maires de Guyane. Ceux-ci, par l'intermédiaire du président de l'Association des maires de Guyane, David Riché, ont qualifié leur entretien avec le chef de l'Etat d'«en demi-teinte».
«Sur certains points on a eu gain de cause, surtout sur le volet immigration, sécurité, minima sociaux», concède David Riché dans un communiqué publié sous forme de vidéo sur Facebook. Mais d'autres points n'ont pas été réglés, selon lui. Le doute planerait toujours sur la promesse présidentielle : «Sur les accords de Guyane je crois qu'il y a matière à réfléchir, à se demander si le plan qui a été annoncé par le précédent gouvernement, je crois qu'il ne sera pas totalement respecté par celui-là.»
Le deuxième volet du plan d'aide décidé sous François Hollande pose plus particulièrement problème. Les deux milliards d'euros additionnels qu'il prévoyait pourraient en effet être «absorbés par les assises de l'outre-mer», selon le souhait exprimé par Emmanuel Macron devant les édiles guyanais.
Dans l'accord de Guyane du 21 avril, l'ancien gouvernement avait en effet débloqué un plan d'urgence de 1,08 milliard d'euros, signé des accords sectoriels et «pris acte» d'une demande de 2,1 milliards d'euros de mesures supplémentaires. «L'engagement de l'État de 1,1 milliard pour la Guyane sera tenu», a tenté de rassurer Emmanuel Macron, avant d'ajouter : «Les engagements seront tenus, pas plus, mais pas moins!»