L’appel à une manifestation anti-laïque, qui devrait avoir lieu ce samedi 14 septembre à Montréal, n’est pas sans susciter de sérieuses interrogations, non pas relativement à la libre et légitime expression d’un choix de valeurs, mais en raison du fort potentiel de dérapages qui est associé à cette activité.
En effet, parmi les «20 000 personnes», supposément attendues par le “Collectif québécois contre l'islamophobie” qui a pris l’initiative d’appeler à manifester contre la Charte des valeurs, il y aura certes une grande majorité de citoyens pacifiques, mais il y aura aussi assurément des éléments qui se préparent à un affrontement avec les forces policières, et qui ont démontré en 2012 leur aptitude à déployer efficacement des stratégies de provocation-répression.
Ces provocateurs sauront, comme on l’a vu, se fondre dans la masse des manifestants, pour les utiliser comme boucliers humains, mais aussi comme vecteurs politiques face au règlement anti-masque P6, alors que la promotion du foulard du “Black Block” se mêlera à la défense du port du voile islamique…, une manière assez délibérée de compliquer le travail des forces policières !
Démagogie à l’appui, on sera peut-être en mesure d’accuser le SPVM d’avoir matraqué la religion musulmane elle-même, de quoi fabriquer une crise sociale qui pourrait dégénérer comme ce fut le cas en 2008 à Montréal-Nord suite au décès de Fredy Villanueva.
On remarque d’ailleurs, dans le contexte d’un débat social et médiatique agité, une effervescence dans les milieux de jeunes issus de certaines communautés culturelles, ainsi qu’à la périphérie des gangs de rue. On avait justement vu en 2008 des tentatives de convergence entre un groupe “anarchiste” spécialisé dans la provocation et la section locale des Boodz, un groupe ethno-criminel local (alliance “Black and Brown)” impliqué dans l’émeute du 10 août.
On ne doit pas non plus écarter la possibilité d’une mobilisation de la mouvance salafiste, qui développe son emprise dans des marges communautaristes avec la promotion d’un islam ultra-traditionaliste, et qui a aussi des compétences en matière de provocation (sans évoquer ici les actions de type militarisées qui sont perpétrées dans d’autres lieux…).
Tout cela amène à questionner la capacité du comité organisateur de la manifestation à prévenir ou empêcher des dérapages hautement probables, mais aussi à s’interroger sur le sens des responsabilités de ses membres, et il en est de même pour les groupes et individus qui se sont associés publiquement à l’appel de ce “Collectif québécois contre l'islamophobie”.
Le Québec a-t-il besoin d’un « Automne arabo-érable » ?
Yves Claudé - sociologue