« Je ne savais rien », « Je ne connaissais pas l'existence d'Option Canada » : la rengaine a été entendue de tous les principaux suspects dans le scandale au cours des derniers jours.
Dans le cas de Jean Charest et de Daniel Johnson, peut-on vraiment les croire alors que leur entourage politique grouillait de personnes qui émargeaient à Option Canada ?
Pour d'autres champions du NON, c'est très possible. Mais une chose est certaine, ils connaissaient tous le Conseil pour l'unité canadienne, le conduit par lequel Patrimoine Canada distribue depuis des décennies de l'argent à la cause du fédéralisme au Québec. Tout bon libéral qui se respecte a, un jour ou l'autre, collaboré et/ou obtenu du CUC des contrats ou de l'argent. C'est une auge à petits cochonnets rouges où ils pataugent nombreux en attendant des jobs dans la politique ou la grande entreprise privée.
Le CUC sert de salle de transit pour les libéraux en déplacement entre, par exemple, un échec électoral et une nomination intéressante dans la grande entreprise ou la haute administration.
Le statut « d'organisme de bienfaisance » du CUC est scandaleux. Le fisc fédéral et celui du Québec ont ouvert des enquêtes à son sujet en 1997. Ces enquêtes sont allées nulle part. Il faudrait qu'elles soient relancées à la lumière des révélations que nous faisons dans Les secrets d'Option Canada. Cet organisme qui existe depuis 1964 est en réalité directement engagé dans la guerre contre l'affirmation nationale du Québec depuis plus de dix ans.
Déjà en 1993, selon André Bzdera, un ancien recherchiste au Bloc Québécois, le CUC avait commandité un « inventaire complet et une analyse exhaustive » de toutes les forces souverainistes au Québec, comté par comté.
Le CUC payait les factures d'Option Canada et quelques fois c'était le contraire. Tout le monde pigeait dans la même manne. Les relations financières entre le CUC et toutes ces officines étaient étroites : Pierre Pettigrew facturait le CUC et c'était Option Canada qui payait la facture. Le CUC a multiplié les prête-noms, les organismes-écrans et les groupes-bidons. Outre Option Canada, le CUC contrôlait plusieurs autres cellules secrètes qu'il finançait entièrement et qui étaient gérées par ses employés. Dans notre livre, Robin Philpot et moi démontrons, documents à l'appui, comment le Conseil québécois des gens d'affaires pour le Canada était une fiction opérant dans les bureaux du CUC, financé à 100 % par le CUC à travers Option Canada. Les contribuables québécois finançaient ainsi de riches hommes d'affaires appartenant aux plus grandes entreprises canadiennes afin qu'ils militent en faveur du NON.
André Bzdera a identifié d'autres cellules secrète de Patrimoine Canada opérant sous l'égide du CUC, avant, durant et après la campagne référendaire : Impact 95, Génération 18-35, Canada 2000, Conseil Québec, Coalition des partenaires. Il y en a sans doute qui n'ont pas encore été découvertes. Chacune d'entre elles mériterait une enquête comme celle que nous avons faite sur Option Canada. Toutes ces officines étaient étroitement interreliées. Par exemple, quand Daniel Johnson et Alain Dubuc affirment qu'ils ne savent pas que leurs voyages étaient payés par Option Canada comme on le montre dans Les secrets d'Option Canada, ils ont peut-être raison. La facture payée par Option Canada avait été envoyée à Canada 2000.
En plus de l'argent de Patrimoine Canada, le CUC a aussi pu compter sur le soutien financier du privé. Comme le note André Bzdera : « Le Conseil n'identifie jamais les bailleurs de fonds, mais il est essentiellement financé par le gouvernement fédéral, des sociétés d'État et ce que Jacques Parizeau appelait la finance, c'est-à-dire les grandes entreprises canadiennes du secteur privé. Postes Canada sous André Ouellet, ex-p.d.g. de Postes Canada, versait par exemple des dons « philanthropiques » considérables au Conseil. Les autres dissimulent leurs donations, craignant sans doute l'impact d'une telle nouvelle sur leurs ventes au Québec. Quant au secteur privé, seules quelques entreprises, telles Proctor & Gamble et Dow Chemical, avouent qu'elles contribuent financièrement aux activités du Conseil. »
Mais le CUC et Option Canada n'étaient pas les seuls conduits de l'or fédéral dans des opérations de propagande en faveur du fédéralisme canadien. Ma carrière de journaliste d'enquête à Radio-Canada s'est terminée lorsque j'ai découvert que la Fondation Charles R. Bronfman servait de paravent pour permettre à Patrimoine Canada de donner 7,2 millions de dollars à Robert-Guy Scully pour produire ses célèbres Minutes du Patrimoine, ces spots publicitaires qui inondaient les écrans de télévision et particulièrement à la chaîne de Radio-Canada dans les années qui ont précédé le référendum de 95.
P.-S. : André Pratte me présente dans un éditorial de La Presse du 11 janvier comme essayiste et un militant souverainiste dur. Je crois que les Québécois forment un peuple et une nation. Je ne milite dans rien et je ne suis membre d'aucun parti. Je ne suis pas non plus un essayiste comme il me présente, mais un journaliste d'enquête. Doit-on, lui, le présenter comme un rédacteur publicitaire, militant fédéraliste pur et dur ?
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