QUAND LA LIGNE DE FLOTTAISON DU DÉBAT POLITIQUE CORRESPOND À LA MORT DE LA NATION

Patrice-Hans Perrier: La ligne rouge à ne pas franchir

Le débat des chefs du 2 octobre dernier fut révélateur

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Chronique de Patrice-Hans Perrier

Le soi-disant « débat des chefs », mis en scène par le réseau TVA, mercredi 2 octobre, aura eu le mérite de recadrer l’essentiel de la joute politique dans un contexte où le « droit de parole » est conditionné par une ligne de flottaison cruciale. Il s’agit, si vous désirez être admis dans le grand cirque politique, d’éviter de remettre en cause la DOXA officielle qui conditionne le discours des élites; mais tout autant cet agenda médiatique qui est dicté par les grandes agences de presse et de cotations boursières.


On parle d’un discours qui table sur l’antienne progressiste et les « droits de l’homme » afin de conditionner les affects des électeurs face à la programmatique du développement effréné du grand capital apatride et amoral. Le chef du Bloc québécois aura confisqué les clefs de la discussion en faisant sa « profession de foi », dès l’engagement des hostilités, envers les dogmes inattaquables du féminisme, du réchauffement climatique ou d’un « vivre ensemble progressiste ».


Ne pas franchir la ligne rouge


Attrapant la balle au bond, Yves-François Blanchet, chef du BQ, a profité d’un premier thème portant sur « l’immigration et les politiques sociales » pour condamner sans appel les quelques députés qui oseraient critiquer la décriminalisation de l’avortement amorcée il y a 30 ans de cela. « Je pense que des valeurs aussi ancrées dans la mentalité du Québec, que le droit pour les femmes à disposer de leur propre corps, ne peut pas chez nous être quelque chose de discutable … », a-t-il martelé en lançant à Andrew Scheer, chef du Parti conservateur, un regard de vierge offensée.


Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Blanchet estime qu’un de ses propres députés qui « souhaiterait déposer un projet de loi pour limiter le droit des femmes à disposer de leur propre corps, serait exclu du caucus immédiatement. Il n’y aura aucun compromis sur cet enjeu », a-t-il doctement conclu.


Andrew Scheer, comme chacun le sait, s’est toujours opposé à la libéralisation complète du droit à l’avortement afin de capter un ratio d’électeurs ayant des affinités chrétiennes ou, du moins, supposées. Il s’est mis à patiner face à un chef du BQ manifestement très remonté contre tout ce qui pourrait remettre en cause la DOXA progressiste actuelle … et n’a pas été capable de répondre sans cafouiller à la question de l’animateur concernant la liberté de choix des femmes en matière d’avortement. « Comme chef du Parti conservateur, je vais voter contre les mesures de rouvrir ce débat », a-t-il répondu dans un Français approximatif, en guise de plaidoirie. Le défenseur de la veuve, mais pas de l’orphelin, a lancé à la face poupine du chef conservateur que « les gens doivent bien savoir et bien comprendre pour QUI ils votent ».


Mettre la table pour exclure les trouble-fêtes


La table était mise pour confiner Andrew Scheer dans une zone reculée du ring, histoire de rappeler aux téléspectateurs que le droit à l’avortement, l’euthanasie ou l’enseignement des théories du genre à la maternelle constituent les maillons de cette « ligne de flottaison » qui fera en sorte qu’un personnage politique ou médiatique puisse s’exprimer dans l’« enceinte démocratique » du grand « cirque ordinaire » de la politique politicienne. Et, c’est au nom de ce progressisme de bon aloi que le chef du BQ a tout mis en œuvre pour maintenir la tête d’Andrew Scheer sous la ligne de flottaison de la « joute politique et démocratique » des élections fédérales actuelles.


Confisquer le débat en biaisant les enjeux


Yves-François Blanchet, manifestement féru en matière de casuistique, s’est servi de la notion ambiguë des « droits de l’homme » pour faire dériver la question de l’avortement – c’est-à-dire de la décision de mettre un terme à la vie d’un corps [non pas d’une déjection] à l’intérieur de soi – du côté du droit des femmes à disposer de leur propre corps. Le droit de vie d’un fœtus devenant une question superfétatoire, cette personne humaine étant tout simplement assimilée à une sorte de corps étranger, de tumeur, qu’il conviendrait de traiter en fonction des humeurs du moment.


On peut réaliser que cet habile tour de passe-passe constitue la négation du droit de vivre d’un enfant qui est, déjà, en gestation. Personne ne remettra en cause le droit à l’avortement dans des cas extrêmes où la vie de la mère serait menacée ou si cette dernière aurait été la victime d’un viol, par exemple.


Toutefois, ici, la question a été complètement désaxée pour ne plus concerner que le droit des femmes à disposer de leur propre corps. Ce raisonnement, poussé dans ses derniers retranchements, procède d’une logique transhumaniste qui stipule que la procréation et la gestation ne devraient plus concerner la famille, mais tomber sous la juridiction du corps médical. Ainsi, par voie de conséquence, les femmes seraient « libérées » du fardeau de l’enfantement et jouiraient, conséquemment, de la même autonomie que celle des hommes. La femme devenant un « sujet » à part entière et non plus une « pondeuse » asservie aux dictats de la perpétuation de l’espèce humaine.


Des pétitions de principe qui masquent des enjeux économiques


Ce débat est d’une portée ontologique considérable puisqu’il va jusqu’à profondément diviser le camp des néo-féministes. Par ailleurs, on comprendra que les investisseurs qui tablent sur les « industries de la procréation assistée et de la gestation pour autrui » pour se faire « des couilles en or » ont tout intérêt à peser sur l’accélérateur de l’industrialisation de la maternité. Des intérêts financiers considérables sont en jeu à l’heure de nous étendre sur ce triste débat. Et, on comprendra aisément que tous les néolibéraux qui tentent de se distancier des « forces progressistes de gauche », en réchauffant certains discours conservateurs patentés, ne sont que des larbins au service du grand capital apatride qui dicte sa loi d’airain, d’est en ouest.


Andrew Scheer, s’il ne souhaite pas rouvrir un débat compromettant en termes de gains politiques, poursuit son approche de ventriloque qui consiste à dire tout et son contraire. Le chef du BQ a, au moins, le mérite de ne pas se « tortiller le cul » et d’ « être droit dans ses bottes » quand vient le temps de donner des gages aux grands régisseurs de la machinerie électorale. Un bien maigre mérite, faut-il en convenir, dans un contexte où ce prétentiard n’a fait qu’enfoncer des portes déjà ouvertes tout au long d’un débat manifestement organisé afin de piéger et d’isoler Andrew Scheer dès le signal de départ.  


De la même façon il s’est fendu d’une insignifiante plaidoirie en faveur de la « valeur québécoise progressiste de la laïcité », une notion particulièrement traficotée par les mêmes obédiences, prétendument humanistes, qui utilisent les « droits de l’hommes » comme autant de « Tables de la loi » érigées en qualité de religion universelle du nouveau millénaire.


Le droit de mourir à soi-même


Jagmeet Singh, un autre « larbin progressiste », estime qu’il faut libéraliser le « droit à mourir dans la dignité » dans un contexte où les « droits de la personne » l’emportent sur toute question de déontologie ou ontologique, à proprement parler. Ainsi, le respect des fondamentaux liés à la protection de la vie se trouve-t-il contraint par la notion galvaudée des « droits de la personne », un concept ambigu qui place le sujet réflexif au-dessus de ce que les anciens appelaient « loi naturelle ».


Encore une fois, qu’il nous soit permis de préciser que nous ne sommes pas contre les soins palliatifs, dans un contexte où il importe d’opérer une nette distinction entre l’acharnement médical et l’accompagnement du mourant en phase terminale. On comprendra aisément, si l’on suit le fil de cette réflexion, que le corps médical est appelé à devenir « juge et partie », dans un contexte où la sphère juridique et politique lui confère tous les pouvoirs en matière de déontologie.


Par-delà ses prérogatives liées à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité, le corps médical pourrait finir par avoir le dernier mot en matière de vie ou de mort quand on lui confiera un « patient » à traiter. La médecine, et toutes ses déclinaisons, se voient conférer un rôle de démiurge dans un contexte où la vie humaine a été complètement désacralisée et fait partie, d’ores et déjà, de la sphère de production à proprement parler.


Voilà pourquoi les manipulations génétiques, la fécondation pour autrui, l’avortement, l’euthanasie ou la robotisation du corps humain s’apparentent à des rituels sacrés que nul n’a le droit de remettre en cause. Yves-François Blanchet et Jagmeet Singh ont profité de ce débat truqué pour prêter allégeance à cette doctrine prétendument progressiste et humaniste qui ne fait qu’enrober la « volonté de puissance » des marchés de la nouvelle ingénierie biomédicale.


Nous reviendrons, dans un proche avenir, sur cette thématique qui semble incontournable dans un contexte où les grands historiens de la trempe d’un Fernand Braudel considèrent la natalité comme une ligne de flottaison qui sera déterminante pour la survie d’un peuple et d’une nation. Yves-François Blanchet qui se targue de vouloir lutter pour la survie de la nation québécoise ne fait que perpétuer l’œuvre délétère des pseudo-nationalistes de la « Révolution tranquille ».


Il s’agit, au nom des droits de l’homme et du progrès, de liquider les fondations réelles de la lignée des Français d'Amérique au nom de la notion trafiquée de l’émergence d’un homo quebecus « branché sur le monde » et vidé de sa « substantifique moelle ».



© Patrice-Hans Perrier


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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com





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