Le gouvernement du Québec prépare actuellement sa prochaine politique énergétique, 2016-2025, qui devrait être annoncée d’ici la fin de cette année. Celle-ci devra s’inscrire dans une société dont les défis sont très différents de ceux qu’on entrevoyait il y a à peine une décennie.
De par le monde, les principaux objectifs des politiques énergétiques visent trois défis : assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique ; promouvoir un rapport à l’énergie qui optimise le développement économique ; assurer le respect de l’environnement en plaçant la lutte aux changements climatiques au coeur même de leur politique énergétique. Comment ces défis se transposent-ils au Québec ?
Les enjeux d’approvisionnement en énergie ont évolué considérablement ces dernières années, tant du côté des hydrocarbures fossiles que de l’électricité. Du côté des hydrocarbures, qui représentent 53 % de l’énergie consommée au Québec, l’Amérique du Nord a vécu des transformations majeures avec le développement accéléré des sables bitumineux ainsi que l’exploitation, grâce à la fracturation hydraulique, du pétrole de roches étanches et du gaz de schiste. C’est dans ce contexte qu’on assiste au renversement de la ligne 9B d’Enbridge, qui apportera du pétrole léger de l’ouest du pays aux raffineries du Québec, un approvisionnement qui s’ajoute à l’accès historique au pétrole de la mer du Nord, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Dans ces conditions, le Québec dispose donc d’un accès plus que suffisant aux ressources en gaz naturel et en pétrole dont il pourrait avoir besoin au cours de la prochaine décennie et bien au-delà.
Côté électricité et biomasse, qui compte pour 47 % du panier énergétique québécois, l’essentiel de l’approvisionnement provient de sources renouvelables situées au Québec, avec l’exception notable de la production des chutes Churchill au Labrador, qui fait l’objet d’un contrat à long terme venant à échéance en 2041. Malgré une stagnation de la demande depuis 2002, les approvisionnements ont continué à s’ajouter à un rythme soutenu, si bien que le Québec exporte de l’ordre de 30 TWh ces jours-ci, soit près de 15 % de l’électricité qu’il produit, une quantité qui continuera d’augmenter au cours des prochaines années, dont il faut disposer, pour le moment, à perte sur les marchés étrangers.
Énergie et développement économique
Depuis près de 50 ans, le Québec perçoit le développement économique dans le secteur énergie principalement grâce à l’expansion de ses capacités de production électrique, adoptant bien avant qu’il ne soit rendu populaire par le film Field of Dreams, le motto « produisez et ils consommeront ». Un motto qui, il faut le reconnaître, lui a déjà réussi. À plusieurs reprises dans le passé, lors de la mise en marche de grandes centrales hydroélectriques, le Québec s’est retrouvé avec d’importants surplus qu’il a su utiliser à l’interne par des transformations de sa structure de consommation d’énergie et des politiques de développement industriel basées sur une électricité à bas prix.
Or, avec les faibles prix des hydrocarbures fossiles et les transformations qui se sont faites au Québec depuis 40 ans, cette approche ne fonctionne plus et le Québec est incapable de transformer ses surplus électriques en emplois soutenables et en croissance économique réelle. Il faut abandonner le modèle de croissance de la production d’énergie pour se tourner vers une utilisation plus rationnelle de l’énergie. Un constat déjà fait il y a 20 ans lors de la grande réflexion de 1995, mais qui ne réussit pas à percer auprès du gouvernement.
Les changements climatiques
Selon l’Inventaire des émissions de gaz à effet de serre au Québec (2012), le secteur de l’énergie représente environ 72 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette importance, qu’on retrouve à travers le monde, explique pourquoi la vaste majorité des pays développés intègrent leurs politiques énergétiques à celle sur le climat, ce qui permet d’optimiser les investissements publics et privés.
Au Québec, on a plutôt choisi de continuer l’approche en silo, et les consultations sur la prochaine politique énergétique ont complètement laissé de côté la question des changements climatiques.
Que nous réserve la prochaine politique énergétique du Québec ? Il est difficile de savoir ce que le gouvernement actuel retiendra pour sa prochaine politique énergétique. Les quelques tables d’experts tenues au printemps ont soigneusement évité les enjeux les plus importants, tels que l’intégration du défi des changements climatiques, le modèle de gouvernance et le développement économique lié à l’énergie, préférant se limiter, en bonne partie, aux questions d’approvisionnement qui sont, on l’a vu, sans grand intérêt pour le Québec d’aujourd’hui. Force est d’admettre, toutefois, que vu de l’extérieur, il y a peu de chance pour que le gouvernement réussisse à s’extirper du modèle traditionnel pour proposer une direction qui permettra au Québec de transformer sa relation avec l’énergie pour s’enrichir collectivement tout en assumant ses responsabilités face aux changements climatiques. J’espère me tromper, car le Québec n’a certainement pas les moyens de poursuivre sur la voie actuelle.
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