Power, La Presse et le pétrole sale

Géopolitique — médiamensonges des élites

Dany Doucet - Rédacteur en chef du Journal de Montréal - S'il y a une chose qu'un éditorialiste de La Presse ne devrait jamais faire, c'est donner des leçons de journalisme aux autres.
C'est pourtant ce que vient de se permettre l'éditorialiste en chef du quotidien de la rue Saint-Jacques, qui a consacré tout son éditorial d'avant Noël au Journal de Montréal.
Laissez-moi vous raconter ce qui est à l'origine de ces remontrances, histoire que je vous invite d'ailleurs à raconter aux lecteurs de La Presse que vous pourriez rencontrer dans vos familles à l'occasion du temps des Fêtes, car ce n'est certainement pas dans leur journal qu'ils pourront la lire.
Dans la foulée des négociations de Copenhague sur le réchauffement climatique, où le Canada s'est fait montrer du doigt à cause de l'exploitation de ses sables bitumineux, Le Journal de Montréal a d'abord rappelé une information d'intérêt public, que peu de gens connaissent et qu'ils devraient savoir: ce désastre écologique, probablement le pire sur la planète présentement, a des ramifications jusqu'ici.
En effet, la famille du milliardaire Paul Desmarais, propriétaire de l'empire Power Corporation et de sept des dix quotidiens francophones du Québec, dont La Presse, est celle au Québec qui a le plus d'intérêts financiers dans le développement des sables bitumineux. Par le biais de ses filiales, Power est l'un des principaux actionnaires de la multinationale française du pétrole Total. Or, Total est impliquée dans quatre gros projets d'exploitation de sables bitumineux qui pourraient lui rapporter cinq milliards de barils de pétrole au cours des 30 prochaines années. Un des membres de la famille a même été nommé au sein du conseil d'administration de Total et détient donc un réel pouvoir de décision au sein de cette entreprise.
Peu de gens savent tout ça, incluant une chroniqueuse de La Presse qui nous a écrit cette semaine pour nous dire, très candidement, qu'elle-même l'ignorait. Remarquez que ce n'est certainement pas dans les quotidiens de Power qu'elle aurait pu l'apprendre.
UN DRÔLE DE HASARD
Le Journal de Montréal a ensuite publié une chronique dans laquelle il était souligné que, par un drôle de hasard, deux chroniqueurs et l'éditorialiste en chef de La Presse avaient coup sur coup pris position en faveur des sables bitumineux en raison de ce qu'ils apportent comme revenus au Canada et au Québec. On a même pu lire que si le Québec pouvait se permettre des garderies à sept dollars, c'était en partie grâce aux sables bitumineux. Voici un bel argument pour convaincre une petite famille des bienfaits des sables bitumineux, non ?
Le problème, c'est que tout ce beau monde a «oublié» d'écrire que le propriétaire de leur journal avait tout intérêt à ce que rien ne vienne perturber l'exploitation des sables bitumineux. Quand on prend chaque jour plusieurs pages d'un journal pour dire au monde quoi penser, le minimum est de déclarer les intérêts de la maison: les siens, ceux de ses patrons et de ses propriétaires.
Donc, pour revenir au cours d'éthique 101 de monsieur le professeur, on repassera.
J'AI ARRÊTÉ DE COMPTER
Le pire dans tout ça, c'est que l'éditorialiste nous reproche d'avoir publié une chronique sans avoir cherché à obtenir la version de La Presse.
Pardon? C'est nouveau ça?
Savez-vous combien de fois des chroniques au sujet du Journal de Montréal La Presse a publiées ces dernières années, sans jamais nous demander notre version? J'ai fait une petite recherche et après vingt-cinq, j'ai arrêté de compter.
Et la dernière fois, savez-vous c'est quand? Seulement sept jours avant la leçon de journalisme de La Presse... Un chroniqueur consacrait alors tout son espace au Journal de Montréal dans lequel, dans une conclusion des plus tordues, il écrivait que nous étions une «menace pour notre démocratie», rien de moins. Ça, c'est de la liberté d'expression, monsieur! Remarquez que lorsque n'importe qui peut, du jour au lendemain, tenir une chronique sur n'importe quoi, c'est ça qui arrive.
La Presse n'a vraiment de leçon à donner à personne.
P.S. Cela fait dix ans que nous téléphonons en vain chez Power Corporation pour obtenir une entrevue.


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