Rebâtir sur les ruines de l'indépendance

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À quoi sert encore le OUI-Québec, sinon à entretenir l'illusion d'une amitié entre le PQ et QS ?


Parmi la centaine de personnes présentes à l’assemblée générale des Organisations unies pour l’indépendance (OUI Québec) samedi à Longueuil, il y avait des députés du Parti québécois (Véronique Hivon), de Québec solidaire (Alexandre Leduc), du Bloc québécois (Mario Beaulieu et Xavier Barsalou-Duval), de même que la dissidente péquiste, Catherine Fournier.


Personne dans la salle ne se faisait cependant la moindre illusion. La « convergence » qui avait mené à une entente de principe sur une « feuille de route » en avril 2017 est au point mort, et ce n’est pas demain la veille que les divisions vont cesser dans la famille souverainiste. Quand Jacques Parizeau avait parlé d’un « champ de ruines » à l’automne 2014, il ne pensait peut-être pas que la situation allait encore se détériorer à ce point.


En attendant que les partis politiques trouvent un moyen de s’entendre, il faudra faire sans eux. S’ils demeurent un véhicule incontournable pour le projet indépendantiste, ils n’ont jamais compté pour si peu depuis la victoire péquiste de 1976, a fait remarquer la présidente des OUI Québec, Claudette Carbonneau. Tous partis et niveaux de gouvernement confondus, le nombre les députés souverainistes est à son plus bas. À Québec, le premier ministre et le chef de l’opposition sont tous deux partisans d’un Canada uni.


« Il faut prendre acte de la réalité », a dit Mme Carbonneau. Depuis un demi-siècle, la question constitutionnelle n’avait pas été exclue des enjeux électoraux comme elle l’a été durant la campagne électorale de l’automne dernier. Pire encore, les Québécois ont désappris à faire le lien entre l’avenir politique du Québec et sa capacité de se développer. Ils ne voient plus les inconvénients de son appartenance au Canada.


 

 

Dans ces conditions, la société civile doit plus que jamais s’approprier le projet souverainiste et créer un lieu de convergence non partisan. Les OUI Québec proposent donc la tenue d’assises nationales sur le modèle des États généraux du Canada français, qui avaient été un tournant dans les années 1960.


Le projet est pour le moins ambitieux. Les États généraux avaient été tenus dans un climat d’effervescence et d’espoir, dont on cherche en vain la trace. Il est un peu déprimant de penser que chasser les libéraux était devenu le grand projet collectif.


Près de 25 ans après le référendum de 1995, il n’est pas trop tôt pour faire un état de la situation et se demander si le Québec va dans la bonne direction. Encore faut-il qu’on ait envie de se poser la question. Les OUI Québec se sont donné un an pour déterminer si l’exercice en vaut la peine.


Le grand danger est que cela se limite encore une fois à une conversation entre indépendantistes convaincus, comme cela a été le cas des États généraux sur la souveraineté, qui avaient été tenus entre 2012 et 2014 sous les auspices du Conseil de la souveraineté, l’ancêtre des OUI Québec.


Même si l’invitation est lancée à tous, personne ne doutera que l’opération vise à donner un nouveau souffle au projet souverainiste, idéalement avant l’élection de 2022. Ceux qui sont convaincus que l’appartenance au Canada demeure le meilleur choix seront nécessairement méfiants. Il sera impératif de trouver le moyen d’intéresser la jeune génération. Ses représentants étaient rarissimes samedi à Longueuil.


 

 

L’adhésion du PLQ à la réforme du mode de scrutin est une des rares bonnes nouvelles pour les souverainistes depuis longtemps. Non seulement elle élimine un sérieux obstacle, mais elle met de la pression sur le gouvernement Legault, qui n’aura plus aucune excuse pour se dérober, si telle était son intention.


Si l’introduction d’un élément de proportionnelle dans le système devrait permettre d’augmenter le nombre de députés souverainistes à l’Assemblée nationale, cela ne rend pas pour autant la « convergence » moins nécessaire. Un jour ou l’autre, les partis devront s’entendre sur une démarche commune.


Comme il y a une trentaine d’années, il faudra aussi espérer un coup de main de la conjoncture. Le gouvernement Legault aura beau multiplier les demandes, il est cependant illusoire d’espérer amener le Canada anglais à participer à une nouvelle grande messe constitutionnelle, qui se conclurait par un drame comparable au rejet de l’accord du lac Meech.


D’ailleurs, cela n’est peut-être pas nécessaire. Le débat sur la laïcité commence déjà à faire réapparaître les lignes de fracture que les libéraux s’étaient efforcés de masquer depuis quinze ans. À entendre le maire de Hampstead crier au « nettoyage ethnique », on se surprend à penser que le jour n’est peut-être pas loin où le fleurdelisé sera piétiné comme il l’avait été à Brockville en 1989.


Sous la férule de Doug Ford, l’Ontario est en voie de reprendre les airs de Bonhomme Sept Heures que lui avait jadis donnés Mike Harris, et l’élection de Jason Kenney en Alberta entraînerait à coup sûr un regain de tension entre le Québec et l’ouest du pays. Il est parfois étonnant de voir à quel point on peut rebâtir rapidement sur des ruines.









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