Crise étudiante

Reid jette de l’huile sur le feu

La grève a aggravé la situation financière de plusieurs cégeps

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


Antoine Robitaille , Lisa-Marie Gervais - Policiers et manifestants devant le Centre de commerce mondial, à Montréal, hier matin. Deux autres manifestations reliées au conflit étudiant ont eu lieu hier soir.
Alors que le gouvernement tentait d’apaiser le mouvement étudiant hier, l’ancien ministre de l’Éducation Pierre Reid a soulevé l’ire de leurs représentants en les qualifiant de « peu crédibles » et en affirmant que leurs associations étaient « noyautées par des gens qui ne prennent pas leurs études très au sérieux ». « C’est insultant de dire aux étudiants qu’ils ne croient pas dans l’éducation alors que ça fait des semaines qu’ils scandent dans les rues qu’ils veulent plus d’accessibilité », a répliqué Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). Pour le porte-parole de la CLASSE Gabriel Nadeau-Dubois, « M. Reid en veut vraisemblablement encore au mouvement étudiant de lui avoir fait perdre son poste de ministre en 2005 ».
Lorsqu’il détenait le portefeuille de l’Éducation à l’époque, M. Reid avait voulu convertir 103 millions de dollars de bourses d’études en prêts. Le mouvement étudiant avait alors déclenché une grève qui avait duré plus de 50 jours. En février 2005, Jean Charest avait muté le député d’Orford et l’avait remplacé par Jean-Marc Fournier.
À l’entrée du caucus hier, celui qui aussi été recteur de l’Université de Sherbrooke a soutenu que « la base étudiante est noyautée par des gens qui ne prennent pas leurs études très au sérieux ». C’est cela qui, à son sens, enlève toute crédibilité aux représentants de leurs associations. Si l’entente de principe intervenue en fin de semaine a du plomb dans l’aile, c’est selon lui que « les dirigeants étudiants ont échappé le ballon ». Pour un gouvernement, a-t-il soutenu, il est difficile d’avoir face à soi « des intervenants qui ne sont pas crédibles ». À preuve, a-t-il insisté, ces intervenants ont signé une entente avec le gouvernement et par la suite, « la base ne les suit pas ».
Contrairement à dimanche, Jean Charest a mis l’accent sur le dialogue hier en Chambre : « Nous allons faire tous les efforts nécessaires pour créer un espace de discussion, c’est l’objectif que nous nous étions fixé. » Plus tôt, la chef péquiste Pauline Marois, à l’entrée de son caucus, avait enjoint au premier ministre de « continuer à dialoguer avec les étudiants pour qu’ils ne perdent pas leur session ». Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a pour sa part exigé que le gouvernement prenne tous les moyens pour que les étudiants reviennent en classe dès lundi.
Tout en refusant de « renégocier l’entente », la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, a accepté hier d’explorer des « précisions » pouvant y être apportées. « On va voir ce qu’on peut faire. […] On a déjà passé 22 heures à débattre d’enjeux de fond. » En entrevue au Devoir, le président de la CSN, Louis Roy, a déploré que le gouvernement n’ait jamais précisé si le conseil provisoire des universités (CPU) avait ou non comme mandat de faire des recommandations sur la hausse des droits de scolarité. « J’ai regardé mes documents et j’ai vu que la demande a été faite plusieurs fois d’ajouter ‟droits de scolarité” dans le texte de l’entente. La ministre n’avait pas l’air de s’y opposer. » Même s’il estime qu’il « commence à être tard pour les précisions », il dit avoir téléphoné au cabinet de la ministre hier à ce sujet. Martine Desjardins, de la FEUQ, concède que l’absence des mots « droits de scolarité » dans l’entente peut en partie expliquer son rejet massif : « On savait que ça n’allait probablement pas passer auprès des étudiants. Mais dans une situation de sortie de crise, notre responsabilité c’était de soumettre une offre », a-t-elle expliqué. Mme Desjardins appelle à un retour aux pourparlers. « Si la ministre revient à la raison et décide d’un retour à la table, on est prêts », a-t-elle déclaré.

Rejet massif
Hier, les associations étudiantes réunies en assemblée générale à l’Université de Montréal, à l’Université Laval, à l’UQAM, à l’Université Concordia et à l’Université de Sherbrooke ont rejeté l’entente et reconduit la grève. Les cégeps de Baie-Comeau et Montmorency ont fait de même. Toutefois, le cégep de Lanaudière à Terrebonne a voté pour le retour en classe dès aujourd’hui, même si la proposition a été rejetée par les étudiants. Seuls les étudiants du cégep de Rimouski, qui n’étaient pas en grève, ont appuyé l’entente.
Inquiètes, les directions des cégeps se sont réunies hier en fin de journée pour discuter des différentes solutions. « On a franchi cette barrière-là. C’est devenu critique pour plusieurs cégeps. Si le conflit se règle demain matin, on va tout faire pour reprendre les cours d’ici le 30 juin […], mais il n’y a pas de lueur au bout du tunnel », a dit le président de la Fédération des cégeps, Jean Beauchesne, semblant découragé.
M. Beauchesne a laissé entendre que des directions de cégeps les plus retardés par la grève pourraient « faire une sortie publique » pour faire connaître leur solution. En grève depuis le 21 février, le collège de Maisonneuve reconnaît que sa situation est difficile, mais ne prévoit pas pour l’instant reporter en septembre la session d’hiver. Ce cégep fait toutefois partie des trois établissements ayant un important déficit et dont la crise actuelle aggrave les problèmes financiers. Au moins cinq autres cégeps dans une situation financière critique pourraient aussi avoir des problèmes à boucler leur budget. M. Beauchesne admet que la question des coûts devra être discutée, mais « l’important pour l’instant, c’est le retour en classe ».
Le président de la Fédération nationale des enseignants (FNEEQ-CSN), Jean Trudelle, est aussi d’avis que la situation prend l’allure d’un casse-tête s’annonçant très coûteux. Des accommodements pourraient être définis avec certains enseignants : « Les professeurs qui le peuvent auraient six semaines de vacances au lieu de huit et les deux semaines seraient payées en heures supplémentaires. Ça pourrait techniquement se faire », a confirmé M. Trudelle. Cette avenue, avec d’autres, sera discutée demain avec les membres du syndicat réunis.
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Avec La Presse canadienne


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