Retour aux choses sérieuses

Dans les fameuses valeurs québécoises, le hockey tient beaucoup plus de place que les 200 000 étudiants en grève.

Crise sociale - printemps 2012 - comprendre la crise



Mercredi dernier, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai essayé de m’y retrouver dans tout ce qui avait été écrit, dit aussi, depuis le début des 12 semaines de grève étudiante. Tout un travail. Je voulais comprendre d’où venait le dérapage. Certains journalistes répètent ad nauseam que tout le monde en a assez de voir les étudiants se promener dans les rues en faisant peur au monde et qu’il serait temps de leur donner une leçon de savoir-vivre. On les engueule, on dit qu’ils exagèrent et qu’ils n’ont rien compris, que c’est leur tour de payer et que s’ils pensent que nous, on a tout eu gratuit, on a des petites nouvelles pour eux autres. Il y en a même un qui a dit qu’il y avait des coups de pieds au c… qui se perdaient. Et puis, ils se prennent pour qui, ces petits morveux de rouges, demandent-ils ?
D’autres affirment aussi fort que ce sont les verts qui ont raison. Ils ont compris, ces chers étudiants verts, que leurs études avaient priorité sur tout le reste et ce qu’ils veulent, parce qu’ils aiment tellement l’école, c’est d’en avoir fini au plus sacrant et de passer à autre chose comme de faire de l’argent qui est, pour certains, le seul but ultime auquel l’éducation peut leur donner accès…
Des rouges, on dit que ce sont des enfants gâtés, des enfants-rois qui croient que tout leur est dû. On va même parfois jusqu’à prétendre qu’ils pourraient être manipulés par les centrales syndicales par exemple, qui se serviraient d’eux pour régler leurs problèmes avec notre bon gouvernement. D’un côté, les méchants rouges et de l’autre, les bons verts. On n’aime pas les « nouvelles » qui durent trop longtemps. Il faut que ça roule.
J’ai tout relu, tout revisionné et je fais cette longue entrée en matière pour bien faire la démonstration que quand on laisse pourrir un conflit pendant 12 semaines, il devient de plus en plus difficile de démêler les raisons mêmes de l’existence du conflit, et encore plus difficile de trouver les bonnes solutions. Si nous sommes en face d’une stratégie gouvernementale développée pour détourner l’attention de la population de l’odeur nauséabonde qui se dégage d’un certain monde politique, leur responsabilité en est encore plus grande, et la démarche impardonnable.
Certains citoyens ont offert leurs services pour défaire le noeud. D’autres ont suggéré plein d’idées souvent intéressantes pour venir à bout du problème. La réponse gouvernementale a toujours été la même : il n’y a pas d’abonné au numéro que vous avez composé.
Les rumeurs d’une élection ont pris de l’ampleur justement à cause de cette attitude de fermeture. Certains ont pensé que monsieur Charest venait de se trouver une « fenêtre ouverte » pour se lancer en campagne électorale. On a senti le frétillement heureux des autres partis, mais les démentis vont bon train.
Gérald Tremblay, le si discret maire de Montréal, a pris le temps de faire sa colère de l’année devant les caméras de télévision au sujet de la grève étudiante. Il a fait le tour de toutes les télés, au pas de course, en une seule journée, pour crier sa révolte, car si j’ai bien compris, il était pressé. Il s’apprêtait à s’envoler vers le Moyen-Orient en « mission économique », l’expression fourre-tout qui est utilisée à toutes les sauces par ceux qui voyagent en nous promettant de NOUS enrichir. Le voyage ne pouvait pas s’annuler devant l’urgence de la situation dans SA ville parce que « c’était un voyage organisé depuis longtemps », a-t-il expliqué. Dommage.
Je dois le dire. J’ai continué d’être impressionnée par le calme et la politesse des quatre porte-parole des étudiants en grève. Il se peut qu’il y en ait un 5e bientôt. Ils vont finir par être assez nombreux pour devenir des critiques sérieux dans les dossiers des ministres qui semblent avoir du mal souvent à s’y retrouver dans leurs propres papiers.
Monsieur Charest joue le rôle d’un premier ministre muet à l’Assemblée nationale. Il lit pendant la période de questions et il évite même de se lever quand les questions s’adressent à lui. Il fait sa grève du silence. Il boude. Ça lui donne un genre.
Mercredi dernier, madame Marois avait annoncé une conférence de presse à 14 h 30 pour annoncer SA solution à la crise. À 14 h, les deux réseaux francophones d’information se sont lancés à la conférence de presse de… Geoff Molson et du nouveau directeur général des Canadiens, Marc Bergevin. Ils ont occupé l’antenne pendant plus d’une heure. Tassez-vous madame Marois. Dans les fameuses valeurs québécoises, le hockey tient beaucoup plus de place que les 200 000 étudiants en grève. La vraie valeur québécoise, les vraies affaires, c’est évidemment le hockey. Ça fait mal, mais c’est ça.


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