Conflit étudiant

La part de l’étudiant

Crise sociale - printemps 2012 - comprendre la crise




Voilà plus de trois mois que des associations étudiantes ont pris la rue pour dénoncer la hausse des droits de scolarité.
Après trois mois de grève, un nombre incalculable de manifestations et autant de débats, on serait tenté de croire que, sur l’éducation supérieure et son financement, tout a été dit. Mais au coeur de ce vaste débat, il demeure un trou noir, un élément opaque. Cet élément opaque, c’est ce qu’on a appelé la « juste part » des étudiants. Or qu’est-ce exactement que cette fameuse « juste part » ?
On sait que lorsque les partisans de la hausse des droits de scolarité invitent les étudiants à « faire leur part », ils souhaitent par là les voir couvrir une portion supérieure du coût de l’éducation. À cela, les opposants à la hausse répondent que les étudiants « feront pleinement leur part » en contribuant au financement du réseau universitaire sitôt qu’ils obtiendront un emploi et disposeront par la même occasion d’un revenu imposable.
La « part » de l’étudiant apparaît ainsi, de part et d’autre, comme une contribution financière nécessaire au bon financement du système d’éducation québécois. Il s’agirait alors de savoir si cette « part » doit être versée par l’étudiant sous forme de droits de scolarité ou plutôt par le truchement de l’impôt sur le revenu.
Seulement, raisonner de la sorte équivaut à faire l’impasse sur ce qui, en matière de contribution étudiante, importe le plus. Car leur « part », les étudiants la font d’abord et avant tout en donnant le meilleur d’eux-mêmes en classe — et non pas en payant une quelconque facture. La tâche première des étudiants, celle qui compte avant tout, n’est pas d’investir dans leurs études, mais bien de s’invertir en elles.
La double tâche
On me dira :« Il va de soi que les étudiants doivent privilégier leurs études, mais cela ne les empêche pas de travailler les soirs et les fins de semaine pour amasser de quoi payer l’éducation qu’ils reçoivent. » Or c’est là tout le problème. On persiste à croire qu’obliger les étudiants à occuper un emploi (fût-ce à temps partiel) en marge de leur cheminement universitaire a peu ou pas d’impact sur la qualité de leur formation.
La réalité, pourtant, est tout autre. En exigeant des étudiants québécois qu’ils fassent leur « part » au financement de l’éducation, on empêche bon nombre d’entre eux de s’engager sans contrainte dans leurs études et d’ainsi tirer le maximum des ressources que, collectivement, nous mettons à leur disposition.
Disons-le sans détour : l’imposition de droits de scolarité — sans parler de la hausse —nuit directement à l’effort d’apprentissage et, par conséquent, à la qualité de l’éducation. Car trop souvent les étudiants doivent assumer la double tâche études/emploi pour parvenir à payer leur « part ». Et il faudra bien l’admettre un jour ou l’autre : poursuivre des études postsecondaires et travailler pour en assumer le coût constitue des impératifs divergents, sinon contradictoires.
Si, au-delà du désaccord actuel, notre souhait commun est d’offrir une éducation qui, en plus d’être accessible à tous, soit de la meilleure qualité possible pour tous, peut-être devrions-nous profiter de cette accalmie pour repenser ce que représente la « part » de l’étudiant. Et si l’on convenait que la « part » attendue des étudiants est de tirer tout le potentiel que renferme l’occasion d’apprentissage que leur offre la société québécoise — en y engageant leur talent, leur créativité, leur audace —, il faudrait alors conclure que ce qu’on entend aujourd’hui par « juste part » est un contresens, ou plutôt un détournement de sens, par rapport à ce qui constitue la véritable contribution d’un étudiant à sa société.
Si nous voulons que nos diplômés puissent « briller parmi les meilleurs », comme l’a déjà affirmé le gouvernement en place, encore faudrait-il se donner les moyens d’y arriver. Offrir aux étudiants québécois la possibilité de s’investir à temps plein dans leurs études m’apparaît, à cet égard, un incontournable prérequis.
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Jean-Michel Landry - Doctorant à l’Université de Californie, Berkeley


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