Rex Tillerson a rencontré le ministère des Affaires étrangères Lavrov et le président Poutine

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Une situation pire que la crise des missiles à Cuba en 1962

Finalement, ils se sont rencontrés. Rex Tillerson a discuté pendant plusieurs heures avec le ministre des Affaires étrangères Lavrov puis avec le président Poutine.  Après quoi, Tillerson et Lavrov ont tenu une conférence de presse conjointe plutôt bizarre dans laquelle le premier a répété mécaniquement toutes les absurdités que nous sommes habitués à entendre sur la Russie, tandis que Lavrov démolissait tous les arguments américains l’un après l’autre. Je pense que je pourrais discuter de toute la conférence de presse mot à mot, mais elle n’était pas intéressante et, d’ailleurs, je m’attends à ce que Tillerson souffre du « syndrome Kerry » : se conduire au mieux quand il est à Moscou uniquement pour redevenir féroce dès qu’il est de retour à DC. Néanmoins, ceux qui sont intéressés peuvent lire la transcription intégrale de la conférence de presse ici.




Permettez-moi seulement de résumer pourquoi, l’un dans l’autre, cette visite n’est pas une mauvaise nouvelle (je ne peux pas non plus l’appeler une « bonne nouvelle »).


D’abord, lorsque deux superpuissances se parlent, elles essaient en général d’éviter une escalade. Ensuite, Tillerson a rencontré Poutine. Si Tillerson était venu à Moscou seulement pour débiter l’habituel torrent de menaces et d’accusations, il n’aurait pas été reçu par Poutine (ou, en l’occurrence, par Lavrov). Cela signifie que quelque chose d’un peu substantiel a été discuté. Pas sur quoi ils sont tombés d’accord, mais dont ils ont au moins discuté. Enfin, parce que les deux parties ont admis qu’elles avaient beaucoup de différences, ils ont signalé qu’elles voulaient une amélioration de leurs relations. Je pense que la phrase suivante, prononcée par Tillerson, est absolument cruciale :


« J’ai exprimé le point de vue que l’état actuel des relations entre les États-Unis et la Russie est à un point bas et qu’il y a un faible niveau de confiance entre nos deux pays. Les deux principales puissances nucléaires mondiales ne peuvent pas avoir ce genre de relation. »


Je comprends parfaitement que, venant de quelqu’un probablement déjà affecté par le « syndrome Kerry », cela ne soit pas grand chose, Mais, mes amis, c’est mieux que rien !


S’il vous plaît, comprenez-moi : je suis épouvanté par la folie enragée de l’administration Trump qu’à ce point, je rendrai grâce à Dieu « rien » que s’il n’y a pas de guerre directe entre les États-Unis et la Russie. C’est la seule chose en laquelle j’ai encore un espoir. Parce qu’autrement, le tableau est très, très sombre.


Dans un style néocon typique, les Américains se sont complètement acculés eux-mêmes. Ils ont fait TELLEMENT de déclarations franchement stupides sur la Syrie et Assad qu’ils ne peuvent tout simplement plus se rétracter. Tout comme il y a exactement ZÉRO chance que les Américains acceptent jamais une enquête indépendante et honnête sur ce qui s’est vraiment produit pendant le dernier incident chimique (je ne l’appellerai pas une « attaque » parce que je ne suis même pas sûr que c’en ait été une). C’est comme le 9/11 – il est IMPOSSIBLE que la nomenklatura étasunienne autorise une enquête indépendante sur cet événement. Ils sont totalement engagés par leur paroles. Ils ne peuvent plus revenir en arrière, maintenant.


J’ai souvent l’impression que les Américains, qui savent très bien combien ils sont dans l’erreur, se mettent souvent délibérément dans une impasse dans le seul but d’être « protégés de la réalité » en étant coincés ; d’une manière qui les immunise presque contre les arguments logiques et basés sur les faits. Quel que soit le cas, la Russie et les États-Unis ne travailleront pas ensemble en Syrie. Et cela signifie que toute l’idée des États-Unis vainquant Daech est tombée à l’eau pour toujours. La Russie et l’Iran pourraient aider les Syriens à expulser Daech de la plus grande partie de la Syrie, mais même cela ne sera pas « vaincre » Daech de manière significative. En plus, je suis arrivé à la conclusion qu’Israël a joué un rôle majeur dans le coup contre Trump et que ce pays fera désormais tout ce qui est en son pouvoir pour que Daech continue à combattre (davantage à ce sujet dans ma prochaine analyse, la semaine prochaine). Daech pourrait très certainement être écrasé par un effort conjoint des Russes et des Américains. Maintenant, grâce à Trump, Daech a un nouveau bail sur la vie. Bien joué, Donald !


Donc voici ce qui se passe : la politique de Trump, si vous voulez l’appeler comme ça, à l’égard de la guerre en Syrie est mort-née. Les Américains eux-mêmes l’ont tuée avec leur agression extraordinairement stupide contre la Syrie et le conte de fées sur le « gaz sarin » qu’ils ont utilisé comme prétexte. Trump a été totalement neutralisé, son « Mad Dog » va beaucoup aboyer mais ne rien faire. Quant à McMaster, il peut se remettre à écrire encore plus de documents stratégiques du genre de ceux qui ont provoqué la défaite de l’Armée étasunienne à peu près partout.


C’est l’option numéro un.


L’option numéro deux est infiniment pire : les fous continuent à doubler la mise et nous avons la Troisième Guerre mondiale. Je préfère la première solution. C’est pourquoi je pense que Tillerson à Moscou est un succès : cela rapproche un tout petit peu la planète de la première option et l’éloigne un petit peu de la deuxième.


À ce stade, c’est tout ce que nous pouvons encore espérer : que les imbéciles invertébrés qui dirigent les États-Unis aujourd’hui ne provoquent pas la Troisième Guerre mondiale. S’ils s’arrangent d’une manière ou d’une autre pour ne PAS la provoquer ces quatre prochaines années, nous leur serons redevables d’une immense dette de gratitude pour cela (même si nous les méprisons pour tout ce qu’ils feront sans doute ensuite).


Encore une chose : ne vous y trompez pas – la situation aujourd’hui est beaucoup plus dangereuse que la crise des missiles cubains.


Pendant la Guerre froide, les deux camps étaient dirigés par des hommes rationnels. Pas nécessairement gentils, mais fondamentalement rationnels. Il était évident pour tous les acteurs impliqués qu’ils ne pourraient jamais, jamais, prendre le risque du déclenchement d’une guerre nucléaire. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les Soviétiques n’ont jamais eu la moindre intention d’envahir l’Europe occidentale. Mais SI ils l’avaient fait, il n’y a également aucun doute que les États-Unis n’auraient jamais poussé l’escalade au niveau des armes atomiques stratégiques. J’ai connu beaucoup d’officiers supérieurs étasuniens, allant des officiers du renseignement de la Marine à des analystes supérieurs de l’Office of Net Assessment, à des officiers qui travaillaient sur le programme YF-22/23 et même un membre de l’état-major. Ils étaient tous d’accord pour dire qu’entrer en guerre nucléaire était tout simplement quelque chose qu’aucun président des États-Unis ne ferait jamais. L’un d’eux l’a dit très simplement : « Nous n’allons pas échanger Boston contre Munich ». Ils étaient tous patriotes, mais ils savaient reconnaître la folie lorsqu’ils la voyait et la guerre entre les États-Unis et l’URSS est une idée folle, qui mettrait fin à la civilisation.


Actuellement, nous avons à l’évidence deux administrations américaines désireuses de s’engager dans ce que j’appelle un « jeu de la poule mouillée nucléaire » contre la Russie, parce qu’ils sont trop stupides pour réaliser que la Russie ne reculera pas lorsqu’elle sera acculée (et elle est acculée à la fois en Ukraine et en Syrie) et qu’elle peut tout simplement balayer l’ensemble des États-Unis de la surface de la Terre (et les États-Unis peuvent faire de même à la Russie). Quand j’entends parler d’imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie contre la volonté de la Russie, j’ai un nœud au ventre parce que je comprends parfaitement à quoi cela pourrait mener.


C’est bien pire que la crise des missiles cubains et cela va durer beaucoup plus longtemps, hélas.


J’espère et je prie pour que Tillerson n’oublie pas totalement ses paroles sur « deux puissances nucléaires majeures ne peuvent pas avoir ce genre de relation » lorsqu’il sera de retour à DC et qu’il puisera en lui le courage de répéter ces mots lorsqu’il fera face aux foules hystériques réclamant du sang au Congrès, dans les médias anglo-sionistes et dans le marais du pouvoir exécutif.


Quant à Trump, laissons-le prendre conseil auprès d’Ivanka, exactement comme Clinton les prenait de Hillary. Les dégâts sont déjà là. Aujourd’hui tous deux appartiennent au même tas de déchets de l’Histoire.


The Saker


Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Michèle pour le Saker Francophone



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