Jeanne Corriveau - Difficile d'imaginer une campagne électorale plus mouvementée que celle qui prendra fin demain à Montréal. À quelques heures du scrutin, Gérald Tremblay, Louise Harel et Richard Bergeron se retrouvent au coude-à-coude au terme d'une bataille ponctuée d'allégations de corruption et de copinage. L'ascension spectaculaire du chef de Projet Montréal dans les intentions de vote rend l'issue du scrutin difficile à prédire.
Les trois principaux candidats à la mairie sont presque à égalité à l'approche du jour J. Un sondage publié hier révèle que si la chef de Vision Montréal, Louise Harel, devance ses adversaires dans les intentions de vote, l'écart est tellement minime que tous les scénarios deviennent possibles. Disposant de 34 % des appuis, Louise Harel est talonnée par le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, peu connu du public il y a quelques mois, mais qui obtient maintenant 32 % des intentions de vote, selon le sondage Angus-Reid publié par La Presse hier. Écorché par de nombreux scandales au cours des derniers mois, le maire Gérald Tremblay a chuté à 30 %. Mais il n'est pas le seul à voir ses appuis s'effriter puisque Louise Harel a elle aussi connu une baisse de popularité au cours des dernières semaines.
Qui sera le prochain maire de Montréal? Difficile à dire, car l'écart entre les belligérants avoisine la marge d'erreur de 3,46 % du sondage. «Il faut être prudent et ces chiffres peuvent être trompeurs, avertit Jean-Pierre Collin, professeur à l'INRS. Il faut voir comment les intentions de vote se traduiront le jour du scrutin. Si les personnes âgées se déplacent pour voter, ça pourrait par exemple favoriser Gérald Tremblay. [...] Richard Bergeron semble recevoir les faveurs des gens plus jeunes, mais ce sont eux qui sont le moins enclins à voter.»
Le trouble-fête
Richard Bergeron savait qu'il gagnait du terrain et hier, il s'est dit peu surpris des résultats du sondage. «Ça démontre que l'audace de notre programme et que l'authenticité de notre équipe sont appréciées des gens. Ce n'est que justice que nous soyons à quelques jours d'une victoire probable», a-t-il dit. Ce candidat improbable, négligé par les observateurs, a réussi à brouiller les cartes. Il faut dire que les controverses qui ont éclaboussé les deux principales formations politiques ont épargné Projet Montréal, qui se targue de ne pas avoir trempé dans des affaires douteuses.
Méconnu du public il y a à peine quelques mois, Richard Bergeron n'a rien d'un politicien conventionnel. Urbaniste de formation, il avait été le seul de sa formation à accéder au conseil municipal en 2005. Certains chroniqueurs l'ont qualifié d'«hurluberlu bavard» aux idées extravagantes, obsédé par le tramway et par son aversion pour l'automobile. On a aussi dit de lui qu'il était entouré d'une bande de jeunes utopistes sans expérience de la politique.
Ses déclarations parfois loufoques du passé n'ont cessé de le hanter tout au long de la campagne, comme celles concernant le complot des attentats de 2001 et sa théorie sur la cigarette -- une blague, assure-t-il. Et hier, à deux jours du scrutin, d'autres propos controversés qu'il a tenus il y a dix ans lui ont été ramenés sous le nez. Dans une entrevue accordée à RDI en 1999 au sujet de son Livre noir de l'automobile, il admettait avoir déjà eu des comportements agressifs envers des piétons. «Je suis passé à côté de lui [un piéton qui traversait entre deux intersections], je l'ai peut-être même frôlé avec mon miroir à 120 km/h. J'ai voulu lui donner une leçon», relatait-il. Il y présentait aussi sa théorie sur les femmes et les voitures compactes.
Richard Bergeron soupçonne Vision Montréal de faire circuler un montage vidéo de cette entrevue qui, dit-il, ne rend pas justice à ses propos. «C'est de la petite politique. C'est un extrait sorti d'une longue entrevue de 52 minutes dont je suis fier. Les gens peuvent aller sur Internet et la visionner au complet. Ils jugeront eux-mêmes», a-t-il expliqué hier.
Au sujet du fameux passage sur le complot du 11-Septembre, le chef de Projet Montréal admet qu'il aurait dû peser ses mots: «Mon imprudence a été d'utiliser une phrase trop cinglante, propre au genre de l'essai.»
Reste qu'un danger guette Richard Bergeron puisque s'il est défait, sa colistière Nimâ Machouf devra élue s'il veut pouvoir continuer à siéger au conseil municipal. Or, celle-ci affronte un vétéran de la politique municipale d'Union Montréal, Michel Prescott, qui sera peut-être difficile à déloger dans le district de Jeanne-Mance.
Saut dans le vide
Visiblement, l'ascension de M. Bergeron dans les sondages irrite Louise Harel. «Richard Bergeron, c'est le saut dans le vide. Il n'a aucune équipe. Il fait campagne avec le juge Gomery, qui ne se présente même pas à l'élection! Bergeron, c'est un one man show. Moi, j'ai de l'expérience politique, j'ai géré dans ma vie, je sais comment faire le ménage et redonner aux citoyens la fierté de leur ville», a-t-elle expliqué hier.
Louise Harel n'a pas voulu commenter le sondage hier, car «le vrai sondage, c'est dimanche», a-t-elle dit. Entourée de ses candidats, elle a fait le bilan de sa campagne: «Ni moi, ni vous, ni aucun Montréalais ne nous attendions à une campagne qui a été l'équivalent d'une télé-réalité», a-t-elle dit. Elle a pressé les électeurs montréalais d'exercer leur droit de vote demain. «On a une équipe aguerrie, expérimentée et renouvelée. On est prêts à gouverner. On a l'intégrité pour faire le ménage qui s'impose.» Au sujet de Gérald Tremblay, elle a répété ses critiques formulées plus tôt cette semaine: «Gérald Tremblay, c'est le statu quo souhaité par les puissants lobbys.»
De son côté, Gérald Tremblay s'est fait plutôt discret hier. Outre quelques entrevues à la radio et à la télévision, le maire sortant a consacré l'essentiel de sa journée a faire un «blitz de terrain», a indiqué hier son attaché de presse. Il fera le bilan de sa campagne ce matin en conférence de presse.
Le déroulement de la campagne a fait fi de tous les scénarios envisagés. En février, malgré la controverse entourant la SHDM, Gérald Tremblay trônait au sommet des sondages, loin devant Benoit Labonté, alors chef de Vision Montréal, et de Richard Bergeron. Mais au printemps, Louise Harel a fait irruption dans le paysage municipal pour prendre la tête du parti fondé par Pierre Bourque. Dès lors, la pré-campagne a changé d'allure. Empêtré dans divers scandales -- dont celui des compteurs d'eau -- qui lui ont valu un rapport accablant de la part du vérificateur général, Gérald Tremblay a été sur la défensive tout au long de la campagne.
Louise Harel n'a pas été épargnée non plus. Elle qui, en début de campagne, brandissait un balai pour illustrer sa détermination de faire le ménage à l'Hôtel de Ville, s'est retrouvée en bien mauvaise posture lorsque son lieutenant, Benoit Labonté, a admis avoir entretenu des liens avec Tony Accurso.
En 2005, le taux de participation avait atteint 35 %, mais l'intérêt manifesté pour la campagne électorale hors de l'ordinaire saura peut-être attirer davantage d'électeurs aux urnes demain.
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Avec la collaboration d'Alec Castonguay
Rien n'est joué, rien ne va plus!
Avec Richard Bergeron qui joue les trouble-fêtes, tout est possible
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