(Québec) Au moment où les conditions de travail de ses membres sont dans le collimateur de Québec, le front commun syndical des employés de l'État présentera bientôt, avant le premier budget Leitao, ses demandes d'augmentations de salaire pour les prochaines années. Son objectif: combler le recul de 8,3% de leur rémunération globale par rapport aux autres salariés québécois.
Ces demandes risquent de provoquer une collision avec le gouvernement Couillard, qui fait face à une impasse budgétaire de 3,7 milliards de dollars pour cette année et qui a promis d'atteindre le déficit zéro en 2015-2016. Vendredi, deux experts mandatés par Québec pour examiner les finances publiques, Luc Godbout et Claude Montmarquette, ont recommandé un gel de la masse salariale des employés de l'État.
Formé en pleine campagne électorale, le front commun regroupe la CSN, la FTQ, la CSQ, le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) et l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) font bande à part.
Les conventions collectives des quelque 430 000 employés de l'État viennent à échéance le 31 mars 2015. Des représentants du front commun se réunissent ces jours-ci pour discuter d'un plan de match.
Le dévoilement du rapport Godbout-Montmarquette, vendredi dernier, et le dépôt du budget Leitao, attendu au début du mois de juin, incitent le front commun à montrer ses couleurs très rapidement. Les syndicats veulent éviter que le discours sur l'austérité budgétaire et les arguments gouvernementaux prennent toute la place.
«Clairement, le gouvernement est en train de placer la prochaine négo. Il veut nous mettre sur la défensive. Il faut mettre au jeu nos revendications et les expliquer», a expliqué une source syndicale.
Le front commun présentera donc bientôt, probablement à la mi-mai, ses demandes salariales. Il veut un rattrapage par rapport aux autres salariés. Selon la plus récente étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), la rémunération globale (salaires et avantages sociaux) des employés du secteur public est inférieure de 8,3% à celle des autres travailleurs d'entreprises de 200 employés ou plus (du privé, du fédéral et des municipalités). Cet écart a plus que doublé depuis 2009. Le recul des employés du secteur public était alors de 3,7%.
Un rattrapage de 2,5 milliards
Des sources au front commun ont indiqué que ce pourcentage (8,3%) ne représentera pas nécessairement la demande syndicale. Le principe du rattrapage serait toutefois au coeur des revendications, ont-elles ajouté. Elles n'ont pas voulu préciser dans quel échéancier le retard devrait être comblé.
Lors des précédentes négociations, les parties calculaient que chaque point de pourcentage d'augmentation représente environ 300 millions de dollars. Le rattrapage souhaité par les syndicats se chiffrerait donc à 2,5 milliards.
Dans son plaidoyer, le front commun soutiendra que Québec devrait dégager des économies autrement qu'en limitant la croissance de la rémunération de ses travailleurs.
Une conjoncture historique s'offre en effet au gouvernement, croit-il. Le tiers des employés de l'État partira à la retraite au cours des cinq prochaines années, du jamais vu. Le gouvernement devrait profiter de l'occasion pour ne pas combler tous les départs, soutiennent des sources syndicales. Québec a déjà appliqué une politique de non-remplacement d'un retraité sur deux dans les dernières années - sauf dans le cas des infirmières et des enseignants, par exemple.
Vendredi, Luc Godbout et Claude Montmarquette affirmaient qu'il s'agit de l'une des options qui s'offrent au gouvernement en vue de geler la masse salariale des employés de l'État. Le gouvernement peut aller plus loin, selon eux, et prévoir des programmes de mise à la retraite, l'abolition de postes et l'annulation des hausses salariales.
Annuler l'augmentation de 2% pour 2014-2015 - la dernière année de la présente convention - et éliminer la progression dans les échelons salariaux cette année rapporteraient environ un milliard de dollars, selon les deux économistes. Une telle mesure implique de renégocier ou, en cas d'échec, de renier les conventions actuelles. Dans des entrevues, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a déclaré qu'il entendait respecter les conventions signées, ce qui n'exclut pas de renégocier les termes de la dernière année.
Jeudi dernier, Philippe Couillard semblait réfractaire au gel des salaires - à ne pas confondre avec un gel de la masse salariale -, soulignant qu'une telle solution peut avoir un impact négatif sur l'économie. La Presse révélait toutefois le 22 avril qu'un scénario de gel des salaires était dans les cartons au Trésor. Pour l'heure, le gouvernement Couillard s'est contenté d'annoncer un gel de l'embauche dans la fonction publique et parapublique.
Lors du dépôt de leur rapport, Luc Godbout et Claude Montmarquette ont souligné que les prochaines négociations seront déterminantes. Près de 60% des dépenses de programmes du gouvernement servent à payer les salaires des employés. Si le gouvernement veut freiner la croissance de ses dépenses, il doit inévitablement aborder l'enjeu de sa masse salariale, disaient-ils en substance.
Dans son dernier budget déposé avant le déclenchement des élections, le gouvernement Marois envoyait déjà un avertissement aux employés de l'État, une manoeuvre qui avait surpris les syndicats. «Pour la nouvelle entente, le gouvernement entend établir avec les employés de l'État une rémunération responsable», disait-il. «Il importe que l'offre de services publics respecte la capacité financière de l'État et de ses contribuables. Ainsi, le gouvernement souhaite négocier avec ses employés une entente juste et équitable pour toutes les parties. La croissance économique reprend graduellement. Ainsi, comme c'est le cas pour la présente convention collective des employés de l'État, les augmentations salariales pourraient être ajustables en fonction des résultats de l'économie, et donc des revenus de l'État.»
Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a décliné une demande d'entrevue de La Presse.
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