Posons la question de l’avenir du Hockey au Québec autrement. Que faire pour que les deux équipes dont on rêve s’ancrent durablement dans la réalité québécoise et soient notre fierté ?
La réponse: que les amateurs individuellement soient propriétaires, et à terme propriétaires majoritaires voire uniques, de leurs deux équipes de hockey.
Utopie ? L’équipe de foot la plus enviée du monde, le Real Madrid, appartient à ses 85 000 socios, qui remplissent le stade tous les quatre ans pour élire le président du club après une campagne présidentielle parfois haute en couleurs. Les amateurs locaux possèdent également leur club de foot à Barcelone (163 000 membres), à Munich (130 000) et à Hambourg.
Des supporters se regroupent pour tenter d’acheter un bloc majoritaire du club Paris Saint-Germain, il leur faudrait théoriquement 15 000 amateurs prêts à verser chacun entre 780 et 3300 dollars Can, selon les scénarios.
Des supporters du club de foot de Liverpool (en vente) tentent de l’acheter en trouvant 25 000 amateurs prêts à payer chacun 795 dollars Can.
Les propriétaires du richissime club Arsenal, de Londres, acceptent que les amateurs augmentent leur toute petite part de propriété de leur club, pour participer à l’assemblée générale et discuter des orientations — et empêcher la prise de contrôle par un seul grand actionnaire. (Le gouvernement britannique, conservateur, appuie la chose et prend Madrid et Barcelone en exemple.) Cette liste européenne est loin d’être exhaustive.
Jamais aux USA ?
Mais, me direz-vous, rien de tel ne pourrait s’imaginer sur le continent du dollar ? En effet, sauf peut-être pour une des équipes de foot les plus célèbres d’Amérique: les Green Bay Packers, propriété de leurs fans depuis leur création en 1923. Intéressant: la région de Green Bay ne compte que 200 000 habitants, soit moins que celles de Québec ou de Montréal.
D’autres équipes mineures sont propriété des amateurs… ou des citoyens. Dans un cas un maire de Pennsylvanie a acheté en 1995 une équipe de ligue mineure plutôt que de céder au chantage du propriétaire qui menaçait de déménager l’équipe si la ville refusait de lui construire un nouveau stade !
Que du foot ? Non, du Baseball aussi : une équipe école des Mariners de Seattle, les Wisconsin Timber Rattlers, sont la propriété de fans — et font plus d’argent en vente de produits dérivés que tous les clubs de sa catégorie au pays.
Juste à côté du Québec, dans le nord de l’État de New York, deux équipes mineures de baseball sont propriétés des fans: les Redwings de Rochester et les Skychiefs de Syracuse.
A Memphis, le propriétaire des Redbirds a choisi de vendre sa franchise de baseball à une fondation, sans but lucratif, formée de leaders locaux, pour en assurer la pérennité. Comme dans beaucoup de ces cas, une partie des profits est destinée à aider la jeunesse locale, en particulier les jeunes pauvres, à faire du sport.
Pas de Hockey ? Pas encore, mais le Toronto Star nous rapportait la semaine dernière l’initiative d’un coach voulant lancer l’achat d’une équipe des ligues mineures, au Canada.
Plusieurs formules
D’Europe aux États-Unis, les formules varient. Il peut s’agir d’une fondation, d’une coopérative ou d’une compagnie. Parfois l’action est achetée une fois pour toute, sa valeur est fixe, et on peut la revendre à un autre amateur, qui attend sur une longue liste d’attente. En plus de sa valeur symbolique, la valeur de la participation s’accompagne de bénéfices particuliers: réductions, priorité d’achats de billets, etc. Dans d’autres formules, il s’agit d’une cotisation renouvelée chaque année.
Mais dans tous les cas, la formule de la propriété par les amateurs assure:
- Une voix populaire dans les orientations de l’équipe;
- La certitude que l’équipe ne sera pas vendue au plus offrant;
- Un réinvestissement de la totalité des revenus dans l’équipe, ses équipements et, dans les cas précités, des fondations d’aide au sport amateur
Songeons un instant que chaque fois que le Canadien est revendu, à profit comme il vient de l’être, cela signifie que les nouveaux acheteurs devront rembourser, à même les revenus de l’équipe pendant des années à venir, intérêt et capital sur le financement obtenu pour acheter le club.
Chaque revente du club, donc, signifie un siphonnement de l’argent versé par les amateurs, au profit du dernier vendeur (ici, Gillette) et des banques, plutôt qu’au profit du club, de la communauté, du sport local.
Rien de tout cela lorsque les amateurs sont propriétaires. Tout est réinvesti sur place. L’extraordinaire succès du Real Madrid, l’innovation dont elle est capable, est l’exemple éclatant du fait que cette structure, loin d’être dormante et pépère, peut au contraire donner tonus et énergie.
Au Québec, des modes d’emploi
Au Québec, tous les modes d’emploi sont possibles.
Si l’État devait avoir une participation dans la propriété des équipes,– pour soutenir l’achat des Nordiques, en l’espèce — il devrait s’en départir ainsi, au profit des amateurs eux-mêmes.
Le Fonds de Solidarité pourrait se départir de sa participation de 50 millions dans le Canadien au profit d’amateurs.
Rien n’empêcherait évidemment les frères Molson et, demain, Pierre Karl Péladeau, de laisser entrer dans le capital de leurs équipes une portion significative de la propriété du club. Cela pourrait se combiner à une formidable campagne de promotion de Molson ou de Vidéotron…
J’ai gardé le meilleur pour la fin. Le propriétaire, depuis 2000, de l’Avalanche du Colorado — oui, oui, les anciens Nordiques — est le magnat du sport Stan Kroenke. Il possède aussi l’équipe de basketball les Denver Nuggets, l’équipe de soccer Colorado Rapids, l’équipe de football des Rams de St.Louis et il est un des principaux actionnaires de l’Arsenal de Londres.
J’ai parlé plus tôt de l’Arsenal. Or Kroenke est d’accord, là, pour ouvrir la propriété du club à une part (minoritaire) d’amateurs. Peut-être est-ce, de la part de l’actuel propriétaire des ex-Nordiques, un bon modèle pour le virtuel propriétaire des futurs Nordiques.
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Hockey et identité
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Hockey et Identité (3)
Si les amateurs étaient propriétaires ?
Quand le sport devient politique
Jean-François Lisée297 articles
Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.
Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québ...
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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.
Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.
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