Une injustice historique?

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Nous finançons notre assimilation


Quand une iniquité est subtile et ancienne, on finit par ne plus s’en rendre compte. 


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Au Québec, il y a des cégeps anglophones et des cégeps francophones.  


On accepta à l’origine ces deux réseaux parallèles, car on trouvait normal que les deux communautés linguistiques historiques contrôlent leurs propres institutions d’enseignement. 


En gros, nos établissements scolaires sont financés au prorata du nombre d’élèves ou des places d’étude. 


En langage imagé, si des établissements A, B et C ont respectivement 5 %, 6 % et 12 % du total d’étudiants, ils recevront 5 %, 6 % et 12 % de l’argent total à distribuer. 


Comme 19 % des cégépiens sont dans des cégeps anglophones, ces derniers reçoivent 19 % du financement total.  


C’est ainsi depuis la création des cégeps en 1971.  


Composition 


Il se trouve cependant que le Québec a changé. 


Les anglophones de naissance étaient 13,1 % de la population du Québec en 1971. Ils ne sont plus que 8,1 %.  


Mais alors que le nombre d’anglophones « de souche » a chuté, la clientèle dans les cégeps anglophones, elle, n’a cessé de monter. 


C’est évidemment parce que la composition de cette clientèle a changé. 


Dans les cégeps anglophones d’aujourd’hui, il y a 41,5 % d’anglophones, 37,8 % d’allophones et 20,7 % de francophones. 


Essentiellement, ce sont les allophones et les francophones qui assurent aujourd’hui la croissance du réseau collégial anglophone dans un contexte de déclin démographique des anglophones de naissance. 


Logiquement, dans un système de financement par tête de pipe et selon la langue maternelle, comme conçu à l’origine, l’ajustement se ferait à la hausse... et à la baisse. 


Si le nombre de jeunes augmente, le financement aussi, et si le nombre baisse, le financement également. 


Ce n’est pas ce qui s’est passé. 


Le financement des cégeps anglophones n’a jamais été ajusté pour tenir compte de la baisse des anglophones de souche.  


Désormais, on ne regarde que le nombre, même s’il s’agit de plus en plus de francophones et d’allophones. 


Le réseau anglophone est donc financé 1,9 fois plus que la proportion de la population de langue maternelle anglaise. 


Érosion 


Ici surgissent deux autres problèmes. 


Primo, comme l’argent n’est pas élastique, ce qui va à Pitou ne va pas à Minou. Le sur-financement des cégeps anglophones entraîne un sous-financement des cégeps francophones. 


Deuxio, aller dans un cégep anglophone oriente fortement la décision subséquente d’aller dans une université anglophone (envisagée par 85 % des francophones et des allophones des cégeps anglais !!!), ce qui à son tour oriente puissamment la langue du travail. 


Il faudrait aussi se demander comment il se fait qu’après 11 années d’école primaire et secondaire, un francophone veuille aller au cégep anglais pour apprendre une langue qu’il devrait maîtriser depuis longtemps. 


Mais c’est un autre sujet. 


Bref, le financement actuel équivaut non plus à donner à une minorité historique ce qui lui revient, mais à subventionner l’érosion des établissements francophones. 


Je remercie Frédéric Lacroix de m’avoir ouvert les yeux sur cette iniquité historique.    





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