PARIS - Balayé, le monopole du pouvoir détenu depuis des décennies par la droite et la gauche en France? La course présidentielle pourrait accoucher d’un scénario inédit: la disqualification des deux grands partis traditionnels au premier tour, au profit du centre et de l’extrême droite.
Dans cette campagne marquée par une grande indécision des électeurs, les sondages actuels annoncent un duel final, le 7 mai prochain, entre la chef de file du Front national (FN) Marine Le Pen, 48 ans et Emmanuel Macron, 39 ans, ancien ministre de gauche qui s’est installé au centre avec son nouveau mouvement «En marche».
Leurs points communs, malgré des programmes radicalement opposés: être à la tête d’une formation «ni droite ni gauche» qui n’a jamais exercé le pouvoir.
À la traîne, le Parti socialiste (PS) et la droite (Les Républicaine, LR) peinent à rassembler autour de leur candidat et à convaincre les citoyens désabusés. Selon une enquête Ipsos fin février, seuls 17% des Français jugent que le système démocratique fonctionne plutôt bien en France et que leurs idées sont bien représentées.
«Nous vivons un basculement démocratique en France comme au niveau mondial qui se manifeste par la progression de la culture populiste et par l’effondrement de la culture des partis», analyse l’historien Pierre Rosanvallon dans Le Monde.
Au départ grand favori pour remplacer le président socialiste François Hollande, le champion désigné de la droite, François Fillon, s’est englué dans un scandale d’emplois présumés fictifs qui risque de faire perdre son camp.
Son obstination à rester dans la course, malgré une possible inculpation, a semé la discorde au sein de son parti. Et les sentiments de déception, de dégoût et de colère se sont accrus ces quatre derniers mois, selon l’enquête IPSOS.
«Tout ça donne aux Français (...) un sentiment qu’il n’y a plus de repères», avec l’idée «qu’on se comporte dans le monde des partis politiques traditionnels comme on n’oserait pas» ailleurs, a estimé mardi le vétéran centriste François Bayrou, récemment rallié à Macron.
«Libéraux contre nationalistes»
La gauche n’est pas épargnée par les fractures internes. Les orientations économiques sociales-libérales du quinquennat Hollande ont profondément divisé, son échec à endiguer le chômage a déçu une vaste frange de son électorat traditionnel.
Des plaies que le candidat socialiste Benoît Hamon a du mal à panser malgré sa victoire à la primaire de la gauche.
L’aile droite de son parti l’accuse de représenter une «gauche radicalisée» et menace de céder à la tentation Macron, comme l’a fait mercredi l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë. Le trublion de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, qui a refusé toute alliance, capte 10% des intentions de vote.
La situation donne des ailes à Emmanuel Macron, qui affiche sa volonté d’en finir avec «les mêmes hommes et les mêmes idées». «Leurs recettes ont simplement échoué», argue le centriste, social-libéral et pro-européen, qui ambitionne de «refonder le contrat avec les classes moyennes», «oubliées» par la droite et la gauche.
Le scandale Fillon profite également à la candidate anti-immigration, anti-Europe Marine Le Pen. Son discours «anti-élites» «anti-système» a été consolidé par le Brexit et la victoire de Donald Trump aux États-Unis.
Les enquêtes dont elle fait l’objet - notamment une affaire d’emplois fictifs au Parlement européen- n’entament pas sa popularité. Et un tiers des Français (36%) juge qu’elle a de nouvelles idées pour résoudre les problèmes de la France, selon une récente enquête.
«Je suis tenté de voter FN, même si je ne partage pas toutes leurs idées. Histoire de virer tout le monde», confie à l’AFP Michel Travigne, 51 ans, chômeur.
«Nous arrivons au terme d’un ordre politique qui a débuté dans les années 1980. Pendant trente ans, nous avons assisté à une alternance quasi-systématique entre gauche et droite de gouvernement, avec un Front national à 15-17%», rappelle Jérôme Sainte Marie, politologue chez PollingVox.
«Or au fil des ans les alternances correspondent de moins en moins à un véritable changement, parallèlement à une exaspération grandissante face à la crise économique, dit-il. L’année 2017 pourrait ainsi voir naître une nouvelle bipolarité, entre "libéraux" et "nationalistes souverainistes"», avec un nouveau clivage «entre les classes intégrées à la mondialisation, et celles qui se sentent perdantes».
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