Le Canada sur la mauvaise pente

12 solutions pour relancer le Québec

17. Actualité archives 2007



Selon la plus récente enquête du Forum économique mondial (FEM), la compétitivité du Canada est en baisse relative en 2006. Sur 125 pays répertoriés, le Canada a glissé au 16e rang, alors qu'en 2005, il était 13e.
Cette étude s'ajoute à d'autres rapports qui témoignent d'une perte de terrain et d'un écart accru avec le voisin américain.
En termes de productivité, le Canada est passé de la 5e à la 17e position entre 1973 et 2004 parmi les 23 membres de l'OCDE. Si la productivité a augmenté depuis cinq ans, la hausse a été plus lente qu'aux États-Unis, souligne Jean-Pierre Maynard, chef de la productivité chez Statistique Canada. En 2002, elle représentait 94 % de la productivité américaine, alors qu'en 2005, selon des données préliminaires, ce pourcentage chutera à 84 %.
Baisse de la qualité de l'éducation supérieure
Selon lui, " la question est préoccupante à cause du vieillissement de la population. Nous n'aurons plus à l'avenir le bassin de main-d'oeuvre pour créer de la richesse. Il faudra être encore plus productifs pour être compétitifs ".
L'enquête nous apprend que le Canada est 2e du groupe pour la santé et l'éducation primaire et 7e pour l'efficacité de ses marchés. Donc, pour les conditions de base, " le Canada fait excellente figure ", analyse l'économiste Laura Altinger, du FEM.
Par contre, le pays est passé du 11e au 17e rang pour la qualité de son éducation supérieure et la formation de sa main-d'oeuvre. Pour l'accès au capital, la chute a été encore plus brutale, soit un passage du 24e au 36e rang. En matière d'infrastructures (transport, communications), le pays est passé du 10e au 17e rang. Pour le poids de la réglementation gouvernementale, nous sommes passés de 29e à 38e. Et pour la flexibilité dans la détermination des salaires, de 37e à 50e.
Et l'impact de nos impôts ? À cet égard, le Canada est en 66e position, une baisse par rapport à la 63e position de l'an dernier. " L'effet des impôts n'est qu'une variable parmi d'autres, explique Laura Altinger. Il ne pèse pas autant que les facteurs d'innovation ". Elle précise que la Suède, la Finlande et le Danemark ont des impôts élevés mais des entreprises innovantes.
suzanne.dansereau@transcontinental.ca
Condamné à être plus compétitif
Lucien Bouchard a déclenché de vives réactions voilà quelques semaines lorsqu'il a suggéré aux Québécois qu'ils devraient travailler davantage.
Justes ou non, ses propos nous donnent l'occasion d'amorcer une réflexion profonde et urgente sur les façons de maintenir la prospérité au Québec et au Canada. Jusqu'à tout récemment, il était encore facile de croire que notre pays était le " meilleur au monde ". Cela est moins vrai aujourd'hui. La mondialisation de l'économie, qui a amené les délocalisations vers les pays émergents, se conjugue au grave déclin démographique pour affaiblir la compétitivité de la province. Les économistes sont formels : il faut réagir.
Comment s'y prendre ? Les réponses sont connues : il faut innover et avoir des institutions et des infrastructures solides, un environnement d'affaires favorisant la concurrence et une main-d'oeuvre suffisante et hautement qualifiée.
Mais comment y parvenir ? Les gouvernements, même si le sujet de la productivité est difficile à vendre politiquement, y travaillent. Québec dévoilera sous peu sa nouvelle politique de l'innovation. Le gouvernement fédéral, pour sa part, publiera dans quelques jours un énoncé économique qui tentera de s'attaquer au problème.
LES AFFAIRES a voulu apporter sa contribution au débat. Nous avons consulté une douzaine d'éminences grises, réputées dans leur domaine, qui réfléchissent sérieusement à la question. Des dirigeants d'entreprises, des experts en management, des économistes et des gens du milieu universitaire et de la recherche. Nous leur avons demandé de nous présenter au moins une solution concrète pour améliorer la compétitivité.
De ces entretiens se sont dégagées 12 solutions, que nous vous présentons dans les pages suivantes. Espérons qu'elles puissent vous faire réfléchir vous aussi sur les façons de devenir plus productif et compétitif !
Encadré(s) :
1 PME, recrutez des docteurs !

Dansereau, Suzanne
Toutes les études démontrent le lien important entre le niveau de productivité et la présence de personnel qualifié. Or, au Québec, le taux de titulaires de maîtrises et de doctorats dans le personnel affecté à la R-D est plus bas qu'en Ontario et dans l'ensemble du Canada, souligne Sylvie Dillard, présidente du Fonds québécois pour la recherche sur la nature et les technologies.
Au premier chef, les PME se privent de ces universitaires, pourtant branchés sur les réseaux mondiaux de la connaissance. " Les techniciens sont des bons fabricants, mais ce ne sont pas eux qui vont aller chercher les brevets ", fait-elle valoir.
Le président et chef de la direction d'IPL, Serge Bragdon, sait de quoi elle parle. C'est grâce à une collaboration avec un chercheur de l'Université Laval qu'il a pu concevoir la Smart Crate, une caisse de manutention de fruits et légumes qui réduit l'humidité et permet ainsi une meilleure conservation. Sa caisse serait ce qui se fait de mieux au monde, selon le conglomérat indien Reliance, qui vient de lui acheter une licence de fabrication pour son réseau de distribution alimentaire en Inde.
Donc, embauchez ou alliez-vous avec des docteurs branchés ! Et il faut faire vite : à partir de 2014, la population étudiante universitaire sera en déclin. " On a un retard à rattraper et on n'a pas beaucoup de temps ", souligne Mme Dillard.
2 Mettre le public en concurrence avec le privé

Dansereau, Suzanne
Sans concurrence, il n'y a pas de raison d'être plus productif. Or, le secteur public, qui représente à peu près la moitié du PIB, est à l'abri de la concurrence, tandis que le privé doit faire face à une concurrence de plus en plus mondiale.
Paul Muller, président de l'Institut économique de Montréal (IEM) suggère de déterminer d'abord les servicespublics et les fonctions à l'intérieur de ceux-ci pour lesquels il existe une offre sur le marché privé. Comme l'entretien ménager dans les édifices publics, la gestion d'immeuble, l'entretien des routes, les services de traiteur et de buanderie dans les hôpitaux, le recouvrement de créances et le transport en commun.
La prestation de ces services sera désormais attribuée à l'entreprise présentant la meilleure offre du point de vue qualité-prix, suivant un appel d'offres public. Le gagnant pourrait être le privé, ou les employés actuels s'étant regroupés en coopérative ou en entreprise. " Ces derniers seront ainsi incités à trouver des façons d'améliorer leur productivité " fait valoir M. Muller.
Autre suggestion : abolir les restrictions sur les investissements étrangers directs dans le transport aérien, les télécommunications et la radiodiffusion.
" Le protectionnisme a fait son temps " croit Don Drummond, économiste en chef de Groupe Financier Banque TD.
Il faudrait aussi permettre aux banques de se fusionner, souligne Mark Bruneau, vice-président exécutif et chef de la stratégie chez BCE. De cette façon, elles pourront faire concurrences aux banques américaines et prendre plus de risques.
Et que dire des mécanismes de gestion de l'offre dans l'agriculture ? Deux organismes viennent de suggérer de les démanteler de façon progressive, soit l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son étude du Canada de 2006, et le Centre d'études sur les niveaux de vie d'Ottawa, dans un rapport publié en octobre 2006 intitulé Lessons for Canada from International Productivity Experience.
Troisièmement, les barrières au commerce et à la mobilité interprovinciale au Canada sont encore trop importantes, évalue Paul Knox, fellow à l'IEM et responsable des négociations qui ont mené à l'entente de libre-échange interprovinciale canadienne signée en 1994.
Knox suggère au Québec de conclure une entente de libre-échange avec l'Ontario d'une portée aussi vaste que celle que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont signée en avril dernier, justement dans le but d'améliorer leur compétitivité globale.
" L'approche des deux provinces de l'Ouest est bien meilleure que celle de l'entente de 1994, souligne Paul Knox. Pour eux, tout est visé, sauf les exceptions, tandis que dans l'entente de 1994, rien n'est visé, sauf ce qui est mentionné ".
La couleur de la margarine, les vacances obligatoires de la construction en juillet, le nombre limité de travailleurs dans les supermarchés le week-end sont des exemples de restrictions toutes québécoises que l'on devrait remettre en question, dit Knox. " Le Québec invoque son modèle unique, sa spécificité. Mais dans un contexte de concurrence mondiale, n'est-ce pas un peu myope ? " demande-t-il.
3 Remplacer l'aide sociale par le revenu minimum garanti

Dansereau, Suzanne
Les programmes sociaux, nommément l'aide sociale et l'assurance emploi, sont des pièges à pauvreté, soutient l'économiste Don Drummond du Groupe Financier Banque TD. Et il n'est pas seul. Selon une étude de l'OCDE, publiée en 2004 intitulée Comment stimuler la productivité et l'utilisation de la main-d'oeuvre, ces programmes découragent le travail et encouragent l'industrie au noir.
Un assisté social est pénalisé s'il gagne de l'argent en plus de ses prestations. Qui ne connaît pas un voisin, un cousin assisté social qui refuse d'aller travailler parce qu'il va perdre de l'argent ou des avantages comme les médicaments gratuits ? Selon Robert Lacroix, du centre de recherche universitaire CIRANO et ancien recteur de l'Université de Montréal, ces programmes " transforment une situation difficile en mode de vie ".
Tant l'OCDE que Drummond réclament de réviser ces programmes, notamment resserer les modes d'activation de l'assurance emploi et la possibilité pour les assistés sociaux de travailler sans être pénalisés. Robert Lacroix, lui, estime qu'il est temps de mettre en place le fameux " revenu minimum garanti ", que la gauche prônait dans les années 1970.
" A cette époque, on craignait que cela coûte trop cher, mais maintenant on réalise que nos programmes sociaux actuels ont des effets pervers tandis que le revenu minimum garanti, bien pensé, à guichet unique, serait un incitatif au travail ", souligne Robert Lacroix, qui rappelle que 40 % de la population active au Québec ne paie pas d'impôt.
4 Vendre les vieilles machines

Dansereau, Suzanne
Avec une devise aussi forte que le dollar canadien, les entreprises n'ont plus d'excuse pour ne pas renouveler leur matériel. Or, une enquête sur les indicateurs d'investissements publiée par le CRIQ en avril dernier a de quoi décourager : elle signale que les entreprises manufacturières du Québec comptaient acheter pour 3,8 milliards de dollars (G$) de machinerie et d'équipement en 2006, comparativement à 4,2 G$ en 2003 (alors que le dollar canadien était beaucoup plus bas). Cette baisse contraste avec ce que l'on observe dans l'ensemble du Canada, où l'achat d'équipement est en hausse, passant de 16,6 G$ en 2003 à 17,8 G$ en 2006. Les gouvernements provinciaux pourraient aider en abolissant les taxes provinciales sur les ventes applicables aux biens d'équipement et en supprimant l'impôt sur le capital. Il faut aussi poursuivre l'examen des déductions pour amortissement pour s'assurer qu'elles soient alignées sur les durées de vie utile des équipements.
5 Donner des vitamines à nos cerveaux !

Dansereau, Suzanne
L'éducation et la recherche seront le nerf de la guerre pour les pays développés. Or ces milieux sont très compétitifs et la concurrence est mondiale. Les universités québécoises ont donc besoin d'une injection massive de fonds pour être de la partie.
" Imaginez un train rapide, lance Robert Lacroix, directeur du CIRANO. Ce n'est pas nous qui déterminons le prix du billet, sauf que nous pouvons décider si nous montons ou non ".
Recteur à l'Université Concordia, Claude Lajeunesse estime que le déficit accumulé du Québec à cet égard depuis 10 ans est de trois milliards de dollars comparativement à l'Ontario. Il suggère de dégeler les frais de scolarité, tout en réservant un pourcentage des augmentations à des bourses pour les étudiants doués dans le besoin (l'Ontario y consacre 30%).
" En ce moment, au Québec, ça coûte plus cher d'aller à la garderie qu'à l'université ", souligne-t-il. Un non-sens.
M. Lajeunesse réclame aussi une meilleure coordination entre les paliers fédéral et provincial. À la fin des années 90, pendant qu'Ottawa finançait les infrastructures de recherche universitaire, Québec sabrait massivement, de sorte qu'on se retrouve maintenant avec de beaux laboratoires, sauf qu'il n'y a pas de profs dedans !
Les universités québécoises risquent de perdre plusieurs chercheurs, attirés par l'Ontario, l'Alberta ou les États-Unis, si elles ne bonifient pas les conditions qu'elles leur offrent. A la suite du départ du Dr Tom Hudson cet été, Génome Québec a créé un programme d'excellence pour attirer les chercheurs étoiles en leur permettant d'embaucher deux ou trois collaborateurs et d'avoir du financement garanti pour trois ans.
" Les chercheurs étoiles sont les aimants qui réunissent les forces vives qui nous permettront d'améliorer notre compétitivité ", explique le président de l'organisme, Paul L'Archevêque.
Il vient aussi de lancer PRIVAC, un concours qui finance des initiatives de recherche mixtes (université/privé).
Ce concours oblige les chercheurs à solliciter du financement d'entreprises privées. En échange, ces dernières auront accès, pour chaque dollar dépensé, à deux dollars du public. Avec des fonds gouvernementaux additionnels pour la maturation technologique, et une augmentation sensible du capital de risque privé - il faudrait quadrupler d'ici quatre ans le bassin de capital de risque, estime Mark Bruneau - le Québec pourrait devenir encore plus concurrentiel dans des secteurs comme le biopharmaceutique, les technologies de l'information et les jeux interactifs.
Mark Bruneau recommande aux gouvernements de donner des incitatifs fiscaux aux banques pour qu'elles offrent du capital de risque.
" Il y a suffisamment de dette au pays, il faut arrêter d'être frileux ", dit ce Franco-Ontarien qui a fait fortune aux États-Unis.
Autre suggestion de M. Bruneau : accorder des congés fiscaux de remboursement de prêts d'études pendant trois ans aux diplômés universitaires pour qu'ils demeurent au Québec. Une façon musclée de lutter contre l'exode des cerveaux, assure-t-il.
Compétitivité et productivité, deux concepts différents

Dansereau, Suzanne
Selon Statistique Canada, le concept de productivité est " le rapport entre la production et les moyens (humains, financiers, techniques) mis en oeuvre pour la réaliser ".
Pour le calculer, on divise le produit intérieur brut (PIB) par le nombre d'heures travaillées. La productivité est un moyen d'améliorer la compétitivité d'une entreprise ou d'une économie, mais celle-ci ne repose pas uniquement sur sa productivité, car elle dépend aussi de la relation qui existe entre la productivité et les prix des ressources utilisées. Ainsi, avec des coûts de main-d'oeuvre très bas et un nombre élevé d'heures travaillées, comme en Chine, pas besoin d'être aussi productif pour être compétitif.
En revanche, le concept de compétitivité est plus flou. Le Forum économique mondial définit la compétitivité comme " l'ensemble des facteurs, politiques et institutions qui déterminent le niveau de productivité d'un pays ".
6 Alléger le cadre réglementaire

François Normand
" Nous ne sommes pas contre la réglementation. Ce qui nous pose problème, c'est la réglementation inutile qui fait perdre du temps et de l'argent aux entreprises ", lance Simon Prévost, directeur des affaires législatives, Québec, à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).
Il donne l'exemple du secteur du textile, qui bénéficie de subventions. À chaque trimestre, les entreprises de ce secteur doivent remplir un formulaire décrivant leurs sous-traitants. Le hic, c'est que les entreprises qui n'ont pas de sous-traitants doivent aussi remplir ce formulaire pour indiquer au gouvernement qu'elles n'en ont pas !
La FCEI souhaite aussi que l'information relative à la réglementation des entreprises soit aisément accessible, en plus d'être présentée de façon " claire et cohérente ". Simon Prévost propose entre autres la création d'un guichet unique, qui regrouperait la réglementation des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux.
La lourdeur de certains programmes donne également des maux de tête aux entrepreneurs, comme ceux relatifs au crédit d'impôt pour faire de la R-D. " La paperasserie est parfois tellement compliquée que certaines entreprises renoncent à réclamer des crédits d'impôt ! " affirme M. Prévost.
Michael Guay, pdg de Wavesat, un fabricant de puces de Montréal, confirme que des programmes sont difficilement accessibles, comme Vitrine technologique, un volet du programme d'aide aux entreprises du gouvernement du Québec pour la démonstration d'un nouveau produit ou procédé.
" Nous nous sommes informés, mais nous n'avons pas appliqué, car nous trouvions le programme trop compliqué ", dit-il. Même si les délais sont parfois longs avant d'obtenir des crédits d'impôts, il ne croit pas qu'il y ait, en général, trop de paperasserie pour les PME.
Enfin, la FCEI propose d'uniformiser la perception fiscale. Par exemple, les PME doivent remplir des formulaires différents pour faire leurs déclarations fiscales au ministère du Revenu et à la Commission de la santé et de la sécurité au travail.
7 Adopter le " nouveau modèle européen " en matière de fiscalité des entreprises

François Normand
Pierre Fortin, économiste à l'UQAM, estime que le Québec aurait intérêt à s'inspirer du " nouveau modèle européen ", mis en place notamment au Royaume-Uni, en Suède et en Belgique.
" Ces pays ont sabré dans les subventions accordées aux entreprises tout en réduisant substantiellement leur fardeau fiscal, y compris la taxe sur le capital ", affirme-t-il. Actuellement, le Québec adhère au " modèle nord-américain ", caractérisé par d'importantes subventions et des taux d'imposition élevés pour les entreprises.
Don Drummond, économiste au Groupe Financier Banque TD, et Mark Bruneau, vice-président exécutif chez Bell Canada, estiment pour leur part que les gouvernements devraient réduire les impôts des industries du savoir pour les ramener au niveau de ceux des industries manufacturières. Selon eux, il faudrait aussi réduire l'écart d'imposition entre les PME et les grandes sociétés. Lorsque leurs bénéfices dépassent 400 000 $, les PME sont plus imposées, ce qui inciterait certaines d'entre elles à demeurer petites.
En octobre, l'Institut C.D. Howe montrait d'ailleurs du doigt le régime fiscal des entreprises au Canada, qui ne favorise pas la R-D au pays, un facteur important pour être compétitif.
" La R-D, ce n'est pas juste une question d'impôt, nuance Yvan Guillemette, analyste de politiques au C.D. Howe. Il faut aussi une culture de recherche qui attire les meilleurs talents. "
Cela étant dit, une fiscalité compétitive pour les entreprises contribue certainement à stimuler la R-D, et la Suède en est un exemple, dit-il.
" Au Canada, le taux d'imposition moyen perçu sur la production de biens et la prestation de service s'élève à 39 %, par rapport à seulement 12,1 % en Suède", dit-il.
Or, en 2003, les dépenses en R-D dans ce pays scandinave représentait 4,27 % de son PIB, comparativement à 1,85 % au Canada, selon le World in Figures 2007 publié par l'hebdo britannique The Economist.
francois.normand@transcontinental.ca
8 Augmenter le degré d'engagement du personnel

Suzanne Dansereau
Selon Michel Tougas, président du groupe-conseil Towers Perrin pour le Québec, le moment est venu pour les employeurs de Montréal de repenser leurs stratégies de ressources humaines et leurs systèmes de rémunération globale pour le XXIe siècle pour maximiser l'engagement du personnel.
Mais ce qui favorise l'engagement d'un finissant universitaire est très différent de ce qui favorise celui d'un salarié à deux ans de la retraite.
Les entreprises doivent donc viser à bien comprendre les besoins de leurs groupes d'employés. Plusieurs efforts dépendent de la haute direction et portent sur des éléments qui relèvent d'elle seule, comme se créer une réputation de bon employeur et concentrer les efforts de l'entreprise sur le service à la clientèle.
Mais pour les Canadiens, d'autres facteurs sont, eux aussi, très importants, comme les possibilités d'apprentissage et de perfectionnement, l'occasion d'améliorer ses compétences et ses perspectives de carrières, et le fait de disposer d'un pouvoir décisionnel suffisant pour exercer ses fonctions.
Les évaluations les moins favorables des salariés concernent la " satisfaction quant aux décisions de l'organisation en matière de personnel ", ce qui porte à croire qu'il y a encore place à l'amélioration de la part des employeurs, souligne M. Tougas.
suzanne.dansereau@transcontinental.ca
9 Réduire les délais en immigration

Suzanne Dansereau
Quand ils constatent avec effroi qu'en 2011, la totalité de la croissance de la main-d'oeuvre viendra de l'immigration, les employeurs disent " Emmenez-nous des travailleurs qualifiés de l'étranger, ça presse ! "
Pourtant, lorsque le ministère de l'Immigration et des communautés culturelles du Québec (MICC) essayait de les sensibiliser à la question voilà dix ou même cinq ans, il se heurtait à un mur. Aujourd'hui, le MICC a davantage l'oreille des associations professionnelles et employeurs et tout ce beau monde s'active devant l'urgence d'agir.
Il existe toutefois un paradoxe important dans ce dossier quand on examine de près les statistiques, signalent les économistes Don Drummond et Patrick Grady.
" Les bénéfices économiques de l'immigration sont un souhait plus qu'une réalité ", disent-ils. Alors qu'il y a 20 ans, cinq ans s'écoulaient après l'arrivée d'un immigrant avant qu'il atteigne le salaire moyen, aujourd'hui, cela prend 15 ans.
Au Québec, le taux de chômage des immigrants arrivés au cours des cinq dernières années est de 20%, ce qui est beaucoup plus élevé que la moyenne québécoise. Les membres des minorités visibles, même ceux qui sont nés ici, ont un taux de chômage de 14 %. " Il est donc faux de croire que l'amélioration de notre productivité passe par eux, pour l'instant ", note Patrick Grady. Mais on n'a pas le choix de favoriser l'immigration !
Comme le dit si bien l'avocat spécialisé en immigration Stephane Hébert : " Nous sommes cuits si nous n'avons pas d'immigrants, mais on ne peut pas se tromper. " Il y a un problème d'intégration majeur, auquel on peut s'attaquer en luttant contre la discrimination et en mettant en place des programmes de formation et de jumelage en entreprise, ainsi qu'en augmentant les budgets pour la francisation, par exemple. La problématique spécifique du Québec le rend plus " pro-actif " dans la sélection de ses immigrants (il se dirige maintenant vers l'Inde, la Chine, le Brésil), mais en même temps, lui complique la tâche. " Beaucoup d'immigrants se servent de Montréal comme tremplin mais déménagent après quelques années pour le Canada anglais où leurs enfants apprendront la langue anglaise et auront plus de débouchés professionnels ", constate Stéphane Hébert. Doit-on modifier la loi 101 ? Comment alors assurer la survie de la langue française comme langue dominante au Québec ?
Dans la catégorie des immigrants investisseurs, moins de 30% demeurent au Québec après y avoir mis les pieds et placé leurs investissements. Le sociologue Jean Renaud estime toutefois qu'à 75%, le taux de rétention des immigrants économiques n'est pas si mal, compte tenu de notre situation particulière.
Des solutions concrètes ?
Réduire les délais à l'entrée. Actuellement, il faut huit mois à Québec avant d'accepter ou refuser un immigrant. Puis Ottawa prend le relais avec un et demi pour effectuer des vérifications de sécurité.
Pourquoi ne pas déclencher le processus fédéral en même temps que celui du Québec au lieu d'attendre huit mois ? suggère Stéphane Hébert.
On pourrait aussi régulariser la situation des immigrants illégaux. L'Espagne l'a fait et s'est retrouvée avec des revenus additionnels inattendus dans ses coffres, signale M. Hébert. Il défend un immigrant péruvien, menacé de renvoi, qui a deux jobs, travaille 80 heures semaine et a entre ses mains une lettre d'éloges de son employeur.
" Si un immigrant démontre qu'il contribue à l'économie, pourquoi ne pas le garder ? " Bien des règles, fédérales ou provinciales, n'ont pas été conçues dans un contexte de pénurie. Pourquoi obliger un étudiant étranger ou un employé temporaire à quitter le pays pour faire une demande de résidence permanente ?
Ne manquez pas le cri du coeur de Don Drummond, ancien mandarin du ministre fédéral des Finances, qui craint pour le développement du canada.
suzanne.dansereau@transcontinental.ca
10 Des PPP dans les infrastructures

Suzanne Dansereau
Le Canada a perdu du terrain au plan des infrastructures, selon le Forum économique mondial. Il faut à tout prix les moderniser et, à cet égard, Montréal a du rattrapage à faire, souligne l'économiste Mark Bruneau.
Les partenariats public-privé sont une façon pour les gouvernements de le faire sans mettre à mal leur bilan financier, estime pour sa part Don Drummond.
" Il faudra s'habituer aux péages routiers, au principe de l'utilisateur-payeur, ce qui est à mon avis plus juste que de faire payer à tous les contribuables nos autoroutes neuves ".
11 Devenir une organisation " apprenante "

Dansereau, Suzanne
L'innovation va bien au-delà du chercheur lunatique en sarrau blanc.
On parle de plus en plus de l'innovation organisationnelle - c'est-à-dire l'optimisation des procédés et la révision de l'organisation du travail - et de l'innovation dans la commercialisation des produits.
" L'innovation est une démarche qui touche toutes les fonctions de l'entreprise ", signale Stephen Bull, vice-président R-D d'Exfo et président de l'Institut de développement de produits. On néglige trop souvent la commercialisation, poursuit-il. Et c'est ainsi que 46 % des coûts totaux de développement sont engagés dans la conception de produits qui finissent par être des échecs commerciaux, signale-t-il.
M. Bull fait deux suggestions. Tout d'abord, les gouvernements doivent soutenir les entreprises, surtout les PME, pour qu'elles apprennent à structurer leur processus d'innovation. Ils pourraient mettre sur pied un programme d'aide semblable à celui conçu pour la production à valeur ajoutée.
Ensuite, il faudrait élargir les crédits d'impôts offerts pour la R-D aux dépenses de développement de produits (le brevetage et le prototypage, par exemple) et de commercialisation (études de marché, voyages à l'étranger, etc). Mark Bruneau, de Bell Canada, recommande d'ajouter les dépenses reliées à l'adoption de technologies de l'information - dont le faible taux au Canada explique en partie l'écart de productivité avec les Américains.
Finalement, l'innovation est aussi organisationnelle. Or, dans la révision et l'optimisation des procédés industriels, on sous-estime le rôle des employé, estime Nicolas Clinckx, directeur général du cabinet-conseil en management Headlink Canada. Dans un récent avis, le Conseil de la science et de la technologie (CST) dit que les employés québécois ont fait du bon travail de gestion de procédés et de qualité, mais qu'ils ne sont pas suffisamment autonomes. Il faut les former davantage à la résolution de problèmes et de façon multidisciplinaire, un aspect crucial d'une démarche d'innovation.
" Il faut quitter le mode taylorien de l'organisation du travail pour passer à une organisation apprenante ", dit Marie-France Germain, présidente du CST.
Par ailleurs, les sociétés doivent vite mettre en place des démarches de transfert de compétences. Avant de perdre les plus anciens, demandez de former les nouveaux. La formation en entreprise est trop faible au pays. Et le Québec est la province où les employeurs investissent le moins en formation (malgré le 1 % obligatoire). Les manufacturiers réclament un crédit d'impôt comme stimulant.
Employés (24-65) ayant reçu une formation en 2005
Suède 34,7 %
Québec (2002)18,8 %
Ontario 20 %
Moyenne d'heures de formation par an
Québec 94
Ontario 125
Sources : Eurostat, Conseil de la science et de la technologie du Québec.
12 Aider les secteurs forts
En s'éparpillant dans trop de secteurs, l'économie québécoise dilapide ses forces vives, selon l'économiste Pierre-Paul Proulx, professeur honoraire à l'Université de Montréal et chercheur associé au Centre d'études internationales et mondialisation de l'UQAM.
" Même s'il y a des occasions d'affaires dans tous les secteurs, le Québec doit concentrer ses énergies dans les grappes où il est le plus fort et qui ont un potentiel de croissance : l'aéronautique, les services financiers, les services aux entreprises, l'industrie du divertissement, les technologies de l'information, l'éducation et les centres de recherche ainsi que les services de distribution ", dit-il.
En contrepartie, le chercheur estime qu'il faut délaisser graduellement les grappes dans lesquelles le Québec s'est spécialisé au fil des décennies et qui sont parmi les plus anémiques en Amérique du Nord, comme la chaussure, le vêtement, le meuble et le cuir.
Comment ? En créant un conseil pour le redéploiement du Québec, qui cumulerait de l'information sur les grandes tendances nord-américaines et mondiales, et la distribuerait aux décideurs.
Selon Pierre-Paul Proulx, une bonne partie de cette information existe déjà. Le problème, c'est que les ministères, organismes universités qui la détiennent non seulement ne l'échangent pas beaucoup entre eux mais ne la communiquent pas suffisamment, dit-il. F.N.
La compétitivité des pays
1.Suisse (4)
2.Finlande (2)
3.Suède (7)
4.Danemark (3)
5.Singapour (5)
6.États-Unis (1)
7.Japon (10)
8.Allemagne (6)
16.Canada (13)
43.Inde (45)
54.Chine (48)
66.Brésil (57)
Entre parenthèse : le rang du pays l'an dernier.
Source : Forum économique mondial


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