Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui s'inquiète de la portée du projet de loi C-484. (Archives La Presse)
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Hugo de Grandpré - Les critiques du projet de loi C-484 font fausse route lorsqu'ils affirment qu'il mettrait en péril le droit à l'avortement, selon des juristes interrogés par La Presse.
Dans une opinion juridique remise au député conservateur qui a présenté le projet, Ken Epp, le professeur émérite de l'Université McGill Stephen Scott précise qu'à ses yeux, ce projet est tout à fait constitutionnel et qu'il pourrait être adopté presque tel quel par Ottawa.
M. Epp s'est basé en partie sur cette opinion du 27 novembre pour élaborer sa loi modifiant le Code criminel. Le député d'Edmonton cherche à créer un nouveau crime pour une personne qui, en commettant ou en tentant de commettre une agression sur la mère, blesserait ou tuerait son enfant à naître.
Le député a beau répéter qu'il ne souhaite que protéger les femmes enceintes contre des crimes révoltants - l'amendement demeure controversé.
«C'est clairement une manoeuvre qui vise à poser une question juridique qui va finir en Cour suprême», selon Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.
Cette question, selon M. Barrette, est celle des droits du foetus dans le système judiciaire canadien. Il s'agit d'une question cruciale, puisqu'elle est à l'origine de la position canadienne sur l'avortement.
Le président de la Fédération des médecins spécialistes a fait cette sortie cette semaine, de même que ses homologues de la CSN et la Fédération des femmes du Québec. Le Bloc québécois, le NPD, et certains députés libéraux et conservateurs avaient déjà exprimé leur désaccord en votant contre le projet de loi.
Alarmiste
Mais le professeur Michel Morin, de la faculté de droit à l'Université de Montréal, juge ces propos alarmistes. Selon lui, cette notion d'enfant «non encore né» contenue dans le projet de loi est déjà employée à trois reprises dans le Code criminel. «Ça n'a rien de nouveau», dit-il.
M. Morin fait remarquer que le projet de loi exclut explicitement les avortements légaux de son champ d'action. Ainsi, il est peu probable qu'une poursuite survienne sur cette question, et encore moins qu'elle se rende en Cour suprême, note le professeur.
«La seule chose que l'on peut imaginer, c'est qu'une poursuite farfelue aille de l'avant, dit-il. Mais ça me semble comme un millionième de possibilité.»
Joint par téléphone hier, Stephen Scott s'est pour sa part dit convaincu que des personnes tenteraient d'utiliser cette disposition du Code pour faire avancer leur propre ordre du jour. Mais comme son confrère de l'Université de Montréal, il doute de leurs chances de succès. «C'est trop explicite», tranche le professeur Scott.
Mais d'autres sont moins confiants qu'eux. Le Bloc québécois a déjà posé plusieurs questions au gouvernement Harper à ce sujet. Hier encore, la députée Carole Freeman dénonçait: «Les groupes pro-vie s'en vantent. Le projet de loi C-484 est un gain qui pourrait reconnaître des droits au foetus. On le voit bien, le vieux fond réformiste des conservateurs refait surface.»
Après que le projet de loi C-484 a été adopté en deuxième lecture, son sort est maintenant entre les mains du comité parlementaire de la justice. La Fédération des médecins spécialistes du Québec demande au Parti libéral de faire jouer son rôle d'opposition officielle et de mettre ce projet de loi «dangereux» à l'épreuve.
Avec la pause parlementaire de la semaine prochaine, il se pourrait par contre qu'il ne soit pas étudié avant quelques semaines. La Fédération invite entre-temps la population à protester en signant une pétition sur son site Internet.
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