Avortement et libertés individuelles

Avortement (C-484; Q-34)



Les défenseurs du «droit» à l'avortement sont généralement considérés comme des personnes soucieuses de promouvoir les libertés individuelles. Quant à ceux qui s'opposent à ce «droit», on les décrit comme des esprits «religieux et rigides» s'inscrivant en faux contre le respect de l'autonomie personnelle.
Cette dichotomie sert bien les intérêts des pro-choix, qui ne cessent de répéter que «la religion des uns ne saurait devenir la loi des autres». Mais il s'agit là d'une vue simpliste et trompeuse. Les pro-vie sont tout autant soucieux des libertés individuelles que les pro-choix. Ce qui sépare les deux groupes, c'est l'interprétation qu'il convient de donner à certaines libertés.
Bien que beaucoup de militants pro-vie aient de solides convictions religieuses, ce n'est pas au nom de leur religion qu'ils s'opposent à l'avortement dans l'espace public. La position pro-vie se fonde entièrement et exclusivement sur un fait scientifiquement établi, à savoir que la vie humaine commence dès la conception, et sur un principe moral, à savoir que tous les êtres humains ont droit à la vie.
La Cour suprême du Canada a statué il y a un peu plus de vingt ans que, aux termes de la loi, l'enfant à naître ne devient une personne humaine qu'une fois sorti du corps de sa mère. Les dispositions du Code criminel s'accordent maintenant avec ce jugement. Il n'en reste pas moins que, d'un point de vue strictement scientifique, l'enfant à naître est un être humain.
Il y a donc actuellement contradiction entre la loi et la science. Cela n'a pas toujours été le cas. Jusqu'au début des années 1980, l'avortement était considéré comme un acte criminel. La décriminalisation de l'avortement est survenue par suite de la généralisation de la contraception au cours des décennies 1960 et 1970, l'objectif étant d'établir un «filet de sécurité» pour les échecs de la contraception.
L'idée que la vie d'un enfant à naître soit subordonnée à la volonté de sa mère (ou aux pressions du père sur celle-ci) n'a rien de libéral. Le mot «libéral» découle de la notion de «libéralité» qui, selon le Petit Robert, signifie charité, générosité, largesse, magnificence. On nous dit que l'enfant à naître doit être désiré. Mais l'idée de se débarrasser de personnes non désirées n'est ni charitable, ni généreuse, ni large. Elle contredit le premier droit reconnu dans les chartes de droits — le droit à la vie.
Ce qui donne à la tradition libérale sa noblesse, c'est son refus de l'arbitraire, c'est-à-dire d'une autorité s'exerçant selon le bon vouloir d'une personne ou d'un groupe. On ne peut accepter l'avortement sans présupposer que la vie d'un être humain est subordonnée au bon plaisir de sa mère. C'est pourquoi il est foncièrement contraire à la tradition libérale. Et le fait que les premières sociétés à permettre l'avortement aient été la Russie de Lénine et l'Allemagne hitlérienne n'est pas le fruit du hasard.
Beaucoup de pro-choix refusent d'admettre que la position pro-vie puisse se justifier sans recourir à des considérations religieuses. Mais il y a une abondance de données qui prouvent le contraire. Ainsi, le premier code juridique interdisant l'avortement est celui d'Hammourabi, roi de Babylone vers 1730 avant Jésus-Christ. La Troisième République française et l'Allemagne de Bismarck, bien qu'hostiles au christianisme, ont toujours maintenu l'illégalité de l'avortement. Enfin, bon nombre d'intellectuels agnostiques comme Melanie Phillips, Anthony Daniels, Marcello Pera et David Berlinski, se déclarent publiquement pro-vie. Aux États-Unis, il y a même une Ligue des athées et des agnostiques pro-vie, et plusieurs personnes associées au Parti démocrate, considéré comme un parti de gauche, sont pro-vie.
Les tenants de la position pro-vie comprennent parfaitement que l'on ne saurait réduire l'accès à l'avortement sans un certain consensus social. Loin de demander que l'on criminalise à nouveau l'avortement, ils plaident en faveur de mesures destinées à venir en aide aux mères en détresse. On pourrait, par exemple, encourager l'adoption pour les femmes enceintes qui ne veulent pas garder leur enfant. Plusieurs couples stériles sont prêts à adopter des enfants et doivent se rendre à l'étranger pour le faire.
Une telle approche serait avantageuse non seulement pour l'enfant à naître, mais aussi pour sa mère, puisqu'il est maintenant établi que l'avortement est souvent préjudiciable à la santé physique et mentale de la mère. Elle est également compatible avec l'idée qu'aucune femme ne devrait être forcée d'exercer un rôle parental.
Nous ne pouvons prétendre que tous les êtres humains ont des droits fondamentaux tout en fermant les yeux sur la question de l'avortement. Éviter un tel débat serait un acte de lâcheté nationale.
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Richard Bastien, Président de l'Institut Égards, propriétaire de la revue Égards et vice-président de la maison d'édition Justin Press

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