Avis de décès: la position pro-Québec du NPD

2 mai 2011 - NPD - écueil en vue...



Il aura quand même fallu 21 jours avant que le politicien fédéral plébiscité au Québec le 2 mai, Jack Layton, foule aux pieds la “Déclaration de Sherbrooke” adoptée en septembre 2006 et où on lit ce qui suit:

“le NPD reconnaîtrait une décision majoritaire (50% + 1) des Québécoises et Québécois, advenant la tenue d’un référendum visant à modifier le statut politique du Québec.”

Ce mardi, interrogé à neuf reprises par les journalistes à ce sujet, Jack Layton a plutôt affirmé ceci, se reportant à l’avis de la Cour suprême sur la nécessité d’une “majorité claire” appréciée a posteriori par “les acteurs politiques”, dont les élus fédéraux:
« La décision de la Cour suprême avait été acceptée par les deux [clans]. Je pense que cette décision est la base pour déterminer un résultat. Non, il n’y a pas de chiffre, mais c’était précisé d’une façon qui établissait un bon cadre pour régler cette affaire. »

Bref, à Sherbrooke et pour beaucoup de candidats du NPD, il y avait un chiffre: 50% +1. C’était avant l’élection. Aujourd’hui, “il n’y a pas de chiffre”.
Les partisans de Jack rétorqueront que leur chef pratique la realpolitik et qu’il doit composer avec son caucus anglophone et l’opinion publique canadienne anglaise. Et puisque la question référendaire n’est pas d’actualité, il garde cette conviction dans sa manche.
En fait, c’est aujourd’hui, après une élection qui lui fut favorable et alors qu’il est redevable au Québec que Jack Layton aurait, s’il le souhaitait, le capital politique voulu pour affirmer qu’il y a un chiffre. Plus on se rapprochera de la prochaine élection — surtout dans l’hypothèse où le PQ est élu à Québec — plus il sera difficile de réaffirmer le 50% +1.
Le fait que Layton, aujourd’hui, refuse de camper sur cette position de principe, sur cette promesse faite au Québec, est soit une illustration de son manque de leadership, soit une illustration de son manque de conviction à ce sujet. C’est, en tout cas, une insulte aux militants nationalistes québécois qui ont cru en lui.
Si les nouveaux députés québécois du NPD, attachés à la Déclaration de Sherbrooke, veulent en avoir le cœur net, peut-être pourraient-ils mettre la déclaration — y compris son passage sur le 50% +1 — aux voix lors du Congrès fédéral du NPD qui aura lieu à la mi-juin à Vancouver.
Ce serait extrêmement pédagogique, pour eux et pour tous.
De l’eau dans le gaz du fédéralisme asymétrique
La Déclaration de Sherbrooke fait grand cas de l’appui du NPD au fédéralisme asymétrique “nécessaire pour que le Québec puisse relever les défis qui lui sont propres, notamment dans le maintien du fait français en Amérique”.
Vous me direz que je chipote, mais je ne suis pas le seul à avoir noté l’absence d’asymétrie dans le petit communiqué émis ce lundi par Jack Layton, au sujet de ce que les Canadiens appellent la fête de Victoria et de ce que les Québécois appellent la Fête nationale des patriotes. Lisons:
La fête de Victoria vise à rend hommage à la reine Victoria, première souveraine de la confédération du Canada, et à souligner la naissance de l’actuelle reine du Canada, Sa Majesté Elizabeth II. Ce jour nous rappelle la place qu’occupe le Canada au sein du Commonwealth et nos racines européennes. Il nous rappelle également notre histoire ainsi que les triomphes et les tragédies qui ont ponctué l’édification de notre pays.
De nombreux Canadiens profiteront de cette longue fin de semaine pour se détendre, pour voir des membres de leur famille ou pour passer du temps ailleurs qu’à la maison. Au nom des néo-démocrates du Canada, je vous souhaite une très belle fête de Victoria.

Le Québec est la seule province qui ne célèbre pas la fête de Victoria. Elle est asymétrique (pas Victoria, la province). Un détail, certes. Mais force est de constater que le principe d’asymétrie n’a pas pénétré chaque pore de l’édifice néo-démocrate.
Un autre type d’asymétrie
On lit ce mercredi dans le Globe and Mail que les stratèges néo-démocrates réfléchissent à des façons de répartir les 59 députés québécois du NPD (sur 103) pour, objectivement, en réduire la force de frappe.
Par exemple, les députés du Nord du Québec pourraient se joindre à un caucus nordique régional pan-canadien et ceux de l’Est du Québec au caucus régional de l’Atlantique. Il suffisait d’y penser !
Le journaliste Bill Curry écrit:
When they were only 38, New Democratic Party MPs could gather around a big oval table and everyone who wanted to could speak. That’s now unworkable.
The traditional model for bigger caucuses is for MPs to meet in smaller provincial groups first. The chairs of those regional caucuses would then report to the national caucus. That’s the current NDP plan, but given the lopsided nature of the caucus – Quebeckers make up 59 of the 103 MPs – other ideas are being kicked around.
Northern Quebec MPs could perhaps be part of a Northern caucus or Eastern Quebec New Democrats could join an Atlantic caucus. There will also be issue-based groups.

Rien n’est encore décidé, bien sûr. Mais s’il fallait qu’on saucissonne les députés du Québec seulement par grandes régions et par thèmes, sans leur permettre de se réunir régulièrement en caucus québécois (je ne peux croire que ce soit envisagé), alors, ce serait le triomphe de la multi-asymétrie contre l’asymétrie Canada-Québec.
Pour le décès de la Déclaration de Sherbrooke, prière de transmettre vos condoléances au député NPD le plus près de chez vous et, si vous le voyez, à Amir Khadir.
À suivre…
(merci à l’alertinternaute vilj13
pour un de ces signalements

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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