INDÉPENDANCE DU QUÉBEC 276

Bernard Drainville fait faux bond au fédéralisme

Un crime de lèse-majesté ?

Chronique de Bruno Deshaies


Gros problème ! Le Québec tout entier s’est mis à sa recherche. Imaginez, il avait hésité d’accepter d’emblée une première invitation de se présenter candidat péquiste aux prochaines élections, puis il a reçu une autre offre qu’il a finalement acceptée.
Immédiatement, la machine fédéraliste s’emballe au point de perdre le nord. Les questions fusent. Depuis quand avez-vous une carte du Parti québécois ? Quand avez-vous pris la décision de vous lancer en politique ? Qui vous a approché ? Comment cela s’est-il passé ? Pourquoi avez-vous hésité ? Quand avez-vous avisé vos patrons de Radio-Canada ? Étiez-vous souverainiste quand vous faisiez votre travail de journaliste ? Pouviez-vous être objectif dans l’occupation de vos fonctions ? N’avez-vous pas manqué à l’éthique journalistique ? Etc. Bref, une vraie chasse aux sorcières. Que non pas ! Le public a droit à l’information, n’est-ce pas ? Est-ce que nous vivrons les mêmes tribulations avec madame Christine Saint-Pierre si elle accepte de se présenter pour le Parti libéral du Québec ?
De beaux exemples qui confirment notre chronique de la semaine dernière. Le débat n’est pas démocratiquement égal au plan médiatique entre les forces fédéralistes et les forces indépendantistes. Notre collègue de la chronique de vendredi dernier a bien décrit la situation de Bernard Drainville sous le titre « La crise de famille »->4322] parmi les fédéralistes. Il s’est appuyé en plus sur une recherche du journal Le Québécois que l’écrivain Claude Jasmin a résumé dans un commentaire sur son site [Internet Poing comme net
Encore une fois, les indépendantistes n’en finissent jamais de fouiller dans les poubelles de l’histoire pour démontrer toutes les mesquineries et les bassesses du conquérant ou de la société dominante. Dans les années 1950-1960, Maurice Séguin notait déjà ce point important dans les relations entre les sociétés. Il écrivait ce qui suit dans son cours sur Les Normes en 1961-1962 : « L’oppression essentielle, c'est-à-dire le simple remplacement, s’accompagne ordinairement d’oppression accidentelle (à cause de la faiblesse des hommes, de ce que l’on appelle « l’hommerie »). » (Université de Montréal, Faculté des lettres, 1961-1962, cours HIST 585 : Introduction à l’histoire du Canada. Voir Fonds Maurice Séguin).
En 1965-1966, dans la nouvelle édition de ses Normes, il mentionnait que « cette oppression essentielle ne saurait être écartée, supprimée par la justice, l’attention, la compréhension, le savoir faire, la vertu de la collectivité dominante » (cf. Les Normes, Chapitre premier, section 1, division 2, subdivision 3.7). Ce serait bien le moment pour tous les souverainistes orthodoxes de réfléchir sur cette norme qui se rapporte à la subordination d’une nation et sa superposition par une autre nation, surtout dans le cas d’une nation fédérée, c'est-à-dire annexée.
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La nation « annexée » et Les oppressions accidentelles
a) Distinctions

Oppressions accidentelles : il faut d’abord FAIRE CLAIREMENT LA DISTINCTION ENTRE l’OPPRESSION « ESSENTIELLE » et les OPPRESSIONS « ACCIDENTELLES ».
b) Explication

Quand une collectivité remplace une autre collectivité, en plus de l’oppression essentielle due à la substitution même, ce remplacement peut s’accompagner ou peut ne pas s’accompagner de persécution, d’abandon..., d’incompréhension ou d’incompétence.
c) Rôle de la société remplaçante
La société remplaçante peut :

1o - maltraiter, persécuter intentionnellement la société remplacée ;
2o - la négliger, l’abandonner, faute d’intérêt ;
faute de renseignements ;
3o - mal l’administrer ou par incompréhension ;

ou par incompétence ;
mais ces modalités ne sont qu’accessoires : elles sont des oppressions qui, bien que parfois très graves, ne sont pas moins des oppressions évitables, contingentes, accidentelles..., quoique la plupart du temps, l’oppression essentielle soit ordinairement accompagnée d’une dose variable d’oppressions accidentelles.
Source : Maurice Séguin, Les Normes, Chapitre premier, section 2, division 3, subdivision 3.
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Bien sûr, ces comportements désagréables de la société remplaçante ou dominante nous gênent, nous frustrent et souvent nous révoltent, mais ils font partie de la vie et des conditions de vie. En somme, de l’« hommerie », il y en aura toujours. Les oppressions accidentelles seront d’autant plus désagréables et choquantes qu’elles mobiliseront une très grande partie de notre attention. Cette lutte viscérale ne fera qu’augmenter notre acrimonie et notre rancœur envers la nation remplaçante et dominante, en l’occurrence, le Canada-Anglais. Cependant, ce type de lutte nationale ne changera rien de fondamental dans notre comportement pour contrer l’annexion que subissent les Québécois parce qu’ils demeureront annexés tant et aussi longtemps qu’ils ne mettront pas fin à leur état de subordination sur place et de superposition par le gouvernement fédéral.
L’autorité souveraine et suprême du fédéralisme canadian n’a pas aimé le choix politique de monsieur Bernard Drainville. Elle a traité le cas comme une défection. La question qui se pose souvent : vivons-nous en démocratie, oui ou non ? Peu importe ! L’autorité souveraine et suprême du fédéralisme canadian devait intimider et faire peur aux autres qui oseraient suivre le même chemin. Mais si c’était pour la bonne cause, soit celle du fédéralisme, la chose serait jugée différemment. Il n’y aurait sûrement que des éloges. C’est toujours deux poids deux mesures selon que l’on est dans un camp ou dans l’autre. L’impartialité est nécessairement celle du plus fort !
La leçon à retenir de cet événement consiste à se rappeler que la lutte nationale visant principalement les oppressions accidentelles obnubile les esprits et prend le dessus sur le véritable combat de l’indépendance. Les indépendantistes doivent mettre leur énergie dans la lutte qui les conduira à la conquête des pouvoirs d’une nation indépendante guidée par un État souverain. Le pays qui naîtra de cette conquête pourra agir par soi collectivement sur sa vie intérieure et être présent au monde par lui-même sans une autre nation interposée dont il subit actuellement l’oppression essentielle.
Bruno Deshaies

http://blogscienceshumaines.blogspot.com/

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Bruno Deshaies209 articles

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BRUNO DESHAIES est né à Montréal. Il est marié et père de trois enfants. Il a demeuré à Québec de nombreuses années, puis il est revenu à Montréal en 2002. Il continue à publier sa chronique sur le site Internet Vigile.net. Il est un spécialiste de la pensée de Maurice Séguin. Vous trouverez son cours sur Les Normes (1961-1962) à l’adresse Internet qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 (N. B. Exceptionnellement, la numéro 5 est à l’adresse suivante : http://www.vigile.net/Les-Normes-en-histoire, la16 à l’adresse qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-15-20,18580 ) et les quatre chroniques supplémentaires : 21 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique 22 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19364 23 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19509 24 et fin http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19636 ainsi que son Histoire des deux Canadas (1961-62) : Le PREMIER CANADA http://www.vigile.net/Le-premier-Canada-1-5 et le DEUXIÈME CANADA : http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-1-29 et un supplément http://www.vigile.net/Le-Canada-actuel-30

REM. : Pour toutes les chroniques numérotées mentionnées supra ainsi : 1-20, 1-5 et 1-29, il suffit de modifier le chiffre 1 par un autre chiffre, par ex. 2, 3, 4, pour qu’elles deviennent 2-20 ou 3-5 ou 4-29, etc. selon le nombre de chroniques jusqu’à la limite de chaque série. Il est obligatoire d’effectuer le changement directement sur l’adresse qui se trouve dans la fenêtre où l’hyperlien apparaît dans l’Internet. Par exemple : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 Vous devez vous rendre d’abord à la première adresse dans l’Internet (1-20). Ensuite, dans la fenêtre d’adresse Internet, vous modifier directement le chiffre pour accéder à une autre chronique, ainsi http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-10-29 La chronique devient (10-29).

Vous pouvez aussi consulter une série de chroniques consacrée à l’enseignement de l’histoire au Québec. Il suffit de se rendre à l’INDEX 1999 à 2004 : http://www.archives.vigile.net/ds-deshaies/index2.html Voir dans liste les chroniques numérotées 90, 128, 130, 155, 158, 160, 176 à 188, 191, 192 et « Le passé devient notre présent » sur la page d’appel de l’INDEX des chroniques de Bruno Deshaies (col. de gauche).

Finalement, il y a une série intitulée « POSITION ». Voir les chroniques numérotées 101, 104, 108 À 111, 119, 132 à 135, 152, 154, 159, 161, 163, 166 et 167.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 février 2007

    La pensée fédéraliste imprègne toute la société canadienne et québécoise. C’est une pensée « invasive » au point où les partis politiques fédéraux n’ont pas besoin d’être les seuls porte-parole de cette idéologie. En fait, c’est une « foi », un credo. Bref, c’est une idéologie qui est servie par des organisations tentaculaires dans la société.
    Il n’y a rien d’équivalent dans le camp des indépendantistes québécois. Or, cette chronique vise à faire comprendre que les indépendantistes doivent apprendre à penser en indépendantiste et non sous le couvert du fédéralisme. Dans cette perspective, voici comment l’affaire Drainville devrait se présenter pour un indépendantiste.
    L’affaire Drainville, quoique grave en soi, ne concerne que des oppressions accidentelles. Les défenseurs de l’indépendance du Québec devraient se rappeler que l’oppression essentielle signifie « la privation, le remplacement de l’agir (par soi) collectif » pour la nation minoritaire. Maurice Séguin décrit cette oppression fondamentale en ces termes :
    « dès qu’une collectivité remplace, par son agir collectif, l’agir collectif d’une autre société, cette substitution ou ce remplacement total ou partiel est, ipso facto, diminution ou privation d’être, perte d’expérience, d’initiative et de possibilité d’accumuler des habitudes pour la collectivité remplacée ». (Maurice Séguin, Les Normes, Chapitre premier, section 2, division 3, subdivision 5.)
    Cette oppression affecte tout autant l’individu que la société en général (bien qu’analogiquement).
    SELON L’OPTIQUE INDÉPENDANTISTE, L’INSISTANCE DOIT ÊTRE MISE SUR L’AGIR (PAR SOI) COLLECTIF. Le concept s’applique tout autant à l’individu qu’à la société.
    1.2.1 Pour l'individu
    1.2.1.1 Développement découlant de l’action personnelle ou de l’agir (par soi)
    De l’action personnelle ou de l’agir (par soi) découlent le développement
    ∙de l’expérience (sous l’aspect : intelligence, connaissance),
    ∙de l’initiative (sous l’aspect : volonté, décision, énergie),
    ∙ainsi que la création et l’accumulation d’habitudes progressives de vie. (si l’on ne tient pas compte de l’appréciation morale...)
    1.2.3 Pour la société
    1.2.3.0 Mêmes principes s’appliquent à l’agir de la collectivité
    ∙Analogiquement, les mêmes principes s’appliquent à l’agir collectif d’une société.
    ∙L’action développe et enrichit ; l’inaction, volontaire ou imposée, appauvrit.
    (Maurice Séguin, Les Normes, Chapitre premier, section 2, divisions 1 et 3)
    C’est avec des concepts comme ceux-ci que les indépendantistes parviendront à transformer le discours souverainiste ou nationaliste sur des bases solides. Il faut cesser de bavarder et de clavarder indéfiniment.
    Le changement d’orientation ne proviendra jamais d’une profusion et d’une effusion d’émotions seulement, même si cela s’amplifie dans l’Internet. Si les concepts fondamentaux de l’indépendance ne sont pas compris par ceux et celles qui se proclament indépendantistes, on se retrouvera toujours dans cette lutte qui ne concerne que les oppressions accidentelles (autrement dit, ce sont de petits coups d’épingles qui agacent, mais qui occupent beaucoup trop les énergies des indépendantistes et les détournent du combat fondamental).
    Bruno Deshaies

  • Archives de Vigile Répondre

    15 février 2007

    Nous ne vivons pas dans une démocratie et seuls les fédéralistes mènent une lutte.