Les patients assurés par le régime public d’assurance médicament qui tiennent à recevoir un médicament d’origine quand le générique est disponible devront désormais en assumer le prix. Le ministre de la Santé Gaétan Barrette a mis fin à l’exemption qui s’appliquait toujours aux patients dont le médecin ajoutait la mention « ne pas substituer » à la prescription. Il espère économiser ainsi 40 millions de dollars par an.
La mesure a été bien reçue, tant du côté des médecins que des pharmaciens.
« Les génériques sont approuvés et l’effet thérapeutique est identique », a fait valoir le ministre en conférence de presse jeudi, ajoutant que l’utilisation du « ne pas substituer » entraînait des dépenses « injustifiées » de 80 millions de dollars.
Comme les médecins pourront toujours l’utiliser moyennant une justification clinique, les économies n’atteindront toutefois pas ce niveau. Des médicaments plus sensibles figurent sur la liste des exceptions acceptées. Des patients qui ont une allergie ou une intolérance avérée à un composant d’un générique, comme un colorant, pourront aussi continuer à se faire rembourser l’original.
Mais « si le patient considère, pour toutes sortes de raisons, souvent placebo, qu’il doit prendre le novateur, il devra payer la différence », tranche le ministre.
Selon lui, les programmes de fidélisation mis en place par les compagnies pharmaceutiques pour inciter les patients à exiger l’original deviendront obsolètes. Des cartes distribuées aux patients, permettant le remboursement, par les compagnies, de la différence de coût entre l’original et le générique sont en effet une des tactiques mises en place par l’industrie.
La mesure entre en vigueur le 24 avril prochain. Les patients qui possèdent déjà une prescription avec la mention « ne pas substituer » bénéficient d’un délai supplémentaire jusqu’au 1er juin, le temps de revoir leur médecin.
Le public n’a pas à s’inquiéter, assure le Collège des médecins. « C’est une mesure purement administrative qui a pour but de faire des économies. Mais en matière de qualité des produits, le public est bien protégé, dit son président, le Dr Charles Bernard. Cela ne causera préjudice à aucun patient. »
Les pharmaciens propriétaires félicitent Québec d’avoir retenu une de leurs propositions. « C’est en vigueur ailleurs au Canada depuis longtemps, il y avait un peu de laxisme », estime le président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, Jean Thiffault. « J’appréhende beaucoup de questions des patients, mais peu de conséquences cliniques. »
C’est sous le précédent gouvernement du Parti québécois que la volonté de mettre fin au remboursement de coûteux médicaments d’origine a été affirmée. L’ex-ministre des Finances Nicolas Marceau avait en effet aboli la « règle des 15 ans », qui prolongeait le remboursement des médicaments d’origine sur autant d’années après la mise en marché du générique. La règle des 15 ans avait été instaurée en 1994 afin de stimuler l’implantation de l’industrie pharmaceutique au Québec. La RAMQ indique aujourd’hui que les économies engendrées par l’abolition de la règle des 15 ans ont été de 150 millions par an.
Davantage d’économies possibles
Québec pourrait aller plus loin. En commission parlementaire sur le projet de loi 28, en janvier dernier, l’Association canadienne du médicament générique a rappelé que le Québec accuse un retard en matière d’utilisation des médicaments génériques. Si on rejoignait la moyenne canadienne, près de 500 millions pourraient être économisés par Québec et par les patients, calcule l’Association.
Elle relevait aussi des millions en économies possibles si la RAMQ remboursait les médicaments génériques dès leur arrivée sur le marché. Les délais sont parfois de plusieurs mois. « En Ontario, le délai est d’un jour ou deux », relate aussi Jean Thiffault. Lorsque le générique d’un médicament pour traiter l’Alzheimer est devenu disponible l’an dernier, il estime que le délai d’inscription a coûté 4 millions de dollars. Le régime public québécois couvre aussi plus de médicaments différents que le régime ontarien, par exemple.
De plus, Québec pourrait aussi choisir de rembourser seulement le moins cher parmi certaines classes de médicaments où les différentes molécules ont toutes un effet équivalent. C’est le cas des statines, contre le mauvais cholestérol, relate Jean Thiffault. Québec applique déjà cette règle pour les inhibiteurs de pompe à proton (IPP), qui traitent les brûlements d’estomac. Les statines figurent parmi les médicaments les plus consommés par les Québécois.
Le régime général d’assurance médicament empêche toujours les régimes privés de mettre en place la substitution générique obligatoire, rappelle aussi Marc-André Gagnon. Le chercheur à la School of Public Policy and Administration de la Carleton University estime que « si le ministre veut protéger les Québécois contre les programmes de fidélisation des firmes, il faudrait permettre la substitution générique obligatoire par les régimes privés, et même l’imposer ».
Ce sera le générique ou rien, tranche Québec
Les médicaments d’origine ne seront plus remboursés par le régime public
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