Avec ses 420 milliards d’actif net qu’elle gère pour le bien-être financier de tous les Québécois, la Caisse de dépôt et placement du Québec doit être au-dessus de tout soupçon. Et à cette fin, la Caisse doit absolument faire preuve de transparence. De grande transparence.
Voilà pourquoi le conseil d’administration de la Caisse doit maintenant « ordonner » à son PDG Charles Émond de rendre public le fameux rapport d’enquête externe produit en 2019 sur le scandale financier qui a entaché la filiale Otéra Capital à la suite des révélations du Journal.
Bien que quatre hauts dirigeants d’Otéra ont été mis à la porte, on n’a jamais pu prendre connaissance des tenants et aboutissants de ce vaste scandale financier. Pourquoi ? Parce que la Caisse, sous l’ancien PDG Michael Sabia, s’est contentée de publier un résumé dudit rapport d’enquête.
Or, avec les nouvelles révélations de mon collègue Jean-Louis Fortin sur une « Opération camouflage » de conflits d’intérêts dans 26 prêts commerciaux qui impliquait également en 2019 un autre vice-président d’Otéra, le temps est venu de dévoiler au grand jour le fameux rapport d’enquête externe.
C’est Michael Sabia qui l’avait commandé pour faire « toute la lumière » sur les révélations du Bureau d’enquête du Journal. Avec le résumé qui a été dévoilé, il est évident que la lumière n’a pas été publiquement faite.
Malgré les demandes répétées du Journal, la haute direction de la Caisse, avec à sa tête le PDG Charles Émond, refuse toujours de dévoiler ledit rapport d’enquête.
Face maintenant aux nouvelles révélations de camouflage de conflits d’intérêts, la Caisse s’est contentée de répondre que le vice-président en question avait divulgué son intérêt dès 2013, mais ce n’est qu’en février 2019 qu’elle lui a demandé de vendre ses parts. Point à la ligne.
APPEL AU CA
Là, ça suffit de faire l’autruche. Il revient donc au conseil d’administration de la Caisse (CA) d’exiger de ses hauts dirigeants qu’ils publient ledit rapport externe sur le scandale financier de sa filiale Otéra.
Après tout, c’est le CA de la Caisse qui est ultimement responsable du respect des règles de bonne gouvernance au sein de la Caisse et de ses filiales, notamment celles d’Otéra, de CDPQ Infra et d’Ivanhoé Cambridge.
Et c’est également lui (le CA) qui est ultimement responsable du respect des règles d’éthique et de déontologie et des règles en matière de conflits d’intérêts applicables aux dirigeants et aux employés de la Caisse et de ses filiales.
Le camouflage de conflits d’intérêts dans 26 prêts commerciaux d’Otéra d’un des vice-présidents de la Caisse que vient de dévoiler mon collègue Jean-Louis Fortin est un accroc à la bonne gouvernance de la Caisse et à ses règles d’éthique, de déontologie et conflit d’intérêts.
EN CAS DE REFUS
Si le CA de la Caisse s’entête, lui aussi, à ne pas rendre public le rapport externe sur l’affaire Otéra, il reviendra au ministre responsable de la Caisse, soit le ministre des Finances Eric Girard, d’exiger sa divulgation publique.
En vertu de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement, la Caisse est tenue de répondre aux préoccupations du ministre en matière de gouvernance.
Le hic ? Encore faut-il que le ministre Girard, à la suite des nouvelles révélations du Journal sur Otéra, trouve qu’il y a matière à suspicion.
Mardi dernier, un collègue du Journal l’a interpellé sur le sujet à deux reprises dans les couloirs de l’Assemblée nationale, soit avant et après la période de questions.
Sa réaction : il ne s’est pas arrêté pour répondre aux questions, se contentant de dire « pas de commentaires ».
- Écoutez l'édito économique de Michel Girard diffusé chaque jour en direct 6 h 50 à QUB radio :
RESTE L’OPPOSITION
Les partis d’opposition, heureusement, se questionnent sur la gouvernance de la Caisse.
La porte-parole de Québec solidaire (QS) en matière d’économie, Ruba Ghazal, estime que les dirigeants de la Caisse de dépôt doivent venir s’expliquer devant les élus en commission parlementaire. « Comment se fait-il que la Caisse ait tenté de camoufler des conflits d’intérêts au lieu de montrer patte blanche ? » se demande-t-elle.
Pour sa part, Joël Arseneau, chef parlementaire du Parti Québécois (PQ), déplore que la Caisse ait « caché de l’information pertinente » alors que la cheffe libérale Dominique Anglade estime que l’information aurait pu être « divulguée au bon moment ».
Pour montrer à quel point il y a un problème de bonne gouvernance à la Caisse, la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, a soutenu dans un récent rapport que la Caisse n’a pas respecté plusieurs de ses règles en matière de vérification et de déclaration de conflits d’intérêts dans plusieurs dossiers d’investissement.