Robert Dutrisac Québec — Écartant toujours la tenue d'une commission d'enquête publique, le premier ministre Jean Charest a confirmé, hier, que son gouvernement avait l'intention de créer une unité permanente d'enquête sur la corruption et la collusion affectant les contrats publics.
Réagissant à la défaite libérale dans la circonscription de Kamouraska-Témiscouata, Jean Charest juge que la population a envoyé «un message» tant au gouvernement qu'à lui-même. Un message qui «concerne toute la question des débats sur la collusion et la corruption».
«Nous allons en faire davantage, a-t-il dit. Je reçois le résultat avec beaucoup d'humilité.»
Jean Charest s'intéresse au modèle du Department of Investigation (DOI) de la Ville de New York. Mais ce modèle ne sera pas appliqué tel quel compte tenu des différences en matière de compétences et de contexte juridique entre le Québec et New York.
«Il y aura certainement des adaptations à faire», a précisé le premier ministre.
«Dans le domaine de la construction, on est en train de faire une analyse de modèles d'intervention qui serait permanente, a-t-il indiqué. Le problème, il revient. On l'a vécu dans le passé; il revient. On pense que, pour agir efficacement, il faut regarder des solutions permanentes.»
Même s'il dit comprendre le message que lui a envoyé l'électorat lundi, Jean Charest continue de refuser de tenir une commission d'enquête. «Il faut des solutions permanentes et une commission d'enquête, ce n'est pas une solution permanente. Une commission d'enquête, ça donne l'immunité à celui qui témoigne; ce n'est pas ça qui va régler le problème.»
La création d'un DOI québécois ne sera pas annoncée avant la fin de l'année, a-t-on laissé savoir au cabinet du ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil. Mais l'idée, qui est encore embryonnaire, pourrait apparaître dans le discours inaugural qu'entend prononcer le premier ministre en février à l'ouverture de la prochaine session.
Créé en 1873, le DOI de la Ville de New York enquête sur les cas de pots-de-vin, de fraudes, de collusion et de trafic d'influence impliquant des employés municipaux — New York en compte 300 000 — et des entrepreneurs. Le DOI procède à des opérations d'infiltration au sein des différents services municipaux pour mettre au jour les pratiques illégales. Cette escouade maintient des liens étroits avec le service de police de New York, le FBI et les procureurs généraux de l'État de New York et des États-Unis.
Appelé à commenter la défaite de lundi, Robert Dutil juge que ce sont les allégations de collusion et de corruption qui ont nui à la candidate libérale France Dionne. «Il y a toutes sortes d'allégations dans les airs. Je pense bien que c'est cet aspect qui est le plus négatif actuellement parce que l'économie va bien, l'économie est relativement redressée», a affirmé Robert Dutil. Tout au long de sa campagne électorale, France Dionne a insisté sur la bonne tenue de l'économie du Québec, réduisant l'enjeu de l'élection à une question «de pain et de beurre».
Selon la vice-première ministre, Nathalie Normandeau, les résultats de l'élection, dans laquelle les libéraux n'ont ménagé aucun effort, auraient pu être pires n'eût été de la performance «remarquable» de France Dionne. «Le résultat aurait pu être très difficile pour nous, c'est-à-dire encore plus dommageable», a souligné Nathalie Normandeau.
Le Parti libéral du Québec n'avait pas encore arrêté sa décision, hier, à savoir s'il demandera un dépouillement judiciaire. Le candidat péquiste, André Simard, a remporté l'élection par une faible marge de 196 voix. Le PLQ a cinq jours pour en faire la demande.
Chez les libéraux, on interprète les résultats serrés de l'élection comme une preuve que les Québécois sont partagés. Pour le whip libéral, Pierre Moreau, il existe «un fractionnement de l'opinion à l'égard de l'ensemble du débat».
«Le Parti libéral n'est pas déclassé, loin de là», s'est consolé le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier.
André Simard au caucus
À la réunion du caucus péquiste, les députés, en accueillant le nouvel élu de Kamouraska-Témiscouata, André Simard, accompagné de la chef Pauline Marois, étaient en liesse. Ceux qui, au sein du PQ, voyaient cette élection comme un test pour le leadership de Pauline Marois — c'est le cas de Pierre Dubuc, du défunt club politique SPQ Libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre) — devront ronger leur frein.
À l'Assemblée nationale, Pauline Marois a réclamé encore une fois la tenue d'une commission d'enquête publique. Elle s'est réjouie du fait que le président Conseil du patronat du Québec (CPQ), Yves-Thomas Dorval, qui n'était pas favorable à la tenue d'une telle commission, ait maintenant changé son fusil d'épaule. «Deux électeurs sur trois ont voté contre le gouvernement libéral», a affirmé Mme Marois, qui a demandé aux députés libéraux de réclamer à leur chef une commission d'enquête. Jean Charest a répliqué en signalant qu'il y avait également deux électeurs sur trois qui avaient voté contre le PQ. «Comme on dit chez nous: il faudrait allumer les lumières», a raillé le chef libéral.
Charest gagne du temps
Une «unité permanente» plutôt qu'une commission d'enquête
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