Chávez!

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La mort de Chavez suscite l'inquiétude à Cuba

Oui, mardi après-midi, lorsqu'on a annoncé le décès de Hugo Chávez, le président du Venezuela, j'ai pleuré. Ça peut paraître ridicule, je sais, mais c'est ainsi que j'ai réagi, je suis toujours un peu moumoune dans de pareilles situations.
Mais j'étais surtout triste pour Cuba. Je sais bien que tout a été prévu, que les relations entre les deux pays vont demeurer plus ou moins les mêmes. Mais si jamais les militaires vénézuéliens décidaient de ne pas respecter la constitution et mettaient fin à la Révolution bolivarienne et tout ce que cela suppose?... Qu'adviendrait-il de Cuba?
Oui, les Cubains en ont vu d'autres. Ils connaissent les rigueurs du blocus économique criminel imposé par le gouvernement américain depuis plus de 50 ans. Ils ont vu s'écrouler leurs relations avec l'Union soviétique et les pays de l'Europe de l'Est, en 1991, plongeant le pays dans ce qu'on a appelé «un período especial» pendant une dizaine d'années: chute dramatique des importations de pétrole et des exportations de sucre, la principale source d'entrée de devises à l'époque. Au même moment, le gouvernement américain augmentait encore davantage les mesures coercitives contre l'île cubaine dans le but de faire tomber le gouvernement socialiste.
Mais avec le triomphe de la Révolution bolivarienne, en 1998, Cuba a pu recommencer à respirer normalement. Le pétrole vénézuélien est arrivé pour faire de nouveau tourner l'économie sur des bases solides et stables et le tourisme a connu un nouveau boom économique. L'économie cubaine s'était diversifiée entre-temps et le sucre, en raison de la baisse des prix mondiaux, n'était plus la principale source de devises.
Les Cubains se sont mis à rêver de lendemains qui chantent. Tout redevenait possible. Le jeune Chávez n'était-il pas venu à La Havane, dès 1994, en déclarant, de façon prémonitoire: «Un jour, nous espérons venir à Cuba les bras ouverts et pour construire ensemble un projet révolutionnaire latino-américain».
L'arrivée de Chávez dans le panorama politique cubain est comparable à l'élection du gouvernement socialiste d'Allende au Chili, en 1970. Dans les deux cas, le même déchaînement des grandes corporations, minières, dans le cas du Chili, et pétrolières dans le cas du Venezuela. Accompagné des menaces, des intrigues, des complots et des sales coups du gouvernement américain qui voyait dans ces exemples de souveraineté une contagion du modèle cubain à travers l'Amérique latine. Dans les deux cas, une mobilisation sans précédent et une ouverture bénéfique sur la révolution cubaine qui, du coup, n'était plus coupée de ses voisins naturels.
Oui, on peut parler de contagion cubaine. Et l'arrivée de Chávez y a contribué également, avec son projet de créer une vaste fédération des peuples d'Amérique latine, sans les États-Unis et le Canada. C'est ainsi qu'est née la Communauté d'États latino-américains et caraïbes (CÉLAC), à Caracas en 2011, qui regroupe 18 pays hispanophones, un pays francophone (Haïti), un lusophone (le Brésil), 12 pays anglophones provenant tous des Caraïbes, et un pays néerlandophone, le Surinam. Depuis son lit d'hôpital, Chávez avait écrit à cette occasion: «L'Amérique latine et les Caraïbes disent aux États-Unis d‘une seule voix que toutes les tentatives pour isoler Cuba ont échoué et échoueront.»
Le président Obama ne semble manifestement pas avoir lu le livre Les veines ouvertes de l'Amérique latine, que Hugo Chávez lui avait donné en 2009 lors du sommet de Trinidad et Tobago. Plutôt que d'offrir au peuple vénézuélien ses condoléances, il a préféré faire allusion aux droits de l'homme et aux principes démocratiques, comme si ceux-ci étaient bafoués au Venezuela. S'il avait lu cet essai de l'écrivain uruguayen Eduardo Galeano, le président des États-Unis aurait compris comment l'Amérique latine a été dépouillée, depuis des siècles, de ses plus grandes richesses par les puissances coloniales et pourquoi aujourd'hui elle aspire à une totale indépendance.
Mais peut-être, finalement, suis-je trop pessimiste. Peut-être que les liens de solidarité et d'amour qui ont été tissés entre Cuba et le Venezuela survivront à la mort de Hugo Chávez, pour que le grand rêve de Simon Bolivar d'une Amérique latine unie se réalise.


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