Coup de théâtre à Victoriaville

Victoriaville - 5 mai 2012

Coup de théâtre à Victoriaville

Prologue

Quelle désolation que le spectacle d'hier soir à Victoriaville. Je vous imagine assis bien confortablement dans votre salon, au chaud et au sec, plongeant une main dans votre pop corn, et regardant avec effroi et indignation ces images qu'on vous passe en boucle. Hier soir, à Victoriaville, une intifada. Une intifada stratégiquement planifiée.

Acte I - scène 1

Des milliers de citoyen(ne)s réunis sous un air festif dans le stationnement du Wal-Mart de Victoriaville, à quelques mètres de L'hôtel le Victorin où avait lieu le Congrès du PLQ. Ces citoyen(ne)s étaient bien déterminé(e)s à perturber cette réunion regroupant les militants du PLQ. Solidaires, en chantant, ils ont marché d'un pas ferme et résolu vers le lieu de rencontre.

Sur les lieux, des clôtures non solidifiées, plantées stratégiquement là, en attente d'être renversées de façon à fournir une justification pour une intervention bien musclée des forces de l'ordre, de cet Ordre si vénéré. Le résultat ne se fit pas trop attendre. De fait, au bout de plus ou moins 20 minutes, les multiples bombes lacrymogènes pleuvaient littéralement sur la foule constituée d'étudiant(e)s, de citoyen(ne)s tout azimut et de tous âges... De tous âges, oui, car parmi la foule, des vieillards, des enfants et au moins un bébé que j'ai aperçu. Honte à ces forces de l'ordre!

Acte I- scène 2

La foule est indignée et en colère. Avec raison d'ailleurs. Des personnes âgées, mais d'autres plus jeunes aussi, sont grandement incommodées par ces gaz. Heureusement, des gens plus aguerris, majoritairement des membres du black bloc, circulent parmi les gens, leur viennent en aide et les soulagent avec leur mélange de maalox et d'eau qui fait des miracles contre les brûlures aux yeux causées par ces gaz. La foule se disperse, puis revient là où le vent pousse les gaz dans la direction opposée. Entretemps, une dame a reçu une balle de caoutchouc en pleine gueule. Sur une civière, les dents dans les mains, elle fut transportée à l'hôpital en ambulance.

Acte II- scène 1

Une bonne partie de la foule, de plus en plus en colère, finit par se retrouver sur le terrain adjacent de l'hôtel où se tenait le Congrès. La mise en scène avait été soigneusement mise en place pour une véritable intifada. En effet, le terrain adjacent à l'hôtel en question était nul autre qu'un champs de roches! Un champs de roches! Pffff... Pensez-vous vraiment que cela était un hasard? Il nous faut supposer qu'en décidant de tenir son Congrès à cet endroit, le PLQ avait certainement dû faire évaluer l'emplacement, le site, les terrains environnants, etc., par son équipe de sécurité. Nul besoin d'être un expert en stratégie pour le comprendre. Or, ce qui devait arriver arriva donc: les roches se sont mises à pleuvoir sur les agents de l'anti-émeute munis de leur armure. J'observais la scène et me suis dit que ça n'allait pas tarder qu'une formation d'agents de l'anti-émeute allait certainement arriver par l'arrière et ainsi forcer les gens à retourner vers la rue. Mais non! Ils sont restés là pendant plus d'une heure à se faire lancer des roches. Sans blagues! C'était voulu ainsi, je vous le dis! Sinon, il urge de remplacer le responsable tactique et stratégique responsable de la sécurité pour cette journée.

Acte II- scène 2

Tout-à-coup, ce policier qui sort de nulle part, seul et sans armure, il se retrouve parmi la foule et se jette sur un manifestant. Mais à quoi donc a-t-il pensé? Peut-être avait-il inhumé trop de ces gaz? Quoiqu'il en soit, c'est à ce moment que plusieurs dizaines de manifestants se sont rués pour venir en aide à ce manifestant et s'en sont pris à ce policier. Un camion de la SQ est arrivé à sa rescousse, roulant à toute vitesse parmi la foule. Scène surréaliste.

Épilogue

Enfin, au terme de tout cela, c'est Jean Charest qui en sort grand gagnant. La manipulation médiatique a certainement bien fait son oeuvre et les méchants étudiants anarchistes et terroristes ont su être dépeints comme extrêmement violents. Alors que Jean Charest, le bon père de famille parvenant avec une main de fer à calmer ces enfants rebelles, va passer pour le héros. Le héros, le grand sauveur qui aura réussi à mettre un terme au chaos, à résoudre ce conflit à la suite de négociations qui tombaient, comme par hasard, juste à point. Bravo M. Charest pour cette extraordinaire mise en scène et cette habile récupération médiatique et politique de l'événement. Bravo! Bravo! Bravo!

Réveillez-vous! Osez la liberté!

«Voilà 250 ans, David Hume [...] était intrigué par la «facilité avec laquelle les plus nombreux sont gouvernés par quelques-uns, la soumission implicite avec laquelle les hommes abandonnent» leur destin à leurs maîtres. Cela lui paraissait surprenant, car «la force est toujours du côté des gouvernés». Si le peuple s'en rendait compte, il se soulèverait et renverserait ceux qui le dirigent. Il en concluait que l'art du gouvernement est fondé sur le contrôle de l'opinion, principe qui «s'étend aux gouvernements les plus despotiques et les plus militarisés, comme aux plus libres et aux plus populaires» [...] Il serait plus exact de dire que plus un gouvernement est «libre et populaire», plus il lui devient nécessaire de s'appuyer sur le contrôle de l'opinion pour veiller à ce qu'on se soumette à lui [...]. Le peuple est un «grand animal» qu'il faut dompter, disait Alexander Hamilton» -- Noam Chomsky «Le profit avant l'homme»

Isabelle Côté
Professeure de philosophie
Collège de Bois-de-Boulogne


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mai 2012

    Mme Côté
    Comment se fait-il que des parents, avec des jeunes de 0-10 ans se permettent d'assister à une marche de paix, présumée, et prise en charge par des casseurs.
    Il y a un manque en quelque part? Une guerre pour qui cela intéresse; un manque pour les générations

  • Isabelle Côté Répondre

    7 mai 2012

    Je tiens à préciser que je ne sesonde absolument pas la violence qui s'est déployée de parts et d'autres lors de cet événement. Bien au contraire, je la qualifie de désolation. Ce texte n'a pas la prétention non plus de porter des accusations formelles. Ceci dit, les tensions étant au maximum, les responsables devaient prévoir la possibilité d'un dérapage et sécuriser les lieux de façon à éviter une scène déplorable comme celle à laquelle nous avons assisté. Or, je juge que ce travail a été très mal fait. Et, oui, au final, il y a eu récupération médiatique et politique de l'événement. Je ne suis ni stratège ni spécialiste en intervention tactique, mais je peux vous assurer que j'aurais condamné ce terrain adjacent, ce fameux champs de roches, par simple précaution. On peut dès lors se demander pourquoi cela n'a pas été fait. Pour ma part, je vais plus loin, je doute sérieusement qu'on ne l'ait pas venu venir. Quant au terme «intifada», mon intention n'était pas de comparer la lutte des étudiants à celle des Palestiniens, mais plutôt faire référence à l'emploi de cailloux par les Palestiniens contre les forces armées. Enfin, Mon intention n'était pas de justifier et légitimer le dérapage qui s'est produit, la violence dont certains ont fait preuve. Mais je tends à placer d'abord la responsabilité sur le gouvernement qui se voit incapable de gérer cette crise et qui de ce fait contribue à l,explosion de la violence. Violence que je condamne à tous les niveaux.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mai 2012

    À Madame Isabelle Côté,
    Nul doute que vous soyez animée par de “bons sentiments”, mais, par respect pour la Résistance de la nation palestinienne, je n’approuve pas votre emploi du terme “intifada” pour qualifier ce qui pourrait s’avérer être, d’une manière assez probable, une stratégie convergente et conjointe d’un pouvoir devenu illégitime et de ses alliés, casseurs bénévoles ou rémunérés, dans les événements de Victoriaville entre autres.
    Si le gouvernement a d’évidence une responsabilité politique dans l’aggravation de la crise étudiante, il importe de bien documenter les faits, avant de porter des accusations. C’est une question d’honnêteté, et comme disait un certain, “seule la vérité est révolutionnaire”, ce qui disqualifie d’emblée bon nombre de ceux qui jouent à la “révolution”, avant de rejoindre les rangs des élites sociales et économiques. Vous savez sans doute que Monsieur Pierre-Karl Péladeau n’a pas nié son appartenance antérieure au groupe “révolutionnaire” En Lutte, en compagnie de Madame Françoise David, laquelle fait ouvertement état de ses ambitions politiques…
    En ce qui concerne les faits, ceux de Victoriaville en particulier, l’hypermédiatisation des événements ne les rend pas plus transparents. Un exemple: il y a plusieurs années…, j’ai été blessé sérieusement dans une manifestation, j’aurais pu crier à la “brutalité policière” … mais j’avais reçu un projectile qui ne provenait pas des policiers … Si j’avais été atteint à la tête, je ne serais pas ici pour témoigner du mépris qu’ont la plupart des casseurs pour les manifestants pacifiques et leur intégrité physique, alors qu’ils se plaisent à présent à les qualifier de “paci-flics” !
    La “stratégie” dont vous parlez est aussi celle des casseurs qui se servent des manifestants pacifiques comme boucliers humains. Je vous suggère de compléter vos informations avant d’élaborer des explications incomplètes et/ou erronées. Vous pourriez, par exemple, prendre connaissance des éléments stratégiques élaborés par un personnage anonyme, avant qu’il ne les retire de son blog : http://moutonmarron.blogspot.ca/2012/05/la-manif-victo.html
    Solidairement
    Yves Claudé

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mai 2012

    Chère madame Côté,
    j'y était moi aussi à cette manif. Mais je m'inscris en faux avec votre vision de l'évènement.Le procès d'intention que vous faites aux forces de l'ordre ne fait pas honneur à votre statut de prof de philo. Cela me touche personnellement puisque je suis moi-même un prof de philo à la retraite. Contrairement à vous,le périmêtre de sécurité, les barrières et le dispositif de déploiment des agents à distance respectable des manifestants m'ont semblé corrects et faits dans les règles de l'art.
    Mais il y avait les casseurs et leur volonté ferme d'en découdre une fois de plus avec les forces de l'ordre. Ils ont fait ce qu'il fallait pour que ça dérape... Et cela a magistralement dérapé!... Une fois de plus.
    Bien des collègues de l'enseignement, des militants syndicaux, des gens du communautaires qui étaient là comme moi ont trouvé scandaleux le comportement de cette jeunesse militante.
    La cause de la gratuité scolaire universelle mérite mieux qu'un combat de matraques et de pavés!

  • Olivier Kaestlé Répondre

    6 mai 2012

    "Mais non ! Ils (les policiers) sont restés là pendant plus d’une heure à se faire lancer des roches", dites-vous. Pas de doute, une heure, c'est long. Votre conclusion : Jean Charest a spéculé sur les dégâts anticipés de manifestants radicaux, et il a gagné. Si vous avez raison, et votre démonstration est plausible, à défaut d'être tout à fait convaincante, ses adversaires auront contribué à son succès, à moins qu'on en arrive à suspecter une quelconque infiltration gouvernementale parmi les manifestants. Sinon, il faudra bien en arriver à admettre la part de responsabilité d'écervelés dans le désastre de Victoriaville. It takes two to tango...