Coupes en culture au fédéral - Quelle est la question?

Harper et la culture



La présente discussion (certains diront la levée de boucliers) sur le financement des arts, à la suite des coupes de 45 millions du gouvernement fédéral, se fait-elle vraiment à partir de la bonne question? Dans ce débat, il y a la question fondamentale et les questions subsidiaires. D'abord, les questions subsidiaires.
Bien sûr qu'en abolissant les programmes PromArt et Routes commerciales, on fragilise les compagnies de tournée. Mais est-il normal que des compagnies qui représentent le Canada à l'étranger doivent, pour boucler leur budget, compter sur un ministère (Affaires étrangères) dont le mandat n'est pas de soutenir les arts? Le Conseil des Arts du Canada (CAC) ne devrait-il pas disposer des ressources suffisantes pour financer ce pour quoi il est le plus apte à faire le travail?
Quant aux programmes du ministère du Patrimoine canadien, bien sûr qu'un gouvernement peut modifier ses priorités, mais ne devrait-il pas le faire de façon ordonnée, en consultant par exemple les provinces concernées, qui vont immanquablement se retrouver avec le problème?
Ne devrait-il pas se retirer d'un programme en donnant des préavis suffisants pour que les entreprises visées puissent se trouver d'autres sources de financement? Le cas de l'Institut national de l'image et du son (INIS) et des autres écoles spécialisées est pathétique en ce sens; on ne peut remplacer 25 % de son budget en un délai si court. N'aurait-il pas fallu au moins avertir ces écoles deux ou trois ans à l'avance et les aider à trouver d'autres sources de financement?
Le noeud du problème
Malgré ces questions importantes, le présent débat escamote l'essentiel: les dépenses en culture sont-elles trop élevées, trop peu élevées ou au contraire sont-elles adéquates? Voilà la vraie question. Voilà ce dont on ne discute pas et qui est le noeud du problème.
Selon Statistique Canada, le total des dépenses directes en culture de l'ensemble des administrations publiques au Canada se chiffre à 7,7 milliards de dollars par année, dont plus d'un milliard pour les bibliothèques publiques, un autre pour les musée et les parcs historiques, plus d'un milliard pour Radio-Canada, Télé-Québec, TV-Ontario, etc.
À ce montant, il faut ajouter les dépenses indirectes, dont le service de la dette, les divers crédits d'impôt et le manque à gagner des gouvernements pour les dons au secteur des arts faits par les entreprises et les individus.
Au Québec, uniquement pour les mesures fiscales (reçus pour fins d'impôt), il s'agit de 165 millions de dollars (chiffres de 2003-2004); pour l'ensemble du Canada, on peut donc estimer qu'il est de l'ordre du milliard de dollars. Si on ajoute le service de la dette, c'est-à-dire les dépenses liées à la construction ou à la rénovation de salles de spectacle et de musées pour lesquelles les gouvernements ont contracté des emprunts, on ajoute facilement un autre milliard. Le total dépensé de façon directe et indirecte par les gouvernements pour la culture est donc de 9,7 milliards.
Un débat à faire
À cela, il faudrait encore additionner les dépenses des autres ministères, notamment pour la formation artistique, tant aux niveaux primaire et secondaire que collégial et universitaire; c'est donc largement au-delà de 10 milliards de dollars qui sont dépensés au Canada par les trois ordres de gouvernement au poste «culture», soit environ 1300 $ par famille.
Est-ce adéquat? Est-ce trop ou trop peu? Ces montants sont-ils investis de la bonne façon? Au bon endroit? Voilà le vrai débat. Voilà le débat qui, à l'heure actuelle, ne se fait pas. Vrai que les organismes qui souffrent d'une coupure de leurs subventions sont pénalisés, mais le vrai débat se situe sur un autre plan. Celui des priorités d'une société comme la nôtre en ce qui regarde les arts et la culture.
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François Colbert, Professeur titulaire à la Chaire de gestion des arts
Carmelle et Rémi Marcoux de HEC-Montréal


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