L'opinion de Bernard Landry

De Starmania à Sabia

L'opinion de Bernard Landry


La vie d’une nation n’est pas uniquement économique. C’est même plutôt la culture qui est salvatrice. C’est souvent le niveau culturel qui est le meilleur fondement du développement économique. Le modèle québécois, à cet égard, est supérieur à bien d’autres.
Présentement, comme le reste du monde, l’Ontario est en détresse économique. Plus que le Québec qui résiste mieux. Et, différence majeure, nos voisins n’ont pas la profonde consolation qu’apportent un rayonnement culturel intense.
Grâce à Robert Lepage, au Cirque du Soleil, à Céline Dion, à Luc Plamondon et à tant d’autres, le Québec sert la beauté, la poésie et sa fierté nationale en même temps. De Félix Leclerc à Gaston Miron, en passant par Anne Hébert et Gabrielle Roy, tout ce patrimoine qui continue à croître par la fécondité des créateurs contemporains incarne aussi la prospérité d’une nation.
Malgré la tempête à la Caisse des Dépôts, un événement d’une richesse inouïe a marqué les derniers mois : la présentation, à Québec d’abord, puis à la Place des Arts ensuite, de la comédie musicale Starmania, devenue un grandiose opéra. Je suis plus qualifié pour l’évaluation économique, mais je me permets de vous dire qu’il s’agit là d’une production artistique majeure, à la hauteur des autres grands succès québécois.
Nous connaissions tous depuis longtemps les grands passages populaires: « La serveuse automate », « Le blues du businessman » ou « Le monde est Stone ». Toutes ces musiques et paroles de Michel Berger et de notre merveilleux Luc Plamondon sont maintenant devenues des airs d’opéra, et en plus, de grands airs.
Je crois sincèrement que ce que j’ai vu et entendu dans la salle Wilfrid-Pelletier, devrait, dans l’avenir, emballer des auditoires à l’Opéra de la Bastille, à la Scala de Milan, à Convent Garden, comme au Met de New-York.
Ce chef-d’œuvre de l’opéra québécois, va rayonner dans le monde à l’égal du Cirque, de Céline, de Lepage et des autres, confirmant une fois de plus, que notre nation jouit d’une puissance culturelle à la hauteur de sa puissance économique. Nos créateurs brillent dans leur catégorie comme Bombardier, Lavalin, CGI, Dessau et les autres dans la leur.
Je vous dis, en passant, ne pas comprendre, ni accepter, que cette nation si avancée ait le même statut politique que L’Ile du Prince Édouard et même que l’Ontario, simples provinces du Canada et fières de l’être…
ET SABIA, MAINTENANT…
Toute cette émotion culturelle de Starmania a contribué à me consoler un peu de la nomination de Michel Sabia comme premier dirigeant de notre plus grande institution financière nationale.
Il s’agit d’un Québécois, depuis quinze ans, qui parle convenablement notre langue et dont la naissance ontarienne ne doit pas être prise en compte dans l’évaluation du dossier. Durant ma longue carrière, j’ai eu de nombreux collaborateurs et collaboratrices, et jusqu’au plus haut niveau, qui étaient nés bien loin du Québec mais le servaient avec autant d’ardeur et d’attachement que moi. Ce qui n’est pas peu dire.
C’est donc contre le profil de M. Sabia que j’en ai. Cette opinion est du reste partagée par la presque totalité de ceux qui se sont prononcés sur sa nomination. Ce n’est pas insultant pour lui, c’est la simple réalité. Je ne m’offusquerais pas si l’on me disait que je n’ai pas le profil pour être ambassadeur du Canada à L’O.N.U. ou ailleurs. Bien sûr, cela ne risque pas de m’arriver!
Cet homme qui a une connaissance des affaires plus que de la finance, n’a connu par ailleurs que des résultats assez médiocres dans ses aventures récentes. Il s’est enrichi personnellement, comme la plupart de ceux qui exercent ce métier suivant les normes d’aujourd’hui. Mais même les experts en gestion n’ont qu’une faible confiance en sa capacité de gestionnaire.
En plus, pour gérer ce grand symbole national Québécois, il faut avoir un certain profil socio-économique qu’il n’a pas. La Caisse est intimement liée, et doit le rester, à notre modèle de solidarité économique et social. Il n’est pas acceptable, par exemple, que devant une menace de contrôle étranger de Bombardier, la Caisse ne bouge pas, comme l’a laissé entendre son nouveau patron. Celui-ci était d’ailleurs l’artisan le plus ardent de l’achat de BCE par Teachers, avec les conséquences que l’on sait sur les centres de décisions à Montréal.
Michaël Sabia est un gestionnaire au profil « canadian ». Ce qui est tout à fait respectable en soi, mais qui ne convient pas pour être à la barre du navire amiral de l’économie québécoise, par beau ou mauvais temps. En tout respect pour la personne évidemment…


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