Québec a jusqu'en octobre pour décider ce qu'il fait devant le jugement de la Cour suprême qui l'a débouté dans sa défense de la loi 104. Photo: Ivanoh Demers, La Presse
Denis Lessard - (Québec) Ce n'est pas encore le débat sur la langue d'affichage. Mais cela pourrait le devenir. La communauté anglophone de Montréal est à se mobiliser pour convaincre le gouvernement Charest de ne pas soumettre les écoles non subventionnées à la loi 101.
D'ores et déjà, le gouvernement Charest ne va pas recourir à la clause nonobstant pour soumettre les écoles anglophones non subventionnées à la Charte de la langue, selon les informations obtenues par La Presse. Juridiquement, il était loin d'être évident que la clause dérogatoire pouvait s'appliquer pour des questions touchant la langue d'enseignement - elle avait été utilisée en 1988 par le gouvernement Bourassa pour proscrire l'usage de l'anglais dans l'affichage public, une question, fondamentale, de liberté d'expression.
Québec a jusqu'en octobre pour décider ce qu'il fait devant le jugement de la Cour suprême qui l'a débouté dans sa défense de la loi 104, qui interdisait les «écoles passerelles», ces institutions privées, non subventionnées, où les élèves qui auraient dû aller au réseau francophone passent un an pour obtenir le droit d'aller à l'école anglaise.
La ministre de la Justice, Kathleen Weil, et les députés libéraux des circonscriptions anglophones, Lawrence Bergman et Geoffrey Kelley, font l'objet d'intenses pressions de la part des électeurs, parents ou élus municipaux.
Pour M. Kelley, dans cette affaire, «la survie de la langue française n'est pas en jeu, pas plus que l'avenir des écoles anglaises au Québec». «Il faut revenir aux faits. On parle de 500 ou 1000 élèves par année, dans l'ensemble des inscriptions aux écoles québécoises, c'est assez restreint», observe le député de Jacques-Cartier.
Reviendra-t-on au débat fiévreux de 1988 quand le gouvernement Bourassa avait proscrit l'anglais de l'affichage? Aux élections de septembre 1989, un parti de protestation des anglophones, Égalité, faisait élire quatre députés dans l'ouest de l'île.
«Pour le moment on n'est pas là... (les gens ne sont pas aussi mobilisés qu'à l'époque). Mais les gens sont actuellement en attente d'une réponse.» Il ne croit pas toutefois que le climat s'enflamme comme en 1988. «À l'époque, il y avait eu un engagement du parti en campagne électorale et un changement de position par la suite. L'affichage est une question bien plus visible», explique le député Kelley qui estime «important que les règles du jeu soient définies avant la prochaine rentrée scolaire».
«Mon souhait est que le gouvernement respecte la décision (de la Cour suprême) mais elle comporte des choses difficiles à définir, on parle de "parcours authentique", on ne trouve pas ça au dictionnaire», ironise-t-il. Le séjour d'un an seulement d'un élève n'est pas suffisant aux yeux de la Cour.
Déclin des écoles anglaises
Pour Marcus Tabachnick, président de la Commission scolaire Lester B. Pearson, «la communauté anglophone fait partie du Québec et a droit aux mêmes privilèges et protections que tous les Québécois». Il faut selon lui «ouvrir une espèce de choix pour quelques personnes... Il y en a plus que celles identifiées par la loi 101 qui devraient avoir le choix», a-t-il dit.
La communauté anglophone «a besoin d'un peu d'oxygène pour survivre. C'est tout ce qu'on demande. Depuis 1978, le nombre d'élèves aux écoles anglophones est passé de 250 000 à 100 000. On n'est pas en crise mais il y a franchement un problème à long terme», a-t-il dit. Le recours au nonobstant «serait un constat d'échec absolu pour le gouvernement. Ce serait l'aveu qu'il ne peut pas résoudre le problème», selon lui.
Pour Jonathan Goldbloom, de l'Association des écoles privées de Montréal, «la communauté anglophone est très préoccupée. Ces institutions sont importantes pour la communauté anglophone, et si on n'a pas accès il y aura des difficultés».
Ce groupe propose que l'on demande aux élèves d'aller à ces écoles non subventionnées pendant deux ans plutôt qu'une seule année pour avoir le droit de retourner au réseau public anglophone.
Le Conseil supérieur de la langue française, dans un avis il y a quelques semaines, avait recommandé le recours au nonobstant. Pour l'organisme-conseil, il est inacceptable qu'on puisse «acheter un droit» en payant l'admission d'un élève au réseau non subventionné.
Premier geste d'une série d'actions prévues, la municipalité de Côte-Saint-Luc a adopté la semaine dernière une résolution pour demander au gouvernement «de ne pas amender la Charte de la langue de façon à limiter l'accès aux écoles privées non subventionnées au Québec».
Écoles passerelles: Québec n'utilisera pas la clause nonobstant
Le recours au nonobstant «serait un constat d'échec absolu pour le gouvernement. Ce serait l'aveu qu'il ne peut pas résoudre le problème
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