J'avoue que la lecture du récent rapport du Groupe de travail sur le financement du système de santé m'a laissé sur mon appétit.
D'abord, les diagnostics posés ne nous apprennent rien que nous ne sachions déjà: dépenses de santé qui croissent plus rapidement que notre richesse, impact inquiétant du vieillissement, évolution préoccupante du coût des médicaments, mauvaise répartition des rôles et responsabilités entre ministère, agences et établissements, un système de santé prisonnier des groupes d'intérêts, problème des bases historiques dans la répartition des budgets. Et j'en passe!
On aurait pratiquement pu rééditer le rapport de la commission Rochon (1988). On avait prédit à celui-ci un traitement équivalent dès sa parution (également précédée de fuites): les tablettes! Il me semble avoir déjà joué dans ce film... Pourtant, la grande majorité de ses recommandations auront été appliquées.
La prévention?
Si ce nouveau rapport me laisse sur ma faim, c'est notamment en raison de la place plutôt mince qu'y occupe la prévention, le groupe de travail se limitant à «encourager» le gouvernement à poursuivre ses efforts en ce sens, sans plus. C'est pourtant sur ce plan que se situent les véritables marges de manoeuvre! D'autres ont mieux réussi en intervenant plus énergiquement de ce côté. Plutôt que d'encourager à poursuivre, le groupe de travail aurait dû carrément recommander une accélération des efforts et des investissements de ce côté.
L'équation est simple: la moitié des problèmes de santé sont la conséquence d'habitudes de vie sur lesquelles le citoyen peut avoir un contrôle, à condition d'être dûment informé et instrumenté. Qui plus est, un autre quart des problèmes sont liés à des environnements sur lesquels on peut agir. L'exemple concluant de la lutte contre le tabagisme et des effets bénéfiques de celle-ci sur la santé devrait nous encourager à initier d'autres actions de la sorte. Ainsi, dans les milieux de travail, l'annonce récente d'une norme «Entreprise en santé» est un puissant exemple de ce qui peut être fait pour éveiller les personnes et ces milieux à la promotion de la santé, à la prévention de la maladie et aux bénéfices conséquents.
Tout le système
Autre déception: le groupe ne s'est intéressé qu'au coût et financement du système public de santé, et non du système dans son ensemble. Toute l'analyse qui en résulte est entachée d'un vice de fond. Ce qui importe, à l'échelle d'une société, c'est le coût total d'un système de santé. La dépense publique et privée constitue la véritable ponction sur notre richesse collective, pas seulement la dépense publique.
Conséquence? L'examen des scénarios de réduction des dépenses publiques de santé est entaché d'un biais systématique lorsqu'il s'agit, par exemple, de réduire le panier des services publics de santé. On ne fait alors que transformer une dépense publique en dépense privée. Ça ne change pas grand-chose au coût total du système de santé. On ne fait alors que balayer cette dépense sous le tapis. Elle est toujours là... moins visible.
Qui plus est, il a été démontré depuis longtemps que le système de financement largement public comme le nôtre est moins coûteux parce que plus simple à opérer. À diversifier les sources de revenus, on y perd. Autoriser le recours à l'assurance privée pour des services déjà couverts par le régime public et ajouter une franchise en fonction de l'utilisation des services et du revenu familial ne viendront que compliquer inutilement le financement de l'ensemble du système, et donc augmenter les coûts.
Pratiques mixtes
Quant aux pratiques mixtes également recommandées, elles ne contribueront qu'à créer une plus grande rareté de ressources professionnelles (médecins, infirmières, etc.) dans le système de santé, entraînant une pression à la hausse sur les rémunérations et les avantages connexes, pour finalement coûter plus cher.
Incidemment, je n'arrive toujours pas à comprendre la logique selon laquelle, au nom de la capacité limitée de l'État à financer les services publics de santé, on propose de transférer sur chaque individu le coût d'une partie de ceux-ci. C'est pourtant du même individu dont on parle, contribuable ou «utilisateur-payeur».
Oui, définitivement, il faut tabler sur la prévention comme stratégie gagnante pour endiguer la pression sur les coûts du système de santé, et ce, au bénéfice de tous. Et pour celles et ceux qui estiment que cette stratégie n'est rentable qu'à moyen et long termes, le Fonds de stabilisation dédié à la santé recommandé par le groupe de travail pourra servir de pont jusqu'au moment où les rendements de cette stratégie seront au rendez-vous.
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Roger Bertrand, Auteur, président du conseil d'administration du GP2S, il a été entre autres vice-président de la commission Rochon et ministre responsable de la Prévention sous le gouvernement de Bernard Landry
Réactions au rapport castonguay
En avoir pour notre argent, dites-vous?
Commission Castonguay
Roger Bertrand1 article
Auteur, président du conseil d'administration du GP2S, il a été entre autres vice-président de la commission Rochon et ministre responsable de la Prévention sous le gouvernement de Bernard Landry
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