Espoir en Libye

Géopolitique — Afrique du Nord


On le saura avec certitude au cours des prochains jours. Mais il se pourrait que, contrairement à leurs voisins de Tunisie ou d'Égypte, les Libyens aient choisi une autre voie que celle de l'islamisme, fut-il modéré, pour engager leur avenir. Hier, même les Frères musulmans, représentés sur la scène électorale par le Parti de la justice et de la construction, concédaient une «nette avance» à l'Alliance des forces nationales, à tendance libérale, du moins à Tripoli et à Benghazi.
Le dévoilement des résultats officiels devrait débuter ce soir ou demain.
Samedi, quelque 60% des électeurs libyens (un peu moins qu'espéré) se sont présentés aux urnes. Il s'agissait de la première élection nationale depuis presque 50 ans et, bien entendu, depuis la chute de Mouammar Kadhafi.
L'inscription sur les listes électorales de plus de 2600 candidats (affiliés ou non à une centaine de formations politiques, incluses ou non sur 374 listes partisanes!) donne une idée de la complexité de l'affaire. La présence d'un fort courant autonomiste en Cyrénaïque, riche en pétrole, est un aspect de cette complexité: plusieurs actes de violence ont accompagné le déroulement des élections.
Quoi qu'il en soit, le Congrès général national ne sera qu'éphémère: dans un an, une autre joute électorale devrait suivre l'adoption d'une nouvelle constitution.
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Chute d'un despote, élections décentes, victoire possible de l'option libérale: la Libye ne représente-t-elle pas aujourd'hui, en particulier à nos yeux, la quintessence des rêves nés du Printemps arabe? D'une certaine façon, oui. D'autant plus que les forces de l'OTAN, incluant les chasseurs canadiens, ont assisté les rebelles libyens selon un plan de match inspiré par la France.
Mais après l'Irak et l'Afghanistan, ceux -dont nous sommes - qui se méfiaient de toute nouvelle intervention occidentale en terre musulmane ne sont pas soulagés de leur perplexité.
Outre qu'on ne connaît pas encore les résultats définitifs du scrutin libyen, il est impossible de deviner comment évolueront les choses dans un pays fragile où l'enchevêtrement des allégeances économiques, politiques, même tribales, est aussi complexe.
D'ailleurs, sans même parler de la tragédie syrienne, l'incertitude ne loge pas qu'en Libye. En Tunisie, malgré le calme relatif qui prévaut depuis le changement de régime, le poids de l'intégrisme, y compris dans sa version violente, n'est pas nul. En Égypte, on n'a pas encore décodé le nouveau jeu d'équilibre entre armée, Frères musulmans, salafistes et forces laïques. Hier, le président nouvellement élu, Mohamed Morsi, a annulé la dissolution du Parlement, ce qui pourrait déplaire fortement aux militaires... La situation actuelle peut-elle tenir?
Le monde arabe est engagé dans des changements profonds, dangereux, incertains. Il vaut mieux demeurer circonspect dans nos prévisions et nos espoirs.


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