Corruption et fraude en Libye: une nouvelle tuile s’abat sur SNC-Lavalin

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Wilson-Raybould a refusé sciemment d'envisager une entente avec SNC

OTTAWA — La directrice des poursuites pénales du Canada a servi un nouveau camouflet à SNC-Lavalin, qui pourrait entraver la bataille judiciaire que mène l’entreprise québécoise pour obtenir un accord de règlement spécial concernant des accusations de corruption en Libye.


Le procureur demande à la Cour d’appel fédérale de radier un élément clé de la contestation de SNC-Lavalin, qui porte en appel un jugement allant à l’encontre de la société.


La firme de génie établie à Montréal fait face à des accusations de corruption et de fraude relativement à des contrats conclus en Libye de 2001 à 2011. Si l’entreprise était reconnue coupable, elle n’aurait plus accès à des contrats du gouvernement canadien pendant dix ans.


L’entreprise avait tenté de demander à la directrice des poursuites pénales de négocier un «accord de poursuite suspendue», sans succès. Ce moyen juridique permet de contraindre une organisation à rendre des comptes pour des actes répréhensibles, sans déclaration de culpabilité officielle.


Dans une décision rendue en mars, un juge a rejeté le plaidoyer de la société qui demandait une révision judiciaire de la décision de 2018.


SNC-Lavalin fait appel de ce jugement, évoquant les récents témoignages de l’ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould et d’autres témoins qui renforceraient ses arguments.


La société affirme que «les faits nouveaux et profondément troublants» qui ont été révélés dans cette saga politique démontrent que les pouvoirs et contre-pouvoirs visant à assurer la reddition de comptes ont été «contournés de manière importante», ce qui équivaut à un «abus de procédure manifeste».


Toutefois, la directrice des poursuites demande à la Cour d’appel d’empêcher SNC-Lavalin de compléter ses arguments initiaux avec de nouvelles informations. Si sa requête est acceptée, cela représenterait un autre revers judiciaire dans la quête de SNC-Lavalin pour conclure un accord de poursuite suspendue.


Une tempête politique


L’entreprise est impliquée dans un scandale politique depuis le mois de février, lorsque le «Globe and Mail» a révélé que le bureau du premier ministre avait fait des pressions sur Mme Wilson-Raybould pour qu’elle s’assure de la conclusion d’un tel accord de réparation. L’ex-ministre avait démissionné quelques jours plus tard.


Mme Wilson-Raybould a déclaré devant un comité de la Chambre des communes qu’elle avait fait l’objet de pressions constantes pour assurer un accord à l’entreprise québécoise. Le premier ministre Justin Trudeau a nié que lui et ses employés aient agi de manière inappropriée.


Le 9 octobre 2018, la directrice des poursuites pénales a officiellement dit à SNC-Lavalin que la négociation d’un accord serait inappropriée dans ce cas-ci, ce qui a incité l’entreprise à demander à la Cour fédérale une ordonnance exigeant des pourparlers.


Dans son jugement du mois de mars, la Cour d’appel avait statué que le pouvoir discrétionnaire du poursuivant n’était pas soumis à une révision judiciaire, sauf dans les cas d’abus de procédure.


Processus «vicié»


Dans son appel, SNC-Lavalin plaide que le processus visant à déterminer si un accord était possible «a été complètement vicié».


L’entreprise a souligné que les témoignages devant le Comité de la justice avaient clairement démontré que, le 4 septembre 2018, la directrice des poursuites Kathleen Roussel avait remis à Mme Wilson-Raybould une note de service qui exposait apparemment le dossier du procureur contre un accord de réparation.


Selon le témoignage de Mme Wilson-Raybould devant le comité, elle avait dit qu’elle s’était fait une idée le 16 septembre et qu’il n’était plus nécessaire d’essayer de la convaincre.


Or, l’entreprise souligne que le dialogue était toujours en cours avec le bureau du procureur.


Au début du mois de septembre 2018, la directrice des poursuites a accepté de recevoir des informations supplémentaires concernant SNC-Lavalin, a indiqué la société. Ses observations ultérieures sont parvenues dans des lettres au procureur les 7 et 17 septembre.


SNC-Lavalin plaide que Mme Wilson-Raybould n’a pas mentionné ces développements et n’en était probablement pas au courant. En conséquence, sa conclusion de ne pas intervenir «reposait sur des informations incomplètes», explique la société.


L’entreprise allègue que Mme Roussel a omis de dire à la ministre qu’elle avait accepté de recevoir des informations supplémentaires de SNC-Lavalin.




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