Et le grand perdant est…

"L'affaire Maxime Bernier"



Maxime Bernier a perdu son prestigieux poste de ministre des Affaires étrangères et son ex-petite amie, Julie Couillard, elle, a perdu quelques nuits de sommeil ces dernières semaines, mais le plus grand perdant de toute cette histoire, ce n’est pas ces deux-là, c’est Stephen Harper.

Le premier ministre a perdu, d’abord, une bonne dose de crédibilité en défendant son ministre jusqu’à la fin, accusant même l’opposition et les médias de jaunisme, pour subitement éjecter son jeune ministre hors du cabinet.
Maxime Bernier était encore ministre des Affaires étrangères du Canada, en pleine possession de ses prérogatives, hier à 16 h 40, quand son ministère a émis un communiqué annonçant la signature d’une entente avec son homologue ukrainien. Environ 90 minutes plus tard, le bureau du premier ministre convoquait les médias à une conférence de presse pour annoncer la « démission » de M. Bernier.
De toute évidence, M. Harper et les membres de son gouvernement auraient peut-être dû considérer la situation avec un peu plus de sérieux il y a quelques semaines déjà, plutôt que répéter avec arrogance qu’ils ne commentaient pas les relations du ministre Bernier avec son ex-blonde. Encore hier midi, M. Harper balayait les questions sur le sujet en disant qu’il ne prenait pas la chose au sérieux.
Remarquez que puisque nous parlons beaucoup d’erreurs de jugement dans toute cette affaire, la première de ces erreurs, encore une fois, est venue de M. Harper lui-même, qui a nommé en août dernier une verte recrue au poste le plus délicat du gouvernement.
Revenons aux événements plus récents. M. Harper sort amoché de l’épisode, non seulement parce qu’il a défendu pendant des semaines un ministre qu’il a ensuite « flushé » en quelques minutes, mais parce qu’on a l’impression qu’il a cherché à noyer le poisson en ne disant pas tout à l’opposition et aux médias.
D’abord, sur la fin de la relation entre M. Bernier et Mme Couillard. Quand on a commencé à poser des questions, la défense du bureau du premier ministre était de dire que M. Bernier et Mme Couillard n’étaient plus ensemble depuis « des mois ». Faux, du moins selon Julie Couillard elle-même, qui a dit hier soir en entrevue à TVA qu’elle voyait encore Maxime Bernier chez elle vers la mi-avril.
Par ailleurs, on nous affirmait au bureau du premier ministre que M. Bernier n’était pas au courant du passé trouble de son amoureuse. Faux aussi, affirme la principale intéressée.
Puis, le premier ministre a tourné en dérision toutes les questions sur cette histoire d’amour en affirmant qu’il s’agissait d’une affaire privée. Pas question, ajoutait-il en réponse aux questions des libéraux et des bloquistes, d’ordonner des enquêtes de sécurité sur les conjointes des ministres. Sauf qu’on apprend maintenant que M. Bernier perd son poste parce qu’il a oublié un document chez Mme Couillard. Faudrait savoir : si Mme Couillard ne représente pas un risque à la sécurité, pourquoi est-ce une faute impardonnable d’avoir laissé un document à sa portée ? Des ministres apportent régulièrement des documents à la maison, ils les y oublient parfois peut-être, mais on ne les force pas à démissionner à chaque fois.
Il est vrai que dans ce cas, le document en question semble être resté chez Mme Couillard pendant quelques semaines et c’est elle-même qui l’a renvoyé au gouvernement puisque son « chum » l’avait plaquée.
Il est vrai aussi que les révélations, égrainées tranquillement comme un chapelet de mauvaises nouvelles dans les médias (lundi, c’était Le Devoir, la semaine dernière, c’était La Presse) ont érodé la patience du premier ministre. Ce genre d’histoire, quand ça commence, c’est comme les Jos-Louis, ça vient généralement par boîte de six ou de 12.
M. Harper a fini par comprendre que cette histoire ne mourrait pas. Elle l’embête déjà depuis trois semaines et elle a même survécu à la pause parlementaire de la semaine dernière. Le premier ministre devait savoir aussi que l’opposition et les médias creusaient d’autres affaires touchant son ministre ou son ex.
Il n’avait donc plus le choix. Sacrifier Maxime Bernier, ça fait mal sur le coup, mais le garder aurait été encore plus douloureux à long terme. La question est plutôt de savoir pourquoi il aura fallu si longtemps au premier ministre pour en arriver à juger la situation avec tout le sérieux qu’elle méritait.
En agissant précipitamment hier après-midi, alors qu’il savait que Julie Couillard allait lâcher sa petite bombe chez TVA, Stephen Harper vient de donner raison à l’opposition qu’il accusait encore hier de sombrer dans le potinage. Le premier ministre n’a-t-il pas posé toutes les questions ? N’a-t-il pas protégé ses arrières ?
Pourtant, il est personnellement intervenu auprès de Maxime Bernier pour lui parler de sa « blonde ». Ce n’était certainement pas pour complimenter ses choix vestimentaires. Connaissant la propension maniaque de M. Harper à tout contrôler, on peut se demander carrément si ce n’est pas lui qui a décidé de mettre fin à la relation entre Maxime Bernier et Julie Couillard.
Celle-ci a-t-elle voulu se venger en déballant son sac ? Chose certaine, on la comprendrait aisément d’avoir une petite crotte sur le cœur… Le fait est que l’on ne sait pas exactement combien de temps elle a gardé le document, ni quand elle a finalement décidé de le remettre à Ottawa.
Elle n’est pas très convaincante dans son rôle de victime des médias, elle qui essayait il y a quelques jours à peine de leur vendre son histoire à fort prix, mais elle a toutefois raison sur un point : son ancien amant manque singulièrement de jugement.
La chute du fils de la Beauce aura donc été aussi spectaculaire que son ascension. En attendant un remaniement qui pourrait venir après l’ajournement à la fin juin, le poids du Québec au sein de ce gouvernement vient de s’amoindrir encore un peu.


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