***Sur la photo ci-haut, Daniel Turp à droite, ex-député du Bloc québécois et stratège souverainiste, remettant à titre de directeur de l’IRAI un rapport «d’experts internationaux» à Carme Forcadell à gauche, présidente du Parlement catalan, le 28 septembre dernier. Le rapport concluait au droit des Catalans à l’autodétermination externe et l’obligation de Madrid de le respecter. Madame Forcadell est actuellement destituée et fait face à des accusations de sédition, risquant jusqu’à 30 ans de prison, démontrant la «légère erreur» dudit rapport «d’experts internationaux.» ***
Voilà! Le référendum a été gagné. Suite à de multiples péripéties vint la déclaration unilatérale d’indépendance. Elle est maintenant signée. Les référendistes des deux côtés de l’Atlantique jubilent à l’excès, ils se frottent les mains, s’applaudissent, s’embrassent et se sourient. Les partis souverainistes québécois ont tous félicité le « 194e État » de la planète, en cœur, unis pour une rare fois, complices. Les Catalans ont réussi. Enfin! Ils ne sont plus les loosers des dernières années. Ils peuvent marcher la tête haute, car, c’est démontré, on peut gagner un référendum.
Subrepticement, un bruit discordant vient perturber ce bonheur, soit celui de la réalité. Étrangement, ce bruit diffère totalement de ce que suppose leur réussite. Où est la pluie de messages de félicitations censés célébrer la naissance du nouvel État? Où sont passées les reconnaissances diplomatiques, les télégrammes des différentes capitales du monde demandant frénétiquement l’ouverture de leur ambassade à Barcelone? Où sont les applaudissements des diplomates félicitant l’entrée de la nouvelle nation dans les différentes organisations internationales, notamment l’Union européenne et l’ONU? Mais surtout, pourquoi donc Carles i Puigdemont a-t-il fui en Belgique, 5 jours à peine après avoir déclaré l’indépendance, pour ensuite se livrer aux autorités royales belges, à la suite de l’émission d’un mandat d’arrêt européen par l’Espagne?
Toujours résonne le même silence de plomb diplomatique, mondial, semblant dire « vous n’existez pas ». Pire, ce calme international précède la tempête de la réaction implacable de Madrid rétablissant son autorité en Catalogne. Elle n’a pas tardé à le faire. Madrid a dissous le Parlement et le gouvernement catalan, a invalidé ses lois, a emprisonné ou frappé d’un mandat d’arrêt ses hauts fonctionnaires, les principaux acteurs politiques et la totalité des ministres (même si l’un d’entre eux a publiquement voté NON à la déclaration d’indépendance), ont pris le contrôle de sa fonction publique, de sa police et de ses finances, et ce pratiquement sans résistance aucune, voire de manière totalement pacifique.
Peu importe. Pour les référendistes, ils ont gagné. C’est la seule chose importante à leurs yeux : gagner un référendum. L’objectif de l’indépendance, lui, est secondaire en l’état. C’est à la réalité de s’adapter à leurs désirs exprimés par un vote, et non l’inverse. Tout autre réalité ne peut pas exister, à leurs yeux.
C’est dans ce contexte totalement surréaliste que le ministre démissionnaire des Entreprises catalanes, Santi Vila, reprocha à ses ex-collègues leur extraordinaire candeur : « Nous avons manqué d’intelligence politique. […] Tous ceux qui, peut-être sans la volonté de duper, mais dans une forme d’autopersuasion, de naïveté, faisaient croire que tout était imminent et prêt […] doivent maintenant s’expliquer. […] C’est certain que j’ai des collègues de gouvernement qui ont fait preuve d’une ingénuité qui surprend à leur âge. » L’on croirait ces déclarations destinées à l’élite indépendantiste québécoise tant elles collent parfaitement aux deux contextes. L’ex-ministre, constatant l’inexistence totale de pragmatisme des référendistes l’entourant, pose encore des questions : « Où est le ministère des Finances qui devait être institué? Où est l’agence de sécurité sociale qui devait être créée? Où est le contrôle du territoire, le contrôle des ports, des aéroports? […] Au-delà de la déclaration d’indépendance, il y a les faits. » L’ex-président de la Generalitat catalane, Artur Mas, abondait exactement dans le même sens à la suite de la victoire référendaire : « Il ne faut pas se demander ‹ comment › se proclame l’indépendance, mais comment la rendre ‹ effective › ».
L’irresponsabilité des référendistes catalans, et par extension l’incurie des référendistes du Québec, est innommable. Comment a-t-on pu croire le plus sérieusement du monde que l’État central (tant l’Espagne que le Canada) serait resté coi devant un simple vote? Non seulement cette candeur décrédibilise totalement les référendistes, mais elle finit par détruire le mouvement qui les porte.
En effet, l’action contre-productive de ces soi-disant « stratèges » et de ces pseudo « experts » a fini par affaiblir tous les indépendantistes pour de très nombreuses années. L’exemple catalan est absolument éclatant. Les indépendantistes y ont perdu le pouvoir sans résistance. Malgré une forte avance de leurs partis dans les intentions de vote actuellement, qui désormais se risquera à représenter cet appui populaire au risque de décennies de prison? Pire, Madrid permettra-t-elle aux indépendantistes de présenter des candidatures aux élections anticipées du 21 décembre prochain? Rappelons seulement ici que les partis indépendantistes ont été interdits au Pays basque espagnol. Bref, ainsi écartée du pouvoir, de manière mécanique, l’idée de l’indépendance de l’État ne peut plus avancer. Au Québec, d’une certaine façon, la situation est parfaitement semblable. Toute la stratégie indépendantiste québécoise est basée sur la répétition de la consultation de 1995 qui, même si elle fut volée, elle a totalement échoué. L’on constate aisément, avec les récents référendums catalan et kurde, qu’un vote affirmatif n’apporte ni l’indépendance ni reconnaissance d’État. Pourquoi maintenir une telle stratégie? L’on constate son impopularité et son inefficacité totales.
La stratégie référendaire porte en son cœur la certitude de l’échec. Elle donne à l’État central, dans la plus totale quiétude, tout le temps nécessaire pour asseoir l’effectivité de son contrôle de tous les leviers de l’État, en déployant son dispositif financier et légal, qui neutralisera les indépendantistes pour toujours. Les indépendantistes, eux, dévoilent d’avance, publiquement, leurs stratégies, leurs tactiques et leurs agendas. Cette transparence est nuisible et trouve sa source dans la très haute estime qu’ils ont d’eux-mêmes, tels des chevaliers combattant des géants. Pourtant, à l’image de l’œuvre de Miguel de Cervantes Saavedra, ils ne sont que Don Quichotte ergotant devant des moulins à vent.
Voilà le symptôme le plus flagrant de cette forme particulière d’autisme qu’est le référendisme : la réalité n’a pas la moindre importance. Malgré la Catalogne, malgré le Kurdistan, malgré tous les autres échecs de référendums gagnés par le passé (notamment celui de 68 % favorisant l’indépendance de l’Australie occidentale, dans un contexte constitutionnel presque identique au nôtre…) les référendistes maintiendront leur « stratégie » coûte que coûte. Les référendistes s’échinent déjà à trouver une énième raison pour maintenir ce faux objectif qui détourne les indépendantistes de leur véritable but. Mais peu contesteront l’intention derrière cette logique délétère. Car c’est ainsi que l’on cherche à réaliser l’indépendance au pays des licornes.
Sasha-A. Gauthier
Indépendantiste, ex-attaché politique au PQ et au Bloc
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2 commentaires
Yves Corbeil Répondre
20 novembre 2017Bien voyons M.Desgagné vous ne croyez pas que la France avec son étapisme mur à mur c'est tiré dans le peid et qu'ils sont au bord de la faillite. De plus je suis indépendantite depuis que j"ai l'âge de voter et aujourd'hui je ne vois PERSONNE au Québec pour prendre en charge la république qu'on espère, personne. À qui vous en remettez-vous pour continuer à rêver au pays, aider moi car je ne vois plus de lumière dans le tunnel, il n'y a même plus de tunnel en faîtes.
Bernard Desgagné Répondre
20 novembre 2017Le référendum doit faire partie de la stratégie d'accession à l'indépendance, mais ne doit pas en être le seul élément. Certains indépendantistes vivent bel et bien au pays des licornes en ne voyant pas plus loin que la consultation populaire. Néanmoins, ceux qui croient pouvoir se passer totalement d'un référendum me semblent également déconnectés de la réalité. Sans légitimité populaire, le gouvernement de la nouvelle République du Québec serait en position de faiblesse devant ceux qui ne manqueraient pas de l'attaquer et qui refuseraient de respecter les frontières du nouvel État québécois souverain. En revanche, la légitimité populaire seule, sans stratégie claire d'accession effective à la souveraineté, ne mène pas loin comme l'aventure catalane le démontre.
Bref, il faut que, lorsque la République du Québec dira à Ottawa de sortir de son territoire et qu'elle enverra son armée et sa police prendre possession des endroits stratégiques, l'adversaire ne puisse pas s'y opposer sans risquer des pertes importantes et sans devoir affronter la désapprobation de la communauté internationale, qui invoquera à la fois la légitimité et l'effectivité pour justifier la reconnaissance de la souveraineté du Québec.
Soit dit en passant, la France demeure la seule puissance pour laquelle la reconnaissance rapide de la souveraineté du Québec pourrait être vraiment avantageuse. Tout dépendrait des paramètres du moment, mais la France serait le meilleur atout du Québec à l'étranger, à condition de voir à son affaire. Il y aurait de bonnes chances qu'aux yeux de la France, il puisse valoir la peine de se mettre à dos certains autres pays ou de s'exposer au danger de sécession en son sein, car pouvoir compter sur un solide allié francophone nord-américain qui contrôlerait la voie d'accès maritime vers l'intérieur du continent présenterait de gros avantages à moyen et long terme.
Ceux qui rêvent de voir la Russie ou la Chine applaudir une déclaration d'indépendance du Québec rêvent en couleur. Toutefois, si la France fait le premier geste, d'autres pays emboiteront le pas. Les États-Unis y verront même un motif pour ne pas s'opposer outre mesure à la naissance d'un nouvel État nord-américain, car ils ne pourront pas se permettre de se mettre à dos un autre membre du Conseil de sécurité. Ils sont déjà assez mal pris comme ça avec leur monnaie de singe qui bat de l'aile.
Il est donc à souhaiter que le gouvernement français actuel et ses successeurs sachent tirer parti de la multipolarité et de la fin de l'ordre mondial issu de l'effondrement de l'URSS pour redonner à la France l'autonomie qu'elle avait à l'époque de De Gaulle. Il est grand temps que la France cesse d'être une marionnette de Washington.
En terminant, je voudrais mettre en garde mes camarades contre la propagande insidieuse qui les rend myopes. Le Kurdistan n'est pas une nation, et M. Barzani n'est rien d'autre qu'un dictateur et un chef de guerre. Les combattants kurdes sont armés, formés et appuyés par Washington, Ottawa et d'autres chancelleries occidentales pour foutre le bordel au Moyen-Orient. Les Kurdes eux-mêmes, peuple nomade dispersé sur les territoires de quatre États, sont très divisés, et le référendum truqué de Barzani n'avait rien de légitime. Il n'aurait jamais conduit à une souveraineté effective. Même ses amis de Washington lui avaient conseillé de ne pas le tenir, sachant pertinemment que quatre armées puissantes de la région neutraliseraient tout de suite les velléités kurdes. Dans un accès de délire, Barzani s'imaginait peut-être forcer la main de ses alliés pour qu'ils affrontent la Turquie, la Syrie, l'Irak, l'Iran, le Liban et la Russie sur le terrain, ce qui aurait immédiatement signifié le retour en cercueil de beaucoup de soldats chez les aventuriers éventuels aux économies chancelantes. Les parangons de démocratie ont un bien grand coeur lorsqu'il s'agit de sacrifier les enfants des autres, mais les cercueils recouverts d'un drapeau sont de moins en moins populaires parmi les électorats, de nos jours.
Le Québec, la Catalogne et l'Écosse n'ont rien à voir avec le Kurdibarzanistan, pour ne pas dire le Kurdibananistan. Ne mélangeons pas les pommes et les oranges et sachons douter sainement de l'information qui nous est transmise par toutes sortes de manipulateurs, y compris les nouveaux amis du souriant Roger Bontemps du PQ, Stéphane Bergeron. BHL et Kouchner ne ratent jamais une occasion de se mettre en scène et de faire leur cinéma avec des terroristes qu'ils présentent comme de valeureux combattants de la liberté. Rappelons-nous BHL avec les djihadistes en Libye et Kouchner avec ses amis du FPR au Rwanda. Les histoires à dormir debout ne valent pas mieux que les légendes du pays des licornes.