Des documents comme monnaie d'échange?

Julie Couillard a fait miroiter aux médias une preuve que le ministre avait été négligent

"L'affaire Maxime Bernier"

Ottawa -- L'affaire Bernier ne s'essouffle pas. Tandis que les partis d'opposition à Ottawa se demandent si l'ex-conjointe du ministre déchu, Julie Couillard, avait un passeport diplomatique et que celle-ci accorde une nouvelle entrevue au magazine 7 Jours, des doutes émergent quant à l'utilisation qu'elle voulait faire des documents oubliés chez elle.
Le réseau CBC révélait mercredi soir que Julie Couillard s'est présentée à l'entrevue accordée au réseau TVA avec en sa possession les fameux documents secrets oubliés à son domicile par son ex-conjoint, Maxime Bernier. À la vue de ce cartable destiné à des yeux autres, un avocat aurait été appelé pour les retourner immédiatement au ministère des Affaires étrangères, rapporte la télévision publique anglaise.
Le réseau TVA réfute totalement cette thèse. «Elle n'avait pas de documents à l'entrevue», insiste la porte-parole du réseau, Nicole Tardif. Le plus grand silence prévalait à TVA hier, la consigne étant de ne pas révéler qui était présent à cette entrevue enregistrée dimanche dernier. L'entretien, réalisé en français et en anglais, s'est déroulé dans un hôtel de Montréal.
Mme Couillard avait tenté de vendre au média le plus offrant son histoire. Aux journalistes qu'elle a contactés pour connaître le prix qu'elle pourrait tirer de son aventure, elle a fait miroiter une preuve démontrant que le ministre avait été négligent.
L'entrevue accordée au magazine 7 Jours, qui comme le réseau TVA fait partie de l'empire Quebecor, révèle davantage de détails personnels de la vie de Julie Couillard. Elle raconte ses relations amoureuses précédentes, dont celles avec Gilles Giguère, une relation d'affaires de Maurice «Mom» Boucher, et Stéphane Sirois, un membre en règle des Rockers.
Elle dit avoir demandé le divorce à ce dernier dès leur retour de leur voyage de noces. «J'ai appris que sa situation était assez précaire sur le plan financier. [...] Il était tout le temps dépressif, il prenait des pilules et menaçait de se suicider. J'ai compris que je m'étais fait arnaquer: il savait que j'étais une femme d'affaires, que j'avais des sous que j'avais durement gagnés.»
Ce thème de l'argent revient souvent dans son entrevue. «Moi, je gagne ma vie, alors je n'allais pas passer mes semaines à Ottawa! Et il n'était pas question que Maxime paye mes affaires non plus.» Quand la journaliste lui demande si cela prouve qu'elle ne fréquentait pas un ministre pour les avantages financiers qui accompagnent ce statut, Mme Couillard le confirme. «Tout le monde le sait: un ministre gagne 250 000 $ par année. Il reste quoi au net? 125 000 $? 130 000 $? Je suis constamment avec des hommes d'affaires qui gagnent beaucoup de sous. Un ministre, ça n'a pas d'argent.»
Julie Couillard dit que sa mésaventure a nui à son entreprise Itek Solutions globales. Cette entreprise de sécurité, dont Le Devoir révélait l'existence lundi, aurait obtenu un contrat de sécurité municipale en 2005. Depuis, l'entreprise se serait recyclée dans la consultation en développement des affaires, précise l'article.
Mme Couillard s'est intéressée aux questions de sécurité au contact d'un précédent conjoint, Robert Pépin. «Il avait une compagnie de sécurité avec son père, un ex-policier. Robert m'a offert de devenir associée avec son père et lui. Je devais promouvoir les services de la compagnie, trouver de nouveaux clients tout en gérant les équipes d'installation. Un grand ami du père de Robert avait des contacts dans l'ACSTA [l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien]. Il fallait remplir des formulaires, donner des renseignements. Il faut croire que nous avons passé tous les tests, car nous avons pu assister à notre rendez-nous et entrer dans l'édifice de l'ACSTA qui gère la sécurité de nos aéroports. Ils ont enquêté sur mon passé, mais ils n'ont rien vu.»
Mme Couillard précise qu'elle a rencontré pour la première fois M. Bernier, alors ministre de l'Industrie, à la fin d'avril 2007.
Un passeport tout-aller?
À la Chambre des communes hier, le Bloc québécois a demandé si Mme Couillard, qui s'était fait inscrire comme la conjointe officielle du ministre aux fins de voyages, avait reçu un passeport diplomatique (rouge) ou un passeport spécial (vert). De tels passeports permettent aux voyageurs de passer plus rapidement les contrôles douaniers, des contrôles par ailleurs souvent plus sommaires.
Le chef Gilles Duceppe a expliqué qu'un tel détail est «important» «parce que ça veut dire qu'il y a enquête. Alors, s'il y a enquête, on vérifie sur une période de quelques années qui est cette personne. On ne peut pas prétendre par la suite qu'on ne savait pas [son passé].»
Le gouvernement a refusé de répondre à cette question en invoquant le droit à la vie privée de Mme Couillard. Les passeports diplomatiques sont la propriété du gouvernement. Généralement, un détenteur doit le remettre au gouvernement après chaque utilisation.
Pour les libéraux, c'est la chronologie des événements telle que relatée par M. Bernier qui ne concorde pas. Dans sa lettre de démission fournie lundi soir, M. Bernier a écrit au premier ministre qu'il l'a informé lundi après-midi qu'il avait su la veille avoir égaré des documents secrets. Or, dans sa déclaration diffusée mercredi, il affirme qu'il a offert au premier ministre sa démission «aussitôt» qu'il s'est rendu compte de la possible brèche dans la sécurité. Les libéraux veulent savoir laquelle de ces deux versions est vraie.
Ce détail est important à leurs yeux pour deux raisons: d'abord parce que lundi midi, lorsque interrogé à propos de Julie Couillard, M. Harper a déclaré ne pas prendre le sujet au «sérieux», ensuite parce que des médias ont cité des amis de M. Bernier selon lesquels la décision de démettre le ministre de ses fonctions a été prise uniquement lorsqu'il a été jugé que l'entrevue de Mme Couillard accordée au réseau de TVA serait dommageable pour l'image du gouvernement.


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