Pierre Falardeau (1946-2009)

Et pour la suite…

… le rêve nous appartient.

Pierre Falardeau : 1946-2009

Il fallait bien qu'il nous quitte un jour, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit si tôt…
Pierre Falardeau, le cinéaste, l'essayiste, la grande-gueule tendre, l'amant de son pays, Falardeau est parti jouer à Orphée de l'autre côté du grand fleuve. Je le savais malade, mais pas à ce point…
Hier déjà, les commentaires fusaient de toutes parts sur Internet (à la télé aussi, j'imagine), et, prenant le temps d'en lire quelques-uns, j'ai souri en imaginant les réactions de Falardeau, un peu gêné, intimidé par toute cette notoriété!
Pour certains, Pierre Falardeau n'était qu'un gueulard désagréable et impertinent. Selon ces gens, son départ est un «bon débarras», écrivent-ils en croyant lui rendre la monnaie de sa pièce, lui qui avait chahuté les dithyrambes offerts à Claude Ryan en pareille circonstances.
Mais Falardeau était aussi un humaniste, un cinéaste lucide et perspicace, un essayiste malicieux et vif, à la prose bien plus complexe que le laissaient paraître ses coups de gueule et ses emportements. Les Québécois scolarisés ont certainement déjà lu de ses essais; je m'étonne que tous n'y aient pas vu les différents degrés de lecture, la richesse du propos.
Falardeau, c'était de l'érudition enveloppée dans du papier d'émeri, de la tendresse qui s'indigne devant la médiocrité de ceux qu'on aime. Ses pourfendeurs ont raison de dire qu'il était désagréable; personne n'aime se faire rappeler ses faiblesses, ses erreurs, ni même les iniquités dont il est victime, surtout s'il les accepte sans broncher. En ce sens, Falardeau était insupportable, parce qu'il savait dénoncer notre mollesse. Mais au-delà de nos faiblesses, rien ne le faisait sortir de ses gonds plus que la trahison. Falardeau ne méprisait pas les anglophones, les fédéralistes sincères ou ignorants, les nationalistes canadiens; il stigmatisait plutôt les traîtres, ceux qui acceptent de servir le colonialisme canadien par intérêt personnel, parce qu'ils en retirent de l'argent, de la notoriété, du renom, parce qu'ils échangent leur support au fédéralisme contre des contrats, du trafic d'influence, un poste au sénat ou au conseil d'administration de Radio-Canada, de Gesca, de Power Corporation. Ceux-là s'attiraient ses foudres et son mépris.
Jamais Falardeau ne piloriait les pauvres, les ignorants, les simples impuissants qui courbent l'échine sous la pression de la classe dirigeante. Au contraire, c'est pour eux qu'il voulait que le peuple se redresse et se batte.
Ne pas voir la pertinence du discours d'un Pierre Falardeau, c'est s'arrêter aux éraflures et à l'enflure verbale, c'est se limiter à une seule dimension. C'est dommage, triste et petit.
Je n'étais pas toujours d'accord avec lui, j'ai eu la chance de lui dire en pleine face, comme il aimait que les choses se fassent. Aujourd'hui, tout cela est du passé…
Salut vieux crisse. Tu n'auras pas vu ton pays, debout, marcher sur les routes de sa destinée, mais tu y as tant rêvé que ton énergie est passée au cœur de plus jeunes que toi, et le rêve vit encore. Le Québec ne conquerra pas son indépendance pour toi, il le fera pour lui-même.
David


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