Exaucer André Pratte

Chronique de Patrice Boileau


Dans son article du [mercredi 11 octobre dernier->2289], l'éditorialiste en chef du journal La Presse, André Pratte, y est allé d'une autre analyse partisane pour expliquer la récente décision d'André Boisclair de se distancer du programme adopté par les militants péquistes en juin 2005.
L'homme n'en est pas à ses premières fabulations lorsque qu'il examine les agissements du camp souverainiste. Certains de ses textes accumulent les débordements : cela frise le fanatisme. C'est à se demander si monsieur Pratte ne s'est pas rendu en Corée du Nord pour polir son art de tromper les masses...
Le laquais d'Ottawa pense donc que le chef du Parti québécois tente de camoufler l'article 1 de son programme parce que l'appui à l'option indépendantiste battrait de l'aile. Seuls les « convaincus » porteraient le projet souverainiste à bout de bras. Ainsi, le député de Pointe-aux-Trembles préfèrerait d'abord et avant tout offrir à la population un « bon gouvernement. » Exit en conséquence la promesse de tenir « le plus tôt possible dans le prochain mandat » un référendum sur la souveraineté.
André Pratte a raison d'accuser André Boisclair de manquer de transparence envers les Québécois. Par contre, le boy du Canada anglais confond ses rêves avec la réalité en affirmant que le recul du leader péquiste est le fruit du désir des Québécois de demeurer sous tutelle fédérale. André Boisclair boude soudainement le programme politique de sa formation parce qu'il craint le prochain référendum qui sera le dernier. Les Québécois partagent cette peur, appréhension qui s'amplifie évidemment à l'approche du prochain rendez-vous électoral. Comment vaincre en effet un adversaire qui dispose de moyens financiers, politiques et médiatiques illimités dans un affrontement sans lendemain?
Pas de danger que le valet d'Ottawa admette que la campagne référendaire de 1995 fut torpillée par de multiples actions frauduleuses perpétrées par le gouvernement canadien. Il est faux de dire que le camp du OUI a remporté la victoire avec 52% des suffrages exprimés. Le DGE divague lorsqu'il affirme avoir dénombré environ 150 000 votes illégaux. L'État canadien n'a pas mal agi en délivrant à hue et à dia des dizaines de milliers de certificats de nationalité canadienne comme on distribue des bonbons aux enfants à l'Halloween, afin de gonfler ses appuis...
La vérité est que les Québécois ont tranché en leur faveur il y a environ dix ans et ont voulu passer à autre chose. André Pratte n'avouera jamais que l'impasse politique qui affaiblie présentement le Québec est le résultat de cette immense fraude. Doit-on tenir rigueur aux souverainistes de vouloir corriger l'injustice dont ils furent victimes?
Le steward des dirigeants canadiens n'éprouve aucune honte à soutenir ceux qui ont violé les règles démocratiques lors du second référendum. À preuve : il travaille déjà à convaincre les Québécois que la règle universelle du 50% + 1 vote, norme employée lors des deux précédentes consultations populaires, n'est plus valable pour autoriser le Québec de faire l'indépendance. Dieu merci, cet intégriste fédéraliste n'aura jamais le plaisir de voir cette autre astuce antidémocratique se réaliser : même des membres du gouvernement de Jean Charest s'y objecteraient férocement. Il y a des limites à vouloir nuire aux siens.
André Pratte souhaite plus de transparence de la part du chef du Parti québécois et de l'ensemble des souverainistes. Il voudrait connaître ce qu'offrent les péquistes aux Québécois, si ceux-ci les appuient. À cette dernière requête j'aimerais ajouter ma voix à la sienne. Je désire également, comme lui, que l'enjeu du prochain scrutin soit clair. Avec le retour des libéraux de Jean Charest au pouvoir, tous savent qu'ils subiront encore le même système fédéral : c'est Ottawa qui continuera de tenir la valve qui règle le débit du soluté fiscal qui nourrit au compte-gouttes le Québec. Nous savons d'où proviendront les décisions. Qu'attendent les péquistes pour se rendre au vœu de l'éditorialiste en chef du journal La Presse? Ils doivent donner aux Québécois le choix de choisir la souveraineté, par voie élective, à la majorité absolue des votes.
Il faut déjouer le piège du gouvernement fédéral. Après avoir volé le résultat positif du référendum de 1995, Ottawa attend en effet impatiemment l'annonce du troisième référendum qu'il proclamera être le dernier, afin de terrifier les Québécois pour qu'ils y renoncent à jamais. Nous ne méritons pas d'affronter cet odieux traquenard. Le PQ doit recourir à la voie élective de manière à éliminer le danger que comporte dorénavant la démarche référendaire; soit d'aboutir à un cul-de-sac politique catastrophique. Une fois ce péril vaincu, les appuis à la souveraineté remonteront à coup sûr. Ainsi, à chaque scrutin, le Parti québécois proposera son option qu'il juge être la meilleure pour assurer l'avenir de la seule nation francophone d'Amérique du Nord, une nation en danger de mort puisque reléguée au rang de minorité dans une fédération anglophone.
Certes, en agissant ainsi, les libéraux formeront probablement le prochain gouvernement. Une commotion générale alimentée par les médias fédéralistes aura secoué les nationalistes mous. L'effet ne pourra pas cependant perdurer. La population aura quatre années pour digérer le nouveau mode d'accession à la souveraineté préconisé par les souverainistes. Ainsi, il sera bien difficile à tous les André Pratte de ce monde de parvenir à susciter l'indignation des gens de manière à ce qu'ils boudent systématiquement, à chaque scrutin, le ou les partis qui leur proposeront autre chose. Le gros bon sens finira par triompher : les Québécois apprécieront la souplesse de cette autre façon de procéder, sa légitimité suite aux bassesses d'Ottawa en 1995, et la transparence des souverainistes.
Le fédéralisme canadien empêche le Québec de s'épanouir pleinement parce qu'il met de l'avant des mesures contraires aux valeurs et aux choix des gens qui l'habitent. Cette vérité n'a jamais été aussi vérifiable depuis 1995. Rien ne va changer dans ce pays de manière à satisfaire les aspirations de la nation québécoise. Michael Ignatieff l'a encore prouvé dernièrement : sa déclaration au sujet des attaques israéliennes au Liban à l'émission « Tout le monde en parle » de Radio-Canada a certes satisfait l'auditoire francophone. Mais la réaction fut tout autre au Canada... L'Histoire démontre qu'on ne peut forcer deux peuples à vivre ensemble en leur imposant les mêmes choix politiques. Le plus nombreux des deux parvient toujours à s'imposer. André Pratte y voit là le progrès. Cela se nomme plutôt l'assimilation. À la demande de monsieur Pratte, il serait intéressant, à partir du prochain scrutin, de demander aux Québécois ce qu'ils en pensent...


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1 commentaire

  • Luc Bertrand Répondre

    20 octobre 2006

    Effectivement, monsieur Boileau, que le peuple québécois le veuille ou non, le Canada anglais, par le genre de gouvernement fédéral que la haute finance de Bay Street a contribué à élire en 1993 et par les bassesses commises par les adversaires de la souveraineté du Québec, a déclaré la guerre au Québec au soir du 30 octobre 1995. Jean Chrétien, pour se faire pardonner d'avoir sous-estimé la force du mouvement souverainiste, n'a pas pris de chance et n'a pas perdu de temps pour agir, comme l'a laissé transpirer le scandale des commandites et l'affaire d'Option Canada. Paul Martin n'a rien fait pour se gagner le Québec lorsqu'il est finalement devenu chef du Parti Libéral du Canada. N'eut été de l'illusion entretenue par Stephen Harper de régler le déséquilibre fiscal et de nettoyer les moeurs politiques d'Ottawa, le Parti Libéral aurait encore formé le gouvernement en dépit de son absence d'appuis au Québec, hormis les comtés rhodésiens du West-Island et de l'Outaouais. Et même s'il aurait, tôt ou tard, été remplacé par le futur chef du PLC (Michael Ignatieff, Bob Rae, Gerald Kennedy ou Stéphane Dion), aucun de ceux-ci ne cherchera à régler pour de bon le problème du partage des pouvoirs dans un sens qui réponde aux besoins du Québec. Et, maintenant que le gouvernement Harper nous dévoile, jour après jour, son véritable visage et sa manière de concevoir le Canada, il est évident que la menace d'affaiblissement du Québec est toujours présente.
    Dans un contexte aussi hostile et malveillant, il convient légitimement de revoir sa stratégie. Le référendum est reconnu pour être le moyen démocratique par excellence pour laisser la population s'exprimer lorsqu'il y a respect mutuel des parties. Cependant, lorsqu'aucun parti politique fédéral refuse de rappeler une loi aussi méprisante envers l'Assemblée nationale du Québec que la loi C-20 et qu'il abuse systématiquement de son autorité pour contester les lois démocratiquement adoptées au Québec, il est évident que le Parti Québécois se doit d'adopter une autre approche, à plus forte raison quand ce même Canada n'a pas daigné lui-même faire adopter ses constitutions de 1867 et de 1982 par référendum.
    Même avec les manoeuvres frauduleuses du camp du NON en 1995, le Québec aurait été souverain depuis 11 ans aujourd'hui s'il avait adopté l'élection comme mode d'accès à l'indépendance puisque pas moins de 80 comtés sur 125 ont signifié leur volonté de confier tous les pouvoirs de l'État à l'Assemblée nationale. On pourrait arguer que la question ne portait pas clairement sur la volonté de ne plus faire partie du Canada et il est probable qu'une majorité moins forte se serait dégagée. Par contre, le PQ y aurait gagné en clarté et en respect du verdict.
    Pour en arriver à utiliser une telle stratégie, la population doit connaître clairement la portée de son vote, et ce AVANT l'élection. Bien sûr, il est impossible de prédire le dénouement des négociations et d'anticiper quel genre de gouvernement il conviendra d'avoir après la nécessaire période de transition, c'est pourquoi il importe que le PQ présente à tout le moins une ébauche du projet de société qu'il entend promouvoir une fois le pays reconnu par la communauté internationale. C'est la signification de la "constitution provisoire". Après une victoire du Parti Québécois lors d'une telle élection portant sur la souveraineté, la population aura signifié sa volonté de voir le Québec assumer les responsabilités d'un pays indépendant, donc qu'elle affirme également son désir de voir le gouvernement d'Ottawa renoncer à ses pouvoirs spécifiques. En attendant que se complète le transfert des juridictions, le partage des actifs et de la dette et la question de la monnaie, la société civile doit être conviée à la rédaction d'une constitution permanente, en dehors des considérations partisanes des partis politiques. C'est une fois que cette constitution aura été entérinée par la population suite à un référendum que l'Assemblée nationale pourra proclamer la souveraineté comme effective. Sinon, une nouvelle constitution devra être présentée. Refuser de solliciter un appui clair de la population à un tel projet ne peut que transformer cette élection qu'en un exercice futile et stérile.
    Dans le cas d'une défaite électorale, le Québec continuerait à être une province du Canada, mais affaiblirait davantage son pouvoir de négociation si un éventuel gouvernement fédéraliste souhaitait signer la constitution canadienne. Le Parti Québécois devrait revenir à la promotion de la souveraineté en espérant que la population réalise son erreur et ne voit pas disparaître la possibilité de se prononcer à nouveau sur son indépendance politique.
    Le Canada n'a aucune leçon de démocratie à nous donner. J'ai d'ailleurs bien aimé votre phrase dans le dernier paragraphe qui disait que lorsque deux peuples sont contraints de vivre ensemble, c'est le plus nombreux qui impose ses prérogatives. En fait, l'histoire du Canada nous montre que même lorsque les Canadiens-Français étaient plus nombreux que les anglophones (Acte de Québec de 1763, Acte Constitutionnel de 1791, Acte d'Union de 1840), le gouvernement colonial anglais trouvait moyen de donner le pouvoir réel à la minorité anglophone. Après ça, Stéphane Dion va nous faire croire sans rire que c'est grâce au Canada et sa Cour Suprême que nous parlons encore français?