(Nicolet) Djemila Benhabib a effectué mercredi matin une visite au Musée des religions du monde de Nicolet en compagnie d'une dizaine de ses amis. Au terme de sa visite de l'exposition, l'écrivaine maintenait l'opinion émise quelques jours auparavant. L'exposition l'a même confortée dans son point de vue.
«L'exposition est pire que ce que je m'imaginais. Je ne pensais pas qu'elle était d'un ridicule aussi grand», a-t-elle notamment déclaré.
Elle a qualifié l'exposition Et voilà! Le voile musulman dévoilé de grossièreté épouvantable à cause de sa superficialité. À certains moments au cours de la visite, l'écrivaine a cependant avoué avoir été émue.
«Oui, j'ai eu les larmes aux yeux. Je n'ai pas pu ne pas penser à toutes ces femmes qui sont tuées simplement parce qu'elles ont refusé de porter le voile. Je me sens blessée en voyant cette exposition. Je ne vois pas pourquoi on parle de filles qui sont heureuses de le porter alors que d'autres subissent des sévices si elles le refusent. Ce sont ces dernières qui m'intéressent et c'est à elles que les médias devraient s'intéresser pas à celles qui n'ont pas de problèmes avec ça.»
«Il faut rappeler que le voile n'est pas une prescription religieuse mais bien un outil au service de l'Islam politique et cette exposition en fait le marketing. Au niveau religieux, il appartient à chacun de l'interpréter à sa façon mais pourquoi ne nous montre-t-on pas les différentes réalités liées au port du voile? Quelle valeur scientifique l'exposition a-t-elle? Qui sont-elles, ces trente femmes qui témoignent? Comment peut-on extrapoler, généraliser et expliquer une situation donnée à partir d'un si maigre échantillonnage? C'est aberrant. C'est de l'enfantillage.»
«Quels préjugés?»
Questionnée à savoir si cette exposition n'avait pas le mérite de briser certains préjugés fréquemment véhiculés sur le port du voile en montrant des femmes heureuses de le porter, Mme Benhabib a répondu par la négative.
«Quels préjugés? Moi, j'analyse le monde avec lucidité et réalisme: je n'ai pas de préjugés. Si le préjugé dont vous parlez, c'est de croire que le voile est une prison, ce n'est pas un préjugé: le voile islamique est une prison imposée aux femmes. Ce sont des personnes qui ne peuvent pas s'imaginer libres. Comme les esclaves aux États-Unis ne pouvaient pas s'imaginer libres; ils ne pouvaient pas se voir autrement que comme les esclaves de leurs maîtres. Maintenant, si on veut faire une exposition sur l'aliénation, faisons-la, mais disons les choses clairement. Ne faisons pas croire que le voile peut être émancipateur pour les femmes. C'est une notion grossière.»
«Ce n'est pas du tout la place pour comprendre le port du voile. Pour cela, il faut avoir un minimum de sensibilité envers les femmes. Personne ne me fera croire qu'il peut être agréable à porter. On pense nous en passer une petite vite en nous montrant de belles jeunes filles avec des plumes et des fleurs: ce n'est pas parce que c'est beau que c'est bien. Où sont les filles Shafia dans cette exposition? J'ai des amies partout dans le monde arabe et dans le monde musulman et nous nous battons pour l'égalité. Cette exposition, c'est une claque pour nous.»
Jean-François Royal
Jean-François Royal, directeur du musée, était absent lors de la visite de Mme Benhabib, mais a pu prendre connaissance de ses commentaires.
«Je maintiens ce que je dis depuis le début à savoir que l'exposition est là pour aider à la réflexion et faire avancer le débat sur la question du voile. Ce n'est pas en refusant de parler du port du voile islamique qu'on va aider le combat de ces femmes dans certains pays du monde et de celui de certaines femmes ici également.»
«Je ne pense pas que j'ai une exposition rose bonbon mais on a pris le parti de parler d'un autre aspect de la question qui est rarement abordé. On parle du choix religieux personnel parce que je pense qu'il existe. Par ailleurs, Mme Benhabib a parfaitement droit à son opinion et c'est sain qu'elle l'exprime. Cela dit, je déplore un peu le ton qui est employé par certaines personnes qui décrient l'exposition allant jusqu'à nous traiter de «caves» dans le livre des commentaires de l'exposition. Je ne veux pas embarquer dans un échange d'insultes stérile.»
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé