Grand Remplacement. Le Portugal est-il toujours un pays préservé ?

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Une comparaison instructive

Entretien avec Pierre Antunes réalisé par Nicolas Reilhac ♦ Qu’en est-il aujourd’hui de l’exception portugaise vis-à-vis du Grand Remplacement ? Polémia a publié en 2019 et en 2021 des textes sur l’immigration au Portugal et l’exception portugaise vis-à-vis du Grand Remplacement. Le constat était à l’époque largement positif. Cependant quelques inquiétudes commençaient à percer. Au cours de l’entretien ci-dessous, que Nicolas Reilhac a réalisé pour le compte de Polémia avec le Portugais Pierre Antunes, ce dernier a insisté sur le fait que, s’il n’y a toujours pas de submersion migratoire au Portugal, ce pays se trouve aujourd’hui dans la même situation que la France au début des années 90. Le Grand Remplacement pourrait donc bien avoir lieu prochainement au Portugal si rien ne change.

Polémia


« Les choses sont en train de changer défavorablement »


Polémia : Pierre, dans plusieurs articles datés de 2019, il a été dit que le Portugal était un des rares pays européens épargnés par le Grand Remplacement. Est-ce toujours vrai ?


Pierre Antunes : C’est, d’une manière générale, encore vrai, mais les choses sont en train de changer défavorablement depuis 2019.


C’est le résultat d’un amollissement de la politique d’immigration. La responsabilité du pouvoir socialiste apparaît entière. L’économie portugaise se trouve à bout de souffle. La dénatalité prend un tour tragique. Il s’y ajoute une émigration qui fut historiquement plus massive mais qui pèse encore lourdement sur notre démographie. Le Portugal est devenu un pays dramatiquement vieux. Or, les pouvoirs publics ne prennent pas de mesures pour relancer la natalité et contrôler l’immigration causée par des salaires trop bas, des taux d’imposition et un coût du logement frustrants. Ils préfèrent attirer des étrangers venant d’Afrique.


À cela s’ajoutent l’idéologie des partis d’extrême gauche favorable à l’arrivée de migrants des gens au pouvoir à Lisbonne et la pression immigrationniste de Bruxelles.



Polémia : Comment cela se traduit-il du point de vue de l’application de la législation et des règles administratives ?


Pierre Antunes : L’application des règles législatives et administratives est devenue beaucoup plus souple et permissive et, ainsi, plus favorable à l’intrusion migratoire.


Les délais du processus d’autorisation de résidence et de travail ont été raccourcis. Le nombre de dossiers en attente qui était de 100 000 dossiers en 2019 a fondu considérablement.


Les expulsions qui étaient appliquées avec rigueur par le SEF (Service des étrangers et des frontières) ne peuvent plus être appliquées comme auparavant car considérées par la gauche radicale comme trop dures. D’une manière significative, la suppression de cet organisme administratif est envisagée.


Les aides sociales sont accordées plus facilement qu’il y a quatre ans, notamment du point de vue du logement. Il n’en demeure pas moins que ces aides sociales sont particulièrement faibles. Les pompes aspirantes sont très loin de fonctionner comme chez vous en France ce qui explique que beaucoup de réfugiés ne font que passer à travers notre pays.


Une situation encore tenable ?


Polémia : Quel a été le volume des flux d’immigration en 2022 au Portugal ? Est-ce en progression ?


Pierre Antunes : Oui, c’est le résultat de la politique d’ouverture menée depuis plusieurs années. Cependant, si c’est réellement préoccupant, ce n’est pas encore un tsunami humain.


En 2021, il y avait eu 97 000 personnes qui avaient émigré au Portugal, et 67 000 en 2020. Le SEF a émis en 2022 113 000 titres. C’est donc en progression.


Selon l’INE (Instituto Nacional de Estatística), les dix dernières années les nationalités les plus représentées au Portugal ont changé : le Portugal a reçu un grand nombre d’étrangers asiatiques et européens, et le pourcentage de membres des anciennes colonies a diminué en pourcentage (pas en nombre absolu).


Il faut noter que c’est surtout l’immigration économique légale qui est en hausse. Il semblerait que ce soit aussi le cas de l’immigration illégale mais nous ne disposons pas de chiffres.


Les chiffres des réfugiés et des demandeurs d’asile apparaissent également en hausse mais il n’est pas constaté d’explosion de leurs chiffres.



Polémia : Quel est le poids de la présence des étrangers au Portugal et celle-ci est-elle en augmentation ?


Pierre Antunes : Le Portugal comptait en 2022 presque 760 000 étrangers résidents légaux alors qu’ils étaient 700 000 environ en 2021, 662 000 en 2020 et 590 000 en 2019. C’est la septième année que l’immigration augmente au Portugal, et ce, d’une manière sensible.


Les Brésiliens (233 000) représentent 31 % des étrangers. Il faut souligner au passage qu’ils se répartissent approximativement à hauteur de 45 % entre les descendants de Portugais, de Germaniques et d’Italiens, et les autres qui peuvent être regroupés sous les dénominations de Mestiços, Afro-Brésiliens, Amérindiens et Pardos (mélanges raciaux hétérogènes).


Polémia : Qu’en est-il de la politique de naturalisation ?


Pierre Antunes : Pour acquérir la nationalité portugaise, il faut :



  • être né au Portugal de parents portugais ;

  • être né à l’étranger de parents portugais (de père portugais ou de mère portugaise) ;

  • être marié(e) avec un(e) Portugais(e) depuis au moins trois ans ;

  • vivre au Portugal depuis au moins cinq ans.


Une loi récente a facilité le processus des naturalisations qui sont maintenant accordées de manière beaucoup plus permissive alors que beaucoup de candidats parlent à peine le portugais.


Rien qu’en 2020, environ 150 000 personnes ont obtenu la nationalité portugaise, ce qui correspond largement à un rattrapage massif de dossiers en retard.


En 2021, environ 24 000 étrangers ont acquis la nationalité portugaise.


Entre 2007 et 2021, environ 713 000 étrangers ont été naturalisés dont, par exemple, 50 000 Cap-Verdiens.


Globalement, les Brésiliens (entre 2010 et 2022, environ 400 000), Ukrainiens, Angolais, Cap-Verdiens, Guinéens, Russes, Roumains, Indiens, Népalais, Pakistanais, ensuite Anglais et Français, sont les nationalités qui comptent pour plus de la moitié des acquisitions de la nationalité portugaise.


Un changement de peuple ?


Polémia : Tout cela apparaît un peu compliqué et ne fait pas apparaître les tendances de l’évolution raciale du Portugal ?


Pierre Antunes : Je vais essayer, si possible, de faire une synthèse et de faire apparaître le nombre et la proportion des non-Caucasiens d’origine.


760 000 étrangers et 713 000 étrangers qui ont acquis notre nationalité aboutissent à une population immigrée de 1 473 000 qui ne sont pas des Portugais de souche.


Les Luso-Africains seraient au nombre de 260 000 actuellement, selon l’estimation la plus haute, d’après des blogs luso-africains, dont une partie est comptée parmi les étrangers et une autre partie parmi ceux qui ont acquis la nationalité.


Concernant les Brésiliens, on décompte 233 000 personnes avec un statut d’étrangers et 400 000 ayant obtenu la nationalité ; au total 633 000. De ce chiffre, on peut estimer à 45 % le nombre de Caucasiens (d’après le pourcentage de population blanche au Brésil). On aboutit ainsi à 284 000 Euro-Brésiliens.


Donc : 349 000 non-Euro-Brésiliens, plus 260 000 Subsahariens (je prends l’estimation la plus haute), plus environ 80 000 Asiatiques donnent 689 000 non-Blancs au Portugal sur 10 300 000 habitants, soit 6,7 %. Une estimation peut-être plus haute que la réalité.


Ainsi, sur un ratio de 14 % de population étrangère ou d’origine étrangère, compte non tenu des descendants directs d’immigrés, on a 7 % environ d’origine extra-européenne.



Polémia : En 2019, on pouvait considérer la présence de populations islamiques en Portugal comme non significative. Qu’en est-il aujourd’hui ?


Pierre Antunes : La présence chiffrée de populations originaires du monde musulman n’a pas évolué d’une manière notable : environ 50 000 au maximum. Il n’y a pas d’islamisation. Nous sommes loin de la situation belge ou française. Néanmoins, on note l’arrivée récente de Pakistanais, de Bangladis et d’Afghans. Le Portugal a également conclu un accord avec le Maroc. Je tiens à souligner que ce constat plutôt positif doit tenir compte du fait que des islamistes commencent à arriver et à s’organiser.


Polémia : Le Portugal était en 2019, selon le Global Peace Index, le troisième pays le plus sûr au monde. Cette situation favorable perdure-t-elle actuellement ?


Pierre Antunes : Les choses semblent évoluer d’une manière contradictoire. Le Portugal a vu sa criminalité baisser légèrement entre 2011 et 2020. Mais, à partir de 2022, les crimes violents ont augmenté de 14 %. Il faut aussi noter la progression de ce que vous appelez en France les incivilités dans certains quartiers de la région de Lisbonne sous la forme de poubelles incendiées et de caillassages de pompiers et de policiers. Ce sont principalement des Cap-Verdiens qui vivent en France mais qui retournent au Portugal et y amènent les habitudes et les pratiques de votre pays.


Polémia : Ces populations immigrées travaillent-elles ?


Pierre Antunes : En principe, un emploi est indispensable pour rester au Portugal. Normalement, c’est à l’immigré de conclure un contrat de travail dans notre pays ou de procéder à la recherche d’emploi. Il ne peut espérer aucune allocation de chômage. On ne peut considérer les immigrés comme étant à l’origine d’un parasitisme économique et social significatif.


Le taux d’activité des étrangers est de 75 %, ce qui est supérieur à celui des Portugais, 58 %. La raison semble être l’arrivée d’Européens qui ont souvent fait des études ou possèdent un savoir-faire et apportent du capital. En revanche, le taux de chômage est de 12,9 % contre 6,7 % chez les Portugais.


17 % des étrangers sont auto-entrepreneurs, contre 13 % pour les Portugais.


Il faut souligner que les étrangers qui travaillent au Portugal ont rapporté plus d’argent à la Sécurité sociale portugaise qu’elle n’en a coûté : 802 millions d’euros de solde positif en 2020. Rien à voir avec le trou sans fond et les fraudes au régime social qui caractérisent votre système social.


La résistance du Portugal


Polémia : Face à ces menaces, le Portugal dispose-t-il de défenses immunitaires sociales et religieuses ?


Pierre Antunes : Oui. La famille, les traditions nationales et régionales et le poids de l’Église catholique forment toujours un ciment identitaire qui devrait pouvoir soutenir une résistance à la décadence visible en Europe occidentale et plus particulièrement chez vous.


Il faut cependant nuancer la force du catholicisme portugais. D’une part, si celle-ci demeure présente et bien réelle dans le nord et le centre du pays, il semble cependant que dans le Sud et surtout dans la métropole de Lisbonne la ferveur soit en déclin. Par ailleurs, il faut noter l’arrivée en force et l’expansion des Églises évangélistes en provenance notamment du Brésil.


En définitive, je ne pense pas que la situation du Portugal soit comparable avec celle de l’Espagne ou de l’Italie, où le problème commence à se faire sentir sérieusement, encore moins avec celui de la France, du Royaume-Uni ou de la Suède. Mais il y a en effet une mauvaise évolution de la situation. Comme pour l’Occident, des États-Unis à l’Allemagne, la forte immigration, alliée à une faible natalité, amène un changement de population.


En 2019, le Portugal se trouvait dans la même situation que la France du début des années 80 : une immigration pas encore trop forte, quelques petits problèmes ici et là, mais rien d’affolant. En 2023, je dirais que le Portugal se trouve dans la même situation que la France du début des années 90 : l’immigration augmente exponentiellement, les problèmes commencent à se voir, les gens commencent à en parler. Quand atteindrons-nous la phase « France en 2005 » avec ces grandes émeutes urbaines ? Je ne sais pas. Mais le Portugal est un petit pays, une population bien moins nombreuse que celle de la France, et surtout un des pays les plus vieux au monde. Le Grand Remplacement pourrait donc être plus rapide.


J’espère juste que le conservatisme du peuple portugais, son patriotisme assez fort et les faibles aides sociales (qui amènent une partie non négligeable des extra-Européens à partir) découragent les futurs migrants. Ou alors, qui sait, qu’un changement brusque dans d’autres pays européens n’oblige les élites portugaises à fermer le robinet à temps et à inverser les flux. C’est tout ce que je souhaite.


Entretien avec Pierre Antunes réalisé par Nicolas Reilhac pour Polémia

16/06/2023