Grossière indécence

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Le régime libéral subventionne le corporatisme médical

Pendant des années, on a justifié les hausses à répétition de la rémunération des médecins par la nécessité d’un rattrapage qui leur permettrait d’atteindre la parité avec leurs confrères du Canada anglais.



À l’époque où il dirigeait la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ), Gaétan Barrette soutenait que ses ouailles étaient devenues un objet de risée dans le reste du pays. Même si l’écart était bien réel, le pourcentage du PIB consacré à leur rémunération demeurait plus élevé au Québec qu’ailleurs au Canada. Peu importe, M. Barrette jugeait irrecevable l’idée qu’une société paye ses médecins moins cher sous prétexte qu’elle est moins riche, alors que toutes les autres catégories de travailleurs doivent accepter cette réalité.



Sa pensée a commencé à évoluer quand il est devenu ministre. D’insuffisante qu’elle était à ses yeux, la rémunération des médecins lui est soudainement apparue équitable, puis excessive. En novembre 2016, il en était arrivé à la conclusion que l’entente qu’il avait lui-même négociée pour la FMSQ deux ans plus tôt devait être revue à la baisse. « Il faut arriver à une autre entente. Le Québec ne peut aller là. Il n’en a pas les moyens », disait-il.



Il rejoignait en cela l’Institut de recherche et d’information socio-économique (IRIS), qui recommandait de diminuer la rémunération des médecins de 12 % afin de tenir compte de la différence du coût de la vie au Québec et en Ontario.



Si sa successeure à la présidence de la FMSQ, Diane Francoeur, a réclamé et obtenu que M. Barrette soit écarté des dernières négociations, c’était sans doute moins en raison de son caractère abrasif qu’à cause de sa position sur le fond de la question. On peut lui reprocher bien des choses, mais il n’aurait sans doute pas toléré une aussi grossière indécence.




 


Malgré toutes les explications qu’a pu donner le premier ministre Couillard, qui, après 15 ans de règne libéral, a encore trouvé le moyen de blâmer les gouvernements précédents, M. Barrette avait parfaitement raison : le Québec n’a tout simplement pas les moyens de consentir un milliard additionnel à des gens qui gagnent déjà près de 450 000 $ par année en moyenne.



Mardi, à l’Assemblée nationale, le porte-parole de la CAQ en matière de santé, François Paradis, a demandé au ministre de la Santé s’il pouvait répéter publiquement ce qu’il aurait dit en privé, à savoir que les spécialistes québécois gagnent maintenant entre 10 % et 15 % de plus que leurs confrères canadiens. Il a préféré esquiver la question. Quand M. Paradis est revenu à la charge, le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand, s’est empressé de répondre à sa place, craignant peut-être un élan de franchise de son collègue.



On peut comprendre la frustration de M. Barrette : non seulement il a été tassé au profit de M. Arcand dans les négociations avec les fédérations médicales, mais l’entente intervenue constitue un désaveu de son postulat de base.



Comme bien d’autres, il avait constaté que l’État avait eu beau donner toujours plus d’argent aux médecins, les services ne s’étaient pas améliorés. Avec les projets de loi 20 et 130, il avait donc décidé de remplacer la carotte par le bâton. Si les objectifs fixés n’étaient pas atteints, il y aurait des pénalités financières. Avec la nouvelle entente, on revient à la carotte. Quand M. Barrette a dit que sa réforme était terminée, il voulait peut-être dire qu’elle était foutue.




 


Dans une note interne obtenue par Le Soleil, la présidente de la FMSQ a accusé le ministre de divulguer « toutes sortes d’informations inadéquates » aux médias dans le but de « dénigrer ses membres » et de « semer la zizanie » entre eux.



Les médecins n’ont besoin de personne pour ternir leur image, ils le font très bien eux-mêmes. La baisse de l’estime sociale dont la profession médicale avait toujours bénéficié est même un fait marquant des dernières années. Le regroupement Médecins québécois pour le régime public (MQRP), qui réclame depuis un an un gel de leur rémunération, en est manifestement conscient.



Si, à sept mois et demi de la prochaine élection, le PLQ voulait ancrer dans l’esprit des électeurs l’idée qu’il est le parti des médecins, il ne pouvait pas trouver mieux. Après le cri de détresse des infirmières, qui tombent d’épuisement pour une fraction du revenu des médecins, la dernière entente ne peut que choquer la population.


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