PARIS, France - Deux semaines après les pires attentats de son histoire, le président français François Hollande a promis vendredi à une France «frappée en son coeur» de «détruire l'armée des fanatiques» du groupe État islamique, lors d'un hommage solennel rendu aux 130 morts et 350 blessés.
Lola, 17 ans, Elodie, 23 ans, Jean-Jacques, 68 ans... la triste litanie des noms des morts a été égrenée dans un profond silence dans la cour d'honneur de l'Hôtel des Invalides, un monument historique au coeur de Paris, en présence de quelque 2600 personnes, dont de nombreuses familles et des blessés.
«Vendredi 13 novembre, ce jour que nous n'oublierons jamais, la France a été frappée en son coeur», a commencé François Hollande, après l'interprétation des chansons Quand on n'a que l'amour de Jacques Brel et Perlimpinpin de Barbara, qui ont touché l'assistance.
«130 vies arrachées, 130 rires que l'on n'entendra plus», a dit, ému, le chef de l'État avant de promettre «solennellement» de tout faire pour «détruire l'armée des fanatiques» qui a ensanglanté la capitale française pour la deuxième fois en dix mois.
Seul orateur, le président Hollande a rendu hommage dans un discours d'une quinzaine de minutes «à une génération», fauchée à des terrasses de café ou dans la salle de concerts du Bataclan, «devenue le visage de la France». La plupart des victimes «avaient moins de 35 ans» et «ces femmes, ces hommes étaient la jeunesse de France», a-t-il dit.
Deux semaines après les attentats, quelque 160 blessés sont toujours hospitalisés, dont une vingtaine en réanimation.
LA FRANCE PEU PAVOISÉE
Quelques familles de victimes avaient décidé de boycotter la cérémonie. Elles accusent le gouvernement socialiste de ne pas avoir réagi avec suffisamment de fermeté après la première vague d'attentats à Paris, en janvier. Dix-sept personnes avaient alors péri dans des attaques contre le journal satirique Charlie Hebdo, des policiers et un supermarché cacher.
Invités par le président français à s'associer à l'événement en arborant au même moment le drapeau bleu-blanc-rouge à leurs fenêtres, peu de Français semblent avoir répondu à l'appel. Avant tout peut-être, parce que dans un pays réservé vis-à-vis des symboles nationaux, rares sont les familles à disposer chez elles de la bannière française.
Tout juste rentré de Moscou où il a plaidé jeudi en faveur d'une meilleure coordination des pays engagés dans la lutte contre le groupe EI, le président Hollande devait remettre le cap dans l'après-midi vers Malte où se tient un sommet du Commonwealth.
Il a annoncé jeudi, à l'issue d'une visite à son homologue russe Vladimir Poutine, que Paris et Moscou avaient décidé de «coordonner et intensifier» leurs bombardements aériens en Syrie contre l'EI.
Des divergences demeurent: pour François Hollande, le président syrien Bachar al-Assad n'a pas «sa place dans la Syrie» de demain, tandis que Vladimir Poutine considère toujours le régime de Damas comme son «allié naturel dans la lutte contre le terrorisme».
«Malheureusement, nos partenaires ne sont actuellement pas prêts à travailler ensemble au sein d'une coalition unique», a regretté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Outre Paris, la critique vise explicitement Washington qui a opposé en début de semaine à François Hollande une fin de non-recevoir à son souhait de voir émerger un vaste ensemble uni dans la lutte contre l'EI.
LA SYRIE, DANS LES COULISSES DE LA COP21
Les présidents américain Barack Obama, russe Vladimir Poutine, et français François Hollande se retrouvent lundi à Paris dans le cadre de la conférence de l'ONU sur le climat COP21 et il n'est pas exclu que de nouvelles discussions sur la Syrie interviennent dans les coulisses de ce grand rendez-vous mondial.
Pour la première fois vendredi, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, a envisagé que des forces du régime syrien puissent être associées à la lutte contre l'EI, «dans le cadre de la transition politique».
La quête de cette large coalition a été compliquée par la perte d'un bombardier russe, abattu mardi par la Turquie (membre de l'Otan et de la coalition anti-EI menée par les États-Unis) au motif qu'il aurait violé son espace aérien.
Vladimir Poutine a demandé des «excuses claires» à Ankara mais le président turc Recep Tayyip Erdogan a estimé que c'était à Moscou de s'excuser. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov doit rencontrer vendredi son homologue syrien, Walid Mouallem.
Les États-Unis ont fait entrer plusieurs dizaines de soldats de leurs forces spéciales dans le nord de la Syrie, notamment à Kobané, pour entraîner et assister des combattants kurdes en prévision de nouvelles offensives contre l'EI.
Ce déploiement, le premier officiel du genre, vise à «organiser» les forces locales anti-EI, selon Brett McGurk, envoyé spécial du président Barack Obama pour la coalition internationale dirigée par les États-Unis. Il s'agit à terme d'«isoler» Raqa, capitale de facto de l'EI en Syrie, devenue la principale cible des raids aériens de la Russie et de la France.
Déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques réclamant des réformes, le conflit syrien, qui a fait plus de 250 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés, est devenu complexe avec une multiplication des acteurs, locaux et étrangers sur un territoire morcelé.
DÉROGER AUX DROITS DE L'HOMME
La France a informé le Conseil de l'Europe «de sa décision de déroger à la convention européenne des droits de l'homme», du fait de l'adoption de l'état d'urgence après les attentats de Paris, a annoncé l'organisation paneuropéenne dans un communiqué.
Les autorités françaises ont informé le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjorn Jagland, «d'un certain nombre de mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence instauré à la suite des attentats terroristes de grande ampleur perpétrés à Paris». Ces mesures «sont susceptibles de nécessiter une dérogation à certains droits garantis par la convention européenne des droits de l'homme».
Cette dernière reste cependant en vigueur en France et certains de ces droits ne pourront tolérer de dérogation, a prévenu le Conseil de l'Europe, notamment le droit à la vie et l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
De même, l'interdiction de l'esclavage et le principe affirmé à l'article 7, soit pas de peine sans loi, ne peuvent faire l'objet de dérogations.
La notification de cette dérogation est prévue à l'article 15 de la convention européenne des droits de l'homme: en «cas de guerre ou d'autre danger public menaçant la vie de la nation», un État signataire «peut prendre des mesures dérogeant aux obligations» de la convention, sous réserve d'en informer le Conseil de l'Europe.
Il ne revient pas pour l'instant à l'organisation paneuropéenne de se prononcer sur le bien-fondé de cette démarche de la part de la France. En revanche, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), garante de la convention, pourra se prononcer sur la validité de cette dérogation, lorsqu'elle sera saisie de requêtes précises, alléguant d'éventuelles atteintes, par la France, aux droits fondamentaux.
L'état d'urgence a été proclamé en France le soir des attentats meurtriers du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. Prolongé jusqu'à fin février par le Parlement, il donne à la police de nouveaux pouvoirs, sans passer préalablement par un juge, notamment pour les perquisitions ou la surveillance électronique de personnes.
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait rappelé jeudi que l'état d'urgence n'était «pas l'abandon de l'État de droit parce que l'État de droit le prévoit».
«Il faut faire très attention à la manière dont sont mises en œuvre les conditions de l'état d'urgence», avait souligné le ministre.
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