Ignatieff et la renaissance libérale

Ignatieff - le PLC et le Québec



La politique fédérale est devenue un sport extrême. Coup de force du gouvernement Harper. Coalition PLC-NPD. Prorogation de la session. Et maintenant, après la démission de Stéphane Dion et le désistement de Bob Rae, couronnement de Michael Ignatieff à la direction du Parti libéral du Canada. Tout cela en moins de deux semaines. Qui a dit que le Canada était un pays terne et sans histoires?
L'arrivée de Michael Ignatieff n'est pas seulement l'aboutissement d'une succession d'événements spectaculaires, c'est la meilleure chose qui pouvait arriver au Parti libéral du Canada.
D'abord parce que Stéphane Dion, le principal obstacle au succès du parti, tire enfin sa révérence. Celui-ci n'a pas démissionné, il a été poussé dehors. Il aurait pu éviter cette fin de carrière humiliante s'il avait fait preuve d'un peu plus de jugement politique et s'il ne s'était pas accroché à son poste deux fois de trop. C'était une erreur, après son échec électoral, de vouloir rester en poste encore six mois. Et c'était une erreur encore plus grande de croire qu'il pourrait, au mépris de la logique et de la démocratie, devenir premier ministre par accident.
Ensuite parce que cela permet de redéfinir le sens de la coalition entre le PLC et le NPD. Cette idée était excellente. Ce coup d'éclat a ébranlé le gouvernement conservateur. La menace d'être renversé et remplacé par un gouvernement de coalition a assez fait peur à Stephen Harper pour le faire reculer sur les pires mesures de son énoncé économique et pour le forcer à proroger la session. La coalition envoyait un message clair, celui que l'opposition pouvait réagir. Cependant, c'était davantage un bluff efficace qu'un projet politique crédible. La pire chose que des politiciens peuvent faire, c'est de croire à leur propre bluff.
Car un gouvernement de coalition constituerait une solution bancale. Il aurait proposé aux Canadiens un gouvernement où les libéraux, tirés par le NPD et leur allié bloquiste, auraient formé un gouvernement de centre gauche que les électeurs n'avaient jamais voulu et jamais prévu. On a pu voir depuis que ce sont surtout le NPD et les centrales qui appuient cette coalition avec ferveur. Un sondage a d'ailleurs montré le week-end dernier que cette aventure a fait perdre quatre points aux libéraux et deux aux néo-démocrates.
Cette coalition, si elle avait vu le jour, aurait piégé le successeur de Stéphane Dion, surtout Michael Ignatieff. L'autre prétendant à la direction du PLC, Bob Rae, était manifestement à l'aise avec cette coalition, à un tel point que son enthousiasme aurait sans doute compromis encore davantage ses chances de succès en mettant en relief une proximité avec le NPD. Mais le fait que Bob Rae ait choisi d'abandonner la lutte, dans un geste dont il faut souligner la sagesse et l'élégance, change la donne.
Michael Ignatieff avait prudemment gardé ses distances face à la coalition, et c'est ce qui lui a permis de très bien amorcer son nouveau rôle de chef intérimaire du PLC. Avec un sens politique prometteur, il n'a pas renié la coalition, mais l'a décrite comme elle doit l'être, comme un plan B. En disant qu'il serait irresponsable de rejeter maintenant un budget conservateur qu'il n'a pas vu, mais en disant aussi que cette coalition permettrait de proposer une alternative stable au gouvernement Harper. En ce faisant, il a repris l'initiative et mis de la pression sur Stephen Harper, maintenant sur la défensive, pour qu'il présente un budget acceptable.
Enfin, l'arrivée de Michael Ignatieff augure bien pour le Parti libéral. Parce que son passé lui permet d'assurer un renouveau. Parce que l'unanimité derrière lui aidera peut-être le parti à cesser de s'entredéchirer. Parce que ses idées, plus conservatrices, permettront aux libéraux de retrouver leur place sur l'échiquier politique et de reconquérir le centre. Parce que M. Ignatieff, celui-là même qui amorcé le débat à Ottawa sur la reconnaissance de la nation québécoise, est le mieux placé des candidats pour reconquérir le Québec.
Et pendant que les libéraux sont peut-être sur le point d'amorcer une renaissance, les conservateurs sortiront affaiblis de cette épreuve de force, notamment parce que le premier ministre Harper ne pourra faire disparaître le stigmate de "l'agenda caché". Cela modifie donc de façon radicale le paysage de la politique fédérale. Et c'est certainement mieux pour le Canada, pour le Québec, pour la démocratie.


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