Grève étudiante

Individualisme contre sens de la communauté

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


Je suis étudiante en communication et «j'investis» dans notre futur. Je veux réussir dans la vie, j'ai un iPhone et je n'ai pas de dreadlocks.
«Déception», lisait-on dans le Quartier libre cette semaine car, «du côté des étudiants en communication de l'Université de Montréal (AECUM), [ils] ont voté contre la grève générale illimitée et refusent donc de se joindre au mouvement. Avec 181 personnes dans la salle, c'est un peu plus du quart des membres de l'association qui étaient présents à l'AG».
Eh bien, parlons-en de cette assemblée générale, car aujourd'hui, ce n'est pas la déception mais bien la honte que je partage en tant qu'étudiante en communication à l'Université de Montréal!
Une assemblée mal préparée, des arguments faibles autant dans le camp du pour que dans celui du contre, où on parle de cash sans parler de principes, ou on parle d'efficacité sans parler de symboles d'appui. Un vote de grève symbolique (de 10 jours!?) qui ne passe pas. Et pourquoi? Parce qu'en grosse majorité, on pense à son examen en mars, à son cours de thaï box et à son stage chez Cossette. Allô la communauté! Et il y a de quoi s'inquiéter. Rare. Voilà dévoilé un symptôme plus profond ici... Un symptôme inquiétant, relié directement à la hausse des droits de scolarité...
Si l'éducation est en train de changer, ce n'est pas juste à cause des programmes «rentables» favorisés, de la facture étudiante qui s'alourdit, de la gestion et du financement des universités qui se privatisent; c'est aussi... à cause des étudiants.
Les étudiants, la société de demain, comme on se plaît à le dire, ceux qui oeuvreront dans les communications comme mes collègues, qui obtiendront des postes de grande influence dans la stratosphère médiatique, ceux qui sont au courant de la force d'un mouvement de masse et qui travailleront chaque jour avec et pour le public: ce sont eux qui en grande majorité ont voté contre la grève, entre deux tweets sur leur iPhone, avec l'envie de régler le vote au plus vite, agités et stressés parce qu'ils venaient de manquer les 30 premières minutes de leurs cours...
Mentalité individualiste
Ne manquez surtout pas 30 minutes de relations de presse! Mais manquez votre seule chance de comprendre un enjeu beaucoup plus vaste. Manquez votre chance de comprendre ce qui se passera au Québec pour les 30 prochaines années et beaucoup plus... Manquez votre chance de laisser l'individu de côté pour comprendre le sens du mot collectivité...
Une mentalité individualiste qui va de pair avec la privatisation et la hausse. Une mentalité que parfois je me suis surprise à partager, étonnée, abasourdie de moi-même!
Les gens ne sont pas de mauvaises personnes, c'est une question de société. Quand on baigne dans une idéologie particulière, on finit par intégrer ses valeurs. Et puis justement, question société, le Québec, il va mal... Même dans la position en faveur de la grève, je trouve dommage de voir que parfois certains étudiants adhèrent au mouvement pour les mauvaises raisons. Encore une fois, on peine à saisir les véritables enjeux. On vote parce qu'on a peur de voir son propre bill augmenter. On pense à l'argent de sa tirelire alors que la question est loin d'être individuelle.
De l'endettement? Oui, moi, je suis endettée et je vais m'endetter encore plus l'an prochain avec la hausse. O.K. Mais encore? Comprenez, l'enjeu de l'éducation est extrêmement plus profond. Outre le fait qu'elle empêchera certaines personnes d'accéder à l'éducation, la montée des droits de scolarité dénote une tendance pernicieuse et invisible: celle du néolibéralisme.
Vous chialez contre Harper sans vous rendre compte que nous suivons présentement un courant général vers une même direction. La montée des droits de scolarité n'est pas distincte de ces changements, elle est ces changements! [...]
La grève n'est pas une partie de plaisir.
Ce n'est pas fait pour être agréable, c'est un moyen d'urgence pour la chose la plus précieuse que nous possédions: le savoir. Et le savoir et sa transmission ne s'achètent pas.
On «n'investit» pas dans son éducation comme on «n'investit» pas non plus dans son amoureux, mais on peut par ailleurs «s'investir» dans la communauté.
Et si la conclusion de l'AG de mardi dernier me fait honte, elle m'a en outre convaincue d'une chose: la nécessité d'agir, au plus vite. Je n'ai pas l'habitude d'écrire et de prendre position, mais j'estime que cette fois j'en avais le devoir.
***
Cybele Beaudoin - Étudiante en communication à l'Université de Montréal


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