Montebello accueille aujourd'hui et demain la troisième rencontre du Partenariat sur la sécurité et la prospérité qui réunit les États-Unis, le Mexique et le Canada. D'aucuns craignent que ce partenariat soit le cheval de Troie d'où sortira une uniformisation des politiques sociales et économiques de ces trois partenaires, voire qu'il débouche sur la mise en place d'une communauté nord-américaine. Y-a-t-il vraiment lieu de s'inquiéter? Disons que la circonspection s'impose.
Cette idée de Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP) est née en mars 2005 lors d'une première rencontre trilatérale. On venait de célébrer le 10e anniversaire de l'ALENA, et George W. Bush, Vicente Fox et Paul Martin voyaient là un moyen d'élargir sa portée sans avoir à le modifier. Plutôt que d'affronter leurs opinions publiques réfractaires à tout renforcement de cet accord, ils convenaient de se consacrer à lever les obstacles réglementaires et sécuritaires au renforcement de leurs relations économiques. Autrement dit, d'avancer par petits pas.
Cette approche n'est pas sans vertus. Dans bien des cas, l'harmonisation de pratiques et de règlements, et éventuellement l'adoption de politiques communes, est souhaitable. Si l'on y arrivait, l'on pourrait faire l'économie de crises commerciales aussi inutiles que coûteuses, comme celle de la vache folle de ces dernières années. Réduire les obstacles réglementaires et administratifs à une réelle libre circulation des biens et marchandises est dans l'intérêt de tous.
Ce processus de discussions à trois n'est toutefois pas sans danger du fait que les enjeux y sont d'abord définis par les États-Unis, question tout simplement de poids économique. Comment alors éviter un nivellement vers le bas de certaines normes? Plusieurs s'inquiètent, surtout que cela vient d'arriver avec les résidus de pesticides sur les fruits et les légumes importés qu'autorise Ottawa. Résister à la pression de Washington sur des questions comme l'environnement, où les approches américaine et canadienne sont sous certains aspects aux antipodes, sera évidemment difficile.
Un autre sujet d'inquiétude est le lien obsessif que fait le gouvernement américain entre sécurité et prospérité dans la foulée des événements du 11 septembre 2001. La protection de l'Amérique du Nord contre des menaces extérieures ne pouvait pas ne pas se retrouver au coeur des échanges du PSP. Sur ce plan, le Canada et le Mexique sont en mode réaction devant les gestes effectués péremptoirement par Washington. L'illustrent bien les contrôles frontaliers de toutes sortes qui ont rendu la libre circulation des biens et des personnes beaucoup plus difficile. C'est pour cette raison que le Canada a dû imiter les États-Unis et se doter d'une liste d'interdits de voler sur laquelle se retrouvent sans le savoir un certain nombre de citoyens canadiens.
Il ne faut pas se faire d'illusion. PSP ou pas, le Canada ne peut ignorer les desiderata du voisin américain. PSP ou pas, il lui faudra un jour ou l'autre aborder avec Washington la sécurisation de l'accès aux ressources naturelles -- pétrole, gaz naturel, eau, qui sont nécessaires au maintien de la croissance des États-Unis. L'avantage du PSP est d'établir un ordre du jour des discussions, un avantage bien limité cependant, car tout se passe derrière des portes closes entre hauts fonctionnaires et leaders politiques.
Le véritable danger que représente le PSP est là. Il serait bien étonnant qu'à Montebello les Calderon, Bush, et Harper arrêtent des décisions majeures. Ces deux derniers tout particulièrement n'ont pas la légitimité politique nécessaire. Toutefois, au fil des discussions et des négociations, l'harmonisation de politiques et de règlements avancera sans que l'on en soit vraiment conscient. À force de petits pas, on pourrait avoir franchi un grand pas à l'encontre de la volonté populaire. À cet égard, il ne s'agit pas tant de craindre inutilement le PSP que de vouloir rendre le processus de discussions transparent. La moindre des choses serait qu'un mécanisme de reddition de comptes devant les parlementaires soit mis en place, seule façon de savoir où l'on met les pieds.
bdescoteaux@ledevoir.com
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