L’affaire du Pont Champlain est révélatrice d’un peuple brisé

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Conclusion nettement prématurée

Il y a quelque chose de brisé au Québec. L’absence de réaction populaire devant l’affaire du pont Champlain est terriblement révélatrice. D’abord, qu’on considère que la question du péage relève d’Ottawa révèle à quel point nous avons renoncé à penser les conséquences de notre subordination à un gouvernement étranger, qui décide pour nous des grands axes de notre développement collectif. Nous pouvons bien chigner, mais il s’agit de lamentations pathétiques, lancées contre les gouvernements en général, contre l’univers, s’il le faut, mais jamais contre le gouvernement fédéral en place, et encore moins contre le régime fédéral qui nous rappelle pourtant ici que nous ne sommes qu’une région parmi d’autres du grand Canada. Quand vient le temps de penser cette décision brutale d’Ottawa, qui fera mal au Québec, nous oublions soudainement de réfléchir, et nous nous contentons de pester contre le mauvais sort.
Ensuite, que le gouvernement fédéral puisse décider comme ça, librement, de sacrifier la référence au fondateur de la Nouvelle-France, au nom d’une forme de «populisme sportif», sans que le Québec ne puisse nommer lui-même les grands repères qui structurent son paysage architectural a quelque chose de délirant. De Samuel de Champlain à Maurice Richard, c’est la culture historique qui est sacrifiée. Mais pire que tout, dans tout cela, c’est l’absence de réaction populaire, le consentement à la dissolution de soi, la perte des réflexes de survie, l’incapacité à faire front commun pour préserver nos intérêts vitaux et nos symboles identitaires fondamentaux qui en ressort. Le gouvernement Couillard, encore une fois, et il en prend l’habitude, est en dessous de tout. Pire encore, il n’est pas loin d’applaudir. On nous déracine, on nous déculture, et nous sourions.
Mais est-ce vraiment surprenant de la part d’un gouvernement dont le premier ministre laisse sa langue maternelle à l’aéroport Trudeau dès que vient le temps de parler aux élites internationales, sous prétexte que la mondialisation se passe en anglais, et qu’on ne doit surtout pas embêter les étrangers avec notre identité linguistique apparemment archaïque. Les quelques mots en français qui étaient autrefois d’usage sont désormais de trop. Il va bien falloir constater que le gouvernement libéral ne se contente pas d’être fédéraliste. Il cherche à casser les réflexes nationalistes les plus élémentaires des Québécois, pour parachever notre intégration comme une province comme les autres à un Canada plus fermé que jamais à notre spécificité.
Et pendant ce temps, les Québécois font comme si rien ne se passait, ou alors, ils font comme s’ils n’avaient aucune emprise sur ce qui se passe, et surtout, ils font comme si rien n’était grave. Ils minimisent les pertes. C’est peut-être aussi parce qu’ils sont incapables de les ressentir, puisque chacun, enfermé dans sa vie privée laisse la responsabilité du pays à un gouvernement qui a déjà expliqué que notre survie comme peuple n’était pas une vraie affaire. Nous sommes entrés dans la spirale de la régression collective, et bien évidemment, nous continuons, bons Québécois joyeux, de croire que tout va bien. Se révolter, même démocratiquement et calmement, contre l’inacceptable? Il semble que cela soit désormais au-delà de nos forces.


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