Loi 78

L’audace retrouvée

Ces jours-ci, le gouvernement Charest semble aussi déboussolé que l’était ce pauvre Louis XVI.

Conflit étudiant - Désobéissance civile - 22 mai - un tonnerre d’espoir


La réaction incrédule de Louis XVI à la prise de la Bastille demeure inoubliable.
« - C’est une révolte ?
_ - Non, Sire, c’est une révolution. »

Il n’est pas plus facile aujourd’hui qu’hier de percevoir le déclic qui marque le passage de l’une à l’autre, d’autant plus que la situation peut évoluer très rapidement. Ces jours-ci, le gouvernement Charest semble aussi déboussolé que l’était ce pauvre Louis XVI.
La page couverture du dernier numéro du magazine Maclean’s est provocante à souhait, avec son étudiant masqué hurlant de rage, qui représenterait la « nouvelle classe dirigeante du Québec », mais elle est déjà dépassée. Une famille de Rosemont tapant joyeusement de la casserole aurait mieux traduit l’étrange climat qui règne actuellement à Montréal et qui semble gagner les régions.
L’opposition à la hausse des droits de scolarité n’était pas une cause suffisamment mobilisatrice pour déclencher un tel mouvement. Si insatisfaits qu’ils soient du gouvernement, une majorité de Québécois ne pouvaient s’empêcher de trouver sa proposition raisonnable. L’adoption de la loi 78 a été l’occasion qu’ils guettaient pour laisser enfin éclater leur ressentiment.
Il y a cependant autre chose. Le dernier sondage Léger Marketing traduisait très bien l’estime, voire l’admiration d’une grande partie de la population pour les leaders étudiants, du moins pour les plus modérés d’entre eux.
C’est comme si on avait retrouvé en eux l’audace perdue et peut-être, comme le disait Michel Rivard, les rêves sur lesquels on s’était endormis. Descendre spontanément dans les rues de son quartier en sachant qu’on contrevient ainsi à la loi constitue plus qu’une simple protestation, c’est une question de dignité.
Bien plus que l’échec de projets comme le déménagement du casino ou l’érection d’un technopôle de la santé à Outremont, sur lesquels on s’est lamenté, c’est l’immobilisme politique qui a caractérisé le Québec depuis le référendum de 1995. De façon totalement inattendue, les étudiants ont peut-être sonné un réveil.
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« L’humilité a des vertus. Parfois, il faut savoir reculer », a déclaré au Journal de Montréal l’ancienne ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui disait ne pas comprendre pourquoi le premier ministre refusait de rencontrer les représentants des associations étudiantes. « Ç’aurait dû être réglé il y a deux mois. Tout ce qui traîne se salit. »
Après son coup de matraque dans l’eau, le gouvernement ne peut plus sortir gagnant de la crise, mais on pardonnerait encore moins à M. Charest de ne pas avoir tout tenté. Il ne lui reste plus que le choix entre une retraite aussi honorable que possible ou un déclenchement d’élections dans les pires conditions imaginables.
Les leaders étudiants devraient méditer eux aussi sur les mérites de l’humilité. La tentation de pousser leur avantage sera sans doute forte, mais ils ne doivent pas interpréter leur soudaine popularité comme un chèque en blanc qui les autorise à refuser toute concession ou à s’ériger en censeurs du gouvernement. La population souhaite avant tout un règlement. Le sort du gouvernement sera décidé dans l’urne.
Les positions de Pauline Marois ont été bien mouvantes depuis trois mois. Il faut cependant reconnaître qu’elle a eu du flair. En arborant le carré rouge, elle a pris le risque d’être accusée de cautionner la violence ; mais quel mal la population pourrait-elle encore y voir, après l’avoir elle-même adopté ?
La question est plutôt de savoir dans quelle mesure le PQ sera suffisamment inspirant pour profiter de cette « envie de bouger » dont parlait jadis Jacques Parizeau et qui semble se manifester de nouveau. Le dernier sondage Léger Marketing-QMI laisse plutôt entrevoir un gouvernement péquiste fortement minoritaire, dont l’impuissance ne pourra qu’engendrer une plus grande frustration.
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La CAQ pourrait néanmoins être la grande victime de la crise étudiante. François Legault a été fidèle à ses convictions en appuyant la hausse des droits de scolarité, mais voter en faveur de la loi 78 était une erreur. De nombreux électeurs lui auraient été reconnaissants de leur éviter le tout ou rien.
Tous les anciens péquistes qui ont rejoint M. Legault n’ont pas les principes aussi élastiques que François Rebello qui, après avoir vainement tenté de dissuader ses collègues du caucus caquiste d’appuyer la loi, s’y est lui-même rallié. La Presse rapportait jeudi que le responsable de l’organisation de la CAQ dans les Laurentides et ex-organisateur de M. Rebello au PQ, Nicolas Fournier, démissionnera dès le lendemain de l’élection partielle dans Argenteuil parce qu’il n’accepte pas que son parti appuie cette « très mauvaise loi ».
Même un ancien adéquiste responsable de l’organisation caquiste dans Rivière-du-Loup, José Soucy, n’a pu contenir son écoeurement. « La CAQ, ce parti qui désirait faire de la politique autrement, qui prônait la vertu, s’unit au gouvernement libéral que Gérard Deltell méprisait pour adopter une loi fascisante. »


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