Le premier ministre manitobain, Brian Pallister, avait déjà exprimé son opposition à la loi proscrivant le port de symboles de foi chez certaines catégories de représentants de l’État québécois. Même si cela en agace plusieurs, il en avait bien le droit. Et on doit vivre avec l’opinion d’autrui. Mais lancer une campagne publicitaire sur le dos d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale a quelque chose d’indécent. On tombe là dans un tout autre registre. On tombe dans l’effronterie.
On peut aussi être agacé, de façon plus générale, par des résolutions comme celle adoptée par l’Assemblée législative de l’Ontario ou par des conseils municipaux dans le reste du Canada contre la loi 21. Mais, là encore, on n’est pas là dans l’indécence d’une campagne publicitaire. Je fais une distinction entre ces différents véhicules d’expression.
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Je ne ferai pas grief à des responsables politiques municipaux ou à des législatures d’autres provinces d’exprimer une opinion. D’autant moins que je ne trouve pas anormal que l’Assemblée nationale se prononce sur des situations se déroulant hors des frontières du Québec.
Comparaison n’est pas raison, les dossiers n’ont rien à voir — j’insiste là-dessus —, mais le Parlement québécois — je le rappelle — s’est exprimé encore tout récemment sur le bras de fer politique opposant Madrid à Barcelone. Les exemples sont nombreux.
Il y a presque un an jour pour jour, d’ailleurs, l’Assemblée nationale dénonçait dans une résolution parlementaire ce qui constituait à ce moment-là la toute dernière atteinte aux droits de la communauté franco-ontarienne. Elle a exprimé son point de vue et c’était légitime.
Les résolutions votées contre la loi 21 à l’extérieur du Québec — pour revenir plus spécifiquement à ce dossier — ne contraignent évidemment en rien le gouvernement québécois. Mais elles ont un mérite politique : elles permettent à chacun de prendre officiellement acte des opinions divergentes entre des élus du Canada.
Provocation
Avec la publicité diffusée au Québec par le Manitoba, on tombe dans un tout autre registre, disais-je. On tombe dans l’effronterie, dans la provocation.
Dans cette campagne publicitaire du gouvernement Pallister visant à recruter des Québécois, on lit notamment que «les fonctionnaires du Manitoba sont accueillis à bras ouverts et mis à l’honneur, quelles que soient leur religion ou leur culture» et qu’«au Manitoba, la diversité est respectée et valorisée».
Cette publicité, c’est un peu comme si M. Pallister était venu expressément au Québec pour dire cela en conférence de presse.
Pour illustrer le franchissement de frontière que constitue une publicité comme celle-là, je référerai au premier ministre François Legault, qui a déjà qualifié le pétrole de l’Ouest d’«énergie sale». Qu’aurait-on entendu dans d’autres provinces et qu’auraient pensé de nombreux Québécois si M. Legault avait en plus lancé une campagne de pub intitulée «Énergie sale» dans des médias de l’Alberta...?
François Legault a évité de déchirer sa chemise en commentant, jeudi, la publicité du chef du gouvernement manitobain.
Celui qui a dû être le plus troublé par cette offensive, en son for intérieur, est le premier ministre Justin Trudeau. Non pas qu’il ne soit pas d’accord avec Brian Pallister, bien sûr. Mais, comme tout le monde, il voit bien que cette publicité ne fera rien pour apaiser les tensions au Canada — ces mêmes tensions qui l’ont incité à nommer Chrystia Freeland au poste de vice-première ministre et à celui de ministre des Affaires intergouvernementales.
Quoi qu’il en soit, rien de tout cela ne mettra en péril la loi 21.
S’il existe un risque à court terme pour cette loi, il est du côté de la Cour d’appel du Québec. Celle-ci doit décider incessamment si elle la suspend le temps qu’un tribunal se penche sur le fond du dossier.